lundi 3 décembre 2007

INTERVIEW / Gérard Gourgue : 29 novembre 2007 « le glas de la démocratie avait sonné »

Propos recueillis par Marc-Kenson Joseph

Me Gérard Gourgue, 80 ans, est un ancien membre du Conseil national de gouvernement (CNG) créé après la chute de la dictature de Jean-Claude Duvalier en février 1986. Président fondateur de la Ligue haïtienne des droits humains, qui s’était élevé contre la dictature dès 1978, Me Gourgue avait démissionné avec fracas du CNG le 19 mars 1986, en désaccord avec les méthodes des militaires. Candidat au scrutin du 29 novembre 87, il affirme que « la chaîne démocratique a été brisée» lors des événements macabres de la journée.

Où étiez-vous la semaine d’avant le 29 novembre 1987 ?Vous savez, étant candidat, je parcourais toutes les villes du pays. Une semaine avant la date butoir, je regagnais Port-auPrince. Le 29 novembre, j’étais chez moi en compagnie de ma femme et de mes enfants.

Quelle était alors votre lecture de la situation ?Il fallait tout faire pour que Gérard Gourgue ne remporte pas le scrutin de novembre 1987. Je me demandais quelle était cette hystérie, je représentais l’espoir et j’allais gagner. On a brisé la chaîne démocratique. Cette chaîne ne sera jamais rétablie. Je n’aime pas réveiller le chat qui dort, ni patauger dans toute cette puanteur… Près d’une semaine avant l’élection, on assistait déjà à l’opé-r ation du 29 novembre. On tirait à blanc de partout, on avait incendié le magasin d’Emmanuel Ambroise, des menaces étaient proférées sur les ondes, etc. Dans la nuit du 28 au 29, aux environs de 2 heures du matin, un milicien avait lancé une grenade meurtrière qui avait détruit un pan de mur de notre résidence. C’était une nuit de bombardement.

Je crois que c’était un petit règlement de compte. En 1986, j’étais sorti du Conseil national du gouvernement (CNG) par la grande porte et décidait de rentrer, démocratiquement, de la même façon. Les kakis (militaires hauts placés) étaient mé-c ontents. D’ailleurs, j’ai démissionné parce que j’étais en désaccord avec leurs méthodes. Mais il y avait aussi des signes avant coureurs. Moi, je m’étais opposé aux articles 15 (portant sur la double nationalité) et 291 (portant sur les néo-duvaliéristes) de la Constitution de 1987. Il ne fallait pas écarter les néo-duvaliéristes de la course électorale. J’en avais parlé au président du CEP d’alors. En vain.

Quelles ont été les conséquences de cet acte barbare ?Les maillons démocratiques ont sauté. Le glas de la démocratie a sonné. La porte était grande ouverte pour les coups d’État ; ceux de Namphy, Prosper Avril et compagnie. Il y a eu un frein avec l’arrivée d’Ertha Pascal-Trouillot au pouvoir. Mais cela a repris avec la venue du révérend Aristide 1991, le coup du général Raoul Cédras. Un sergent a renversé un maréchal et un maréchal a renversé un général.20 ans après ?

C’est le titre d’un roman d’Alexandre Dumas. On a connu 20 ans de sang, de ruine. Des leaders sont morts. Notre feu ami Sylvio Claude est mort, lui, dans des conditions atroces, Louis Déjoie, Thomas Désulmé... Je suis un rescapé. 20 ans après, c’est une autre génération. Je ne crois pas que ces choses arriveront encore. Haïti a besoin de souffle pour entrer dans la modernité.
lundi 3 décembre 2007

//L'article ci-dessus provient du lien ci-après
http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=9903
//

Aucun commentaire: