Un très très court survol de
Ce titre m’est venu à l’esprit, en osant penser aux deux Tomes de plus de six cents pages chacun écrits en caractères moyens, véritable monument juridique dans lequel l’auteur René Savatier développe l’unique thème de la Responsabilité Civile ; il y fait montre, entre autres, d’une beauté de raisonnement poussé jusqu’à l’extrême limite de la capacité de l’esprit humain.
Revenons à nos moyens infiniment plus modestes.
Notre tâche consiste à essayer de mettre l’accent sur quelques articles les plus utilisés en matière de responsabilité civile tirée de notre Code Civil, en les illustrant, selon le cas, par un ou deux exemples qui seront beaucoup plus faciles à retenir que les numéros d’articles. Vous conviendrez avec moi qu’il serait fastidieux d’écrire au complet chaque article. Voilà pourquoi nous nous arrêterons à la première ligne ou phrase de l’article à commenter suivi de son numéro.
Nous avons classé en cinq groupes les articles en question :
1o) Introduction à la notion de responsabilité civile.
«Toute personne doit respecter les règles qui s’imposent à elle pour ne pas causer préjudice à autrui, que ce préjudice soit corporel, moral ou matériel.» (art.1457)
Cet article à lui seul renferme, en grande partie, toute la responsabilité civile: le préjudice est corporel, quand on ne respecte pas autrui dans sa personne ; le préjudice est moral, quand on ne respecte pas autrui dans sa réputation ; le préjudice est matériel, quand on ne respecte pas autrui dans ses biens. Outre le caractère juridique de cet article, quelle belle leçon de savoir-vivre, de savoir-faire, de civisme même il nous donne !
2o) Responsabilité de sa propre faute.
«Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés.» (art.1458)
Dans un contrat d’acquisition, l’acheteur s’engage à payer le prix, et le vendeur à livrer la chose vendue. Si l’une des deux parties n’exécute pas son engagement, elle sera poursuivie par l’autre, en dommages et intérêts, pour préjudices moraux et matériels causés.
Remarque importante.- Un contrat est parfait du moment qu’il y a eu accord sur la chose et sur le prix ; on n’a pas besoin d’un écrit ; en droit, ce n’est pas l’«écrit» qui constitue, qui donne naissance au contrat, il ne fait que le constater ; il est un instrument. On a recours à l’«écrit» pour plus de garantie ; car s’il n’y a pas d’«écrit», l’existence du contrat sera plus difficile à prouver au moyen d’autres preuves.
3o) Responsabilité du fait ou de la personne d’autrui.
«Les parents ou celui des deux qui exercent l’autorité parentale sont responsables du préjudice causé par leurs enfants mineurs de moins de quatorze ans.» (art. 1459).
Votre enfant mineur commet un acte répréhensible quelconque, vous êtes tenus pour responsables.
«Le titulaire de l’autorité parentale est responsable du préjudice causé par le mineur qu’il a sous sa garde.» Mais le titulaire de l’autorité parentale n’est pas responsable, s’il arrive à prouver : a) qu’il n’a lui-même commis aucune faute dans la garde, la surveillance ou l’éducation de l’enfant ; b) que le mineur n’est pas responsable du préjudice qui lui est imputé; c) que le mineur est un malade mental.
3o) Responsabilité du fait ou de la personne d’autrui (suite).
Le commettant et la faute du commis ou du préposé :
a) Vous avez un commerce de livraison par camions de marchandises. Le chauffeur, dans l’exercice de sa fonction commet un accident, vous êtes tenu pour responsable, mais vous n’aurez aucune somme à verser, en raison de vos types d’assurance-responsabilité.
Par contre, si votre chauffeur a utilisé le camion à des fins personnelles et qu’il a un accident, le responsable est le chauffeur et non la compagnie. Dans les deux cas la loi ne fait qu’identifier le responsable et l’assurance-responsabilité sans égard à la faute et une assurance-accident du chauffeur qui dédommagent.
b) Vous marchez normalement et attentivement, en hiver, sur un trottoir glacé qui n’a pas été nettoyé. Vous faites une vilaine chute et vous vous cassez un bras. La Ville est responsable de cet accident.
Mais si elle arrive à prouver que vous couriez ou que les semelles de vos bottes étaient élimées, elle ne sera pas tenue pour responsable.
4o) Responsabilité du fait des animaux.
«Le propriétaire d’un animal est tenu de réparer le préjudice causé par son animal.» (art.1466).
Vous avez un chien; il n’est pas attaché et mord quelqu’un; vous êtes responsable.
Par contre, si le chien est bien attaché dans une cour, l’enfant du voisin, à l’insu de tout le monde, est venu l’agacé et s’est fait mordre. Là il n’y a aucune faute de la part du propriétaire du chien, en vertu du principe :«Il n’y a aucune responsabilité de la part de l’auteur apparent d’un dommage, quand il y a eu faute de la part de la victime.»
