Juvénat, avril 2013.
Pour Bernard et Yves, promeneurs aussi.
Un hasard professionnel m’a permis d’effectuer, récemment,
une belle promenade dans le quartier de Juvénat, en un haut lieu de l’hôtellerie
nationale. Fasciné par une impeccable distribution photographique des chefs
d’Etat et de gouvernement de la Caraïbe, avant même d’atteindre le siège du
Sommet, je me suis mis à voyager, entre le sourire des uns et le regard profond
des autres. Sans prétention de lecture idéologique, je me suis contenté de les
observer, en me rappelant que chacun d’eux relevait, chaque jour, des défis
d’une complexité coriace.
La concrétisation de cette grande réunion fraternelle a
d’abord été le résultat d’un extraordinaire dévouement pluriel. Deux
silhouettes symbolisaient l’envergure du paquet sécuritaire déployé pour cet événement :
l’inspecteur général Jean-Jacques N., ancien de l’U.S.G.P.N.et de l’U.S.P.[1],
et le divisionnaire Bernard E. Ces deux soldats, dont les patronymes sont
présents dans notre histoire depuis Toussaint Louverture, se « dédoublèrent » : efficacité,
discrétion, supervision polyvalente des agents sous leurs ordres. Visiblement,
ils montaient la garde aux aurores et ignoraient le crépuscule.
Ce majestueux défilé de guayaberas a aussi reçu la
bénédiction des charmants biceps organisateurs d’un solide groupe de dames, efficaces
et effacées ; surtout dans les intenses moments de haute tension cérébrale,
quant à la gestion linguistique. Elles ont su donner du bon pli aux guayaberas.
Quelqu’un, après la clôture de la deuxième journée, se
présenta sur les lieux. D’une insistance contagieuse, en fixant la photo du
leader chaviste, il voulait savoir si Nicolás Maduro était déjà aux alentours
de Juvénat. Très courtoisement, un membre du staff détaché des Affaires
Etrangères appela un commissaire de police, lequel comprit rapidement la
situation, et ils promirent, gentillement, à l’illustre inconnu de lui
planifier une petite rencontre avec le président vénézuélien. C’est alors qu’un
autre bon natif commenta, à voix basse :
-Messieurs-dames, mystiquement,
l’ombre de Chavez se promène au Karibe Convention !
Tôt le lendemain, en continuant ma petite promenade,
suite à une bonne tasse de café et quelques brèves minutes de conversation
nutritive avec Mr. J.M. Bazin, de l’Etat-major administratif du Karibe, je me
suis rappelé que cela faisait presque 20 bonnes années de visites instructives
chez, ce qui représente pour ma génération, le Grand frère, Kinam 1, à la Place Saint-Pierre de Pétion-Ville.
En ce temps-là, le Kinam 1 accueillait de prestigieuses délégations
de journalistes. Ils venaient transmettre au monde les balbutiements de notre
mémorable aventure, « retour à la démocratie ». Une anecdote
fondamentale : en ces lourdes dernières semaines de la fin de l’embargo,
le téléphone du Kinam 1 était l’un des rares à fonctionner à Pétion-Ville.
J’habitais le quartier et souvent, je l’utilisais pour fixer mes promenades de
l’époque.
J’ai grandi à deux pas de la maison du major Buteau, à
Turgeau, en écoutant qu’il était parvenu, avec une patience paternelle, à
collectionner les plus belles photos de notre histoire militaire du XXe siècle.
Pendant de nombreuses années, la collection majeure du major Buteau a été la
principale source, pour la réalisation des inoubliables albums de l’Académie
Militaire d’Haïti, Le Flambeau. Un autre membre de la famille – prénom Max, si
je ne me trompe- représentait pour sa génération, l’encyclopédie par
excellence, quant au protocole et le savoir recevoir, selon les normes de
l’étiquette majuscule.
Ces incontournables établissements m’ont paru comme
l’écho continu des lointains chapitres, préfacés par les histoires que me
racontait mon père, lorsque « Le Rond Point[2] »
sonnait fort à nos oreilles de turbulents pantalons-courts
(que nous sommes restés dans le cœur !). Je n’avais même pas rêvé, qu’un
certain vendredi d’avril 2013, j’aurais serré la main du président Danilo
Medina (10h58 am, Salle Acajou) ; quelques minutes après, j’aidais un
membre de la délégation mexicaine à placer la chaise du président Enrique Peña
Nieto. Un des secrétaires du chancelier bolivarien Elías Jaua a bien accepté mon
message écrit, envoyé au lieutenant Juan Francisco Escalona, aide de camp du
président Hugo Chavez. Des petits chapitres d’histoire personnelle, bien
inscrits dans la Grande Histoire qui s’écrivait à la salle Acajou du Karibe
Convention Center, à Juvénat, Pétion-Ville.
S’il vous arrive de visiter les immortelles photos de la
collection Karibe, vous découvrirez la patiente construction d’une légende,
presque centenaire, depuis le premier « Cosaque » de Kenscoff, en
1928, jusqu’au majestueux hôtel de Juvénat. Grandes et petites guayaberas se
sentent, j’ose avancer, à domicile (traduisez : a gusto). Je me rappelle
une fantastique promenade, le 28 février, de l’année 2011, invité par Mme.
Myrto, à quelques centimètres d’un résident de Pennsylvania Avenue… Il y resta
pendant deux mandats, c’est à dire huit ans. Lui aussi, le grand Bill, je l’ai
vu, très à l’aise, au cours d’une longue journée de travail de presque douze
heures d’horloge, à cette salle Acajou.
En juin de l’année
dernière, à l’occasion d’une promenade scientifique avec le ministère américain
de l’agriculture, à la salle Cattleya, invité par Madame
Isabel, j’ai confié à Mr. Richard Buteau, mon rêve d’un Karibe dans chaque
département géographique d’Haïti. Sur le champ, nous avons souri, sagement
souri, sachant que la « machine » Karibe exige la multiplication
dynamisante d’incroyables ressources humaines. Exercices éreintants d’acrobates
aguerris, à peine imaginable pour la majorité des clients.
Depuis la lointaine conjoncture de mes entretiens
nutritifs avec Mr. Aubelin Jolicoeur, je me suis toujours passionné par le côté
opérationnel de la gestion, sans bavure, du séjour des grands visiteurs sous
nos cieux. La lettre de Congratulations
de l’officier de communication d’une First Lady au Karibe reste un document de
référence, en ce sens.
L’hôtellerie est d’abord un grand rêve, de ces rêves qui
vous enlèvent le sommeil et vous font affirmer, comme le fit le poète Fernández
Retamar à Fidel, en 1959, « volveremos a crear el Universo ». Une
forte dose de persévérance, à la charge de plusieurs générations, comme dans
cette belle histoire Cosaques-Rond Point-Kinam-Karibe.
Il y a 25 ans, j’avais décidé de faire de la guayabera ma
chemise préférée, suite à un séjour de cœur à travers l’Amérique Centrale. De
retour, des amis me considérèrent d’un œil amusé ! J’ai été heureux, au
cours de cette promenade à Juvénat, en écoutant notre talentueux historien, Mr.
Watson Denis[3],
soldat polyvalent, nous inviter à porter la guayabera, à l’occasion de
l’historique déclaration signée en cette ville, hommage au père du
panaméricanisme, l’un de nos généraux
fondateurs, Alexandre Pétion.
Aux côtés de notre chancelier, Mr. Pierre Richard
Casimir, chef d’orchestre d’un ministère en fortification continue avec le
Premier ministre Laurent S. Lamothe, qui venait de préfacer, avec son
gouvernement, une remarquable partition dans le XXIème siècle régionale, le Dr.
Denis se « dédoubla » de savoir faire et de culture.
Heureux donc, ce vendredi, lors de cette première
diplomatique fraternelle, de me trouver, à quelques centimètres de notre
Président, Son Excellence Michel Joseph Martelly, dont la couleur de la
guayabera se rapprochait de la mienne : bleu ciel. Evidemment, la sienne
porte certainement l’empreinte du maestro universel Edgar Gómez[4].
J’ai glissé à Madame Kerline, qui encourageait notre promenade :
-La Caraïbe est, enfin, au pouvoir, chez nous !
J’ai bien retenu le commentaire révélateur du président
Martelly, en clôturant la conférence de presse du jour : « Vous ne
vous imaginez pas la quantité d’appels téléphoniques et de transpiration de
reprogrammation convergents entre chefs d’Etat, ministres et secrétaire
général, qu’exige la concrétisation de cette Rencontre ! ».
[1] Unité de la Sécurité Générale du
Palais nationale et Unité de la Sécurité
Présidentielle.
[2] Célèbre restaurant au Bicentenaire
(Boulevard Harry Truman), à Port-au-Prince.
[3] Lecture chaudement recommandée : «L’Association des Etats de la
Caraïbe : l’organisation de la Grande Caraïbe », Ed. Challenges, 2013,
P-au-P, Haïti, 243 pages par le Dr. Watson Denis.
[4] Maitre-tailleur colombien (Cartagena), a confectionné
des guayaberas pour le roi d’Espagne, Juan Carlos, l’écrivain García Márquez,
le président Chavez, Bill Gates, Mel Gibson, entre autres.
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