vendredi 12 septembre 2008

EXISTE-T-IL UNE ALTERNATIVE A L’AIDE ETRANGERE ? QUELQUES PROPOSITIONS À Mme MICHELLE PIERRE-LOUIS ?

Par Jean-Eric PAUL
Économiste à la Direction de l’Organisation des Marchés de la Banque Dexia La-Defense-Paris
12 septembre 2008

« Dans les relations internationales, il n’ y a pas d’amis, il n'y a que des intérêts ».
Charles de Gaule


Le déséquilibre entre ressources et besoins est le problème majeur auquel tout gouvernement est amené à faire face.

Pour répondre aux grands défis auxquels notre pays est confronté (la faim, énergie, eau potable, routes, éducation, santé, logements sociaux, chômage endémique, etc, des investissements massifs sont nécessaires. Le problème est que les recettes de l’Etat ne suffissent pas à financer les dépenses. L’absence d’un tissu industriel développé pour prélever impôts et taxes, le refus de ceux qui ont la capacité contributive à payer l’impôt, la contrebande, le poids du secteur informel, sont autant des facteurs mettant à mal le financement des dépenses publiques.

Le déséquilibre budgétaire, conduit le gouvernement à faire appel à l’aide extérieure (FMI, BM, BID, etc.)

Il est évident qu’en deux cents ans de turbulences sociopolitiques de toutes sortes et d’une administration tronquée, conduite par la plupart de ses dirigeants, Haïti ne peut prétendre pouvoir survivre, sans un appui international. Mais, là où le bât blesse, c’est que, de promesse en promesse, la situation économique du pays va de mal en pis. Soit que l’aide n’arrive jamais, soit que ce qui est accordé parte d’un trait en fumée. Combien de fois avons-nous entendu le ministre des affaires étrangères du brésil et les responsables politiques haïtiens rappeler la communauté internationale à tenir ses promesses d’aides vis-à-vis d’Haïti ? Malgré que ce ne soit qu’une infirme partie de l’aide accordée qui arrive directement à l’Etat haïtien. Selon le Ministre de la planification J.M BELLERIVE, c’est plus que 85% de l’aide accordée qui est transitée par les ONGs. Il s’agit d’un vrai dilemme. Et le problème comporte de multiples facettes. Nous nous demanderons s’il est possible d’envisager des portes de sortie pour une reconstruction du pays. Renouveler les interrogations sur les grandes orientations économiques d’aujourd’hui nous semble d’une brûlante actualité et d’une importance capitale. Comment affronter les nombreux défis dont fait face notre pays sur le plan socio-économique ? L’aide financière internationale accordée à notre pays, suffirait-elle à financer les grands projets de développement dont notre pays a besoin? Pourrait-on envisager d’autres moyens pour répondre aux besoins de ressources financières ? On connaît déjà toutes les remises en question provoquées par l’orientation des politiques économiques infligées aux pays « en voie de développement ». (Théorie des avantages comparés, Développement intégré, Programmes d'ajustement structurel et tout récemment l’appropriation locale des stratégies de développement). Le projet paraît bien audacieux. On se risquera tout de même à montrer que nos dirigeants n’ont peut-être pas épuisé toutes les opportunités existantes.

Dans ce qui suit, nous essaierons de scruter les possibilités en nous penchant sur des mécanismes susceptibles de favoriser la réduction de la dépendance d’Haïti vis- à -vis de l’aide étrangère.

Les voies possibles d’un financement alternatif ou additionnel à l’aide financière internationale.

Face à l’urgence de la situation socio-économique d’Haïti où les besoins les plus élémentaires ne peuvent être satisfaits. L’attribution et la gestion de la quasi-totalité des aides accordées par des ONGs nous paraissent trop lourdes et peu efficaces. Les Français disent toujours : " Nous n'avons pas de pétrole mais nous avons des idées". Certes, dira-t-on, faut-il bien avoir les moyens de ces idées ! Nous faisons le pari qu’il en existe bien. Et comme disait A. Einstein « un problème sans solution est un problème mal posé ». La question qui nous intéresse ici est celle de savoir comment parvenir à réduire la dépendance financière du pays vis-à-vis de l’aide étrangère sujette au bon vouloir des organismes multilatéraux et des gouvernements étrangers. De plus, quand bien même le pays en aurait bénéficié, cette aide peut-elle suffire à relever les grands défis de reconstruction du pays, notamment juguler le chômage de masse ? De quoi rétablir la confiance collective, et donc la dignité des haïtiens eux-mêmes. Nous formulons trois propositions :

A- La création d’une Banque Nationale de Développement

Aux grands défis, de grands moyens. Définir sa politique, avoir les moyens de sa mise en œuvre, c’est plus que jamais en ces temps difficiles affaire de choix. En somme, le plus important c’est de pouvoir dépasser les démarches traditionnelles dans le processus de reconstruction du pays. La première mesure que nous préconiserions dans le cadre d’une alternative à l’aide étrangère, c’est la création d’une banque nationale spécialisée dans le financement du développement. On ne peut pas vouloir financer le développement sans se donner les moyens adéquats.

Cette banque aura pour vocation de financer seule ou conjointement les grands projets dont le pays a besoin pour son développement et pour juguler le chômage de masse. On pourrait imaginer le capital de la banque détenu majoritairement par des fonds haïtiens et où l’Etat posséderait au minimum une minorité de blocage afin d’exercer un minimum de contrôle sur les grandes orientations de la banque.

La Banque de Développement préconisée est vue comme un Consortium des Banques haïtiennes.






-Pour la part de l’Etat au capital:

L’Etat haïtien peut financer la création de la banque à travers :

- les fonds dégagés par l'accord Petrocaribe.

- les fonds non alloués dans les ministères.

Son statut: une société anonyme dirigée par un directoire avec contrôle de surveillance

-Canaliser les transferts des haïtiens à travers la Banque de développement


En 2006, les Haïtiens vivant à l’étranger ont envoyé plus de $1,65 milliards dans leur pays, selon les estimations publiées par le Fonds Multilatéral d’Investissement (FOMIN) de la Banque interaméricaine de développement. Bien entendu, ce chiffre ne prend pas en compte les transactions faites par voie informelle. Pour en donner un ordre de grandeur, disons qu’ils représentent en gros le prix de 6 Airbus A380 (263-280 Millions $ de prix catalogue), le gros porteur européen. En 2007, les transferts ont été évalués à 1.8 Milliards $. Il s’agit de canaliser ces flux et les orienter vers le développement. Sur les 1.65 milliards $, environ 15% de frais sont prélevés par Western union et autres organismes de transfert soit approximativement 247.5 Millions $.

-Déploiement de la banque au niveau international dans chaque mégapole à forte densité haïtienne.


On pourrait implanter des filiales de la banque à Paris, New York, Miami, Montréal, Toronto, etc. C’est exactement la démarche qu’ont adoptée nombre de pays en voie de développement comme le Maroc, la Tunisie avec plusieurs banques en France, Belgique et Espagne en vue d’accumuler les devises de leurs ressortissants et d’inciter ces derniers à investir dans leur pays d’origine.

. L’hypothèse de Leslie Jr PEAN sur l’épargne de la diaspora.

L’économiste haïtien, