Par Gilbert Mervilus
Avril 2012
Aux enfants et petits-enfants du Dr. Jeannot CADET.
Haïti reste, sous divers angles,
un univers d’une étrange complexité. Il faut apprendre à bien observer, pour
convenablement identifier, ces nobles espaces, rares en vérité, où les concepts
«construction/reconstruction» se définissent et se cultivent,
admirablement.
En ce vendredi, timidement
pluvieux d’un avril, pourtant torrentiel, ponctué d’averses mortelles et une
météorologie politique effrayante, j’ai gravi l’escalier de la Clinique Cadet,
presqu’avec la même émotion, lorsque mon père m’accompagna voir le Dr. Jeannot
Cadet, il y a plus de trente ans. En ce temps-là, où les grands fonctionnaires
se glissaient, avec une élégance ésotérique, des messages précis, difficilement
audibles et décryptables ; temps inoubliables, aussi, où la majorité des
grands fonctionnaires vivaient avec leurs portes et leurs bras ouverts, au-delà
du grade au Quartier général, de l’importance du portefeuille ministériel ou de
l’envergure de telle Direction générale…
Cette constance civique, d’une
ponctualité infaillible, est restée la règle numéro Un chez les Cadet : le
Dr. Jeannot recevait dès 6h30 le matin, et terminait, généralement, sa journée
à 7h p.m. A 5h30 du matin, le Dr. Jean-Claude est déjà presqu’arrivé à la porte
de ses «Casernes», come médecin chevronné, professeur de calibre certain à
l’université ou Directeur médical de l’H.U.E.H., défiant avec un sourire de
moine tibétain les scabreux aléas du «système». En des conjonctures
troublantes, lorsque la vocifération politicienne atteint des sommets
inimaginables, je l’ai souvent croisé, encore en ville, laissant la Clinique
vers 7h du soir.
J’insiste sur un détail, purement
étymologique, autour du mot «caserne», lequel signifiait, au XVIe siècle,
guérite et petite chambrée. Autrement dit, le lieu idéal d’où veille l’ange
gardien. Imaginez un instant notre capital sans l’éclairage impayable de
ces compatriotes bienveillants ? Imaginez Haïti sans ces fils
généreux ?
Je suis allé, fasciné par trois
générations de parchemins et de photos attachantes, jusqu’à demander au
Dr. Jean-Claude de me raconter l’histoire du premier plan de la Clinique, conçu
par l’ingénieur Lévêque, en 1954.
Je reste convaincu que la grande
et belle histoire des nobles serviteurs Cadet est une remarquable page
captivante de l’Histoire médicale nationale. Très peu de quidam ont le privilège, avec la même intensité respectueuse, de
serrer la main de trois générations d’éminents ophtalmologues.