Ce principe s’applique dans tous les cas de responsabilité où il y a faute de la part de la victime.
5o) Certains cas d’exonération de responsabilité.
a) Exonération légale.
Elle est celle qui est prévue par la loi :«Toute personne peut se dégager de sa responsabilité pour le préjudice à autrui, en cas de force majeure (séisme, inondation, ouragan).
Vous êtes le gardien d’un cheval ; celui-ci est emporté par les eaux en furie d’une vaste inondation. Vous n’êtes pas responsable.
b) Exonération consensuelle (les parties sont d’accord ou même l’une d’elle).
«On ne peut se disculper à l’avance, dans un contrat, de toute responsabilité.» (art. 1477)
Pourtant ces sortes d’avis pullulent et poussent comme des champignons et se retrouvent souvent écrits en petits caractères, sans qu’on le sache, au verso de certains documents, tels des billets de stationnement, de nettoyage… : «Nous ne sommes pas responsables des dommages causés à votre voiture…Nous ne sommes pas responsables des dommages causés à votre linge…» Sachez que de tels écrits n’ont aucune valeur aux yeux de la loi. Nous allons plus loin, même si vous y avez acquiescé en signant de tels documents, cela ne vous enlève pas le droit de poursuivre leurs auteurs advenant un préjudice de leur part.
À cette phase de notre tâche, nous nous voudrions de ne pas parler de la Diffamation qui chevauche le Code Civil et le Code Criminel; car je n’aurais peut-être plus l’occasion d’y revenir.
Parfois une action en diffamation sert d’épouvantail, elle est entreprise, pour intimider autrui, en lui réclamant des sommes astronomiques soi-disant pour préjudices causés. Puis, une fois obtenu ce que le demandeur voulait de lui, pas nécessairement de l’argent, par exemple des excuses, il renonce à l’action avant le procès.
Quelles sont donc les conditions pour qu’une action en diffamation soit valable ?
Deux conditions sont nécessaires pour qu’une action en diffamation soit valable:
a) Il faut qu’elle ait un caractère de publicité.
b) Il faut qu’elle soit une fausse accusation.
S’il manque l'une de ces conditions, l’action sera rejetée. Par exemple, si quelqu’un est voleur, et presque tout le monde le sait, son action en diffamation sera rejetée parce que votre déclaration est vraie, elle n’est pas fausse, même si elle a été faite en public. L’action sera encore rejetée si seul, dans votre bureau, vous dites à quelqu’un qu’il est un voleur, alors qu’il ne l’est pas, son action sera rejetée pour défaut de publicité, alors que la déclaration est injuste.
Y-a-t-il lieu à une action en diffamation, lors d’une campagne électorale ?
Si lors d’une campagne électorale, le candidat X dirige des attaques injustifiées contre son adversaire, le candidat Y. Celui-ci ne peut diriger aucune action en diffamation contre celui-là. Car le simple fait de participer à une campagne électorale, en qualité de candidat, entraine automatiquement une renonciation tacite réciproque à l’action en diffamation. Le candidat Y peut répliquer ou se taire. C’est à peu près le même principe que dans un combat de boxe : aucun boxeur ne peut porter plainte devant un tribunal pour avoir été tabassé dans un ring, durant un match de boxe; si l’un des deux meurt à la suite d’un combat, il n’y a aucune poursuite possible, et l’on attribue cette mortalité à un accident, à une fatalité.
La leçon à tirer d’une campagne électorale est la suivante: le candidat potentiel qui est trop sensible pour sa réputation ou n’aimerait pas s’entendre dire certaines choses vraies ou fausses est prié de s’en abstenir.
Certes, la notion de Resposabilité Civile n’a plus le lustre qu’elle avait à l’époque de Savatier (1939), et cela s’explique: les lois sont toujours en retard sur les mœurs et coutumes qui leur ont donné naissance et qu’elles sont appelées à régir. À plus forte raison s’il s’agit de sociétés industrielles; car chez ces dernières, les mœurs et les coutumes changent beaucoup plus vite que dans nos sociétés en voie de développement.
De nos jours, on a vu la sphère d’application de la Responsabilité se rétrécir en raison de certaines lois spéciales: a) dans le cas des accidents d’autos, le fardeau de la preuve renversée (c’est au défendeur à prouver qu’il n’est pas coupable) est déjà désuet et remplacé par l’assurance-responsabilité sans égard à la faute (le No Fault); b) l’assurance-chirurgie qui protège les chirurgiens contre des erreurs possibles… Mais elle reste et demeure encore l’instrument par excellence pour trancher les conflits sociaux et assurer la bonne marche de nos sociétés.
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NDCDP.- Le lecteur intéressé à l'auteur René Savatier et à son oeuvre pourra consulter les articles accessibles par les liens suivants:
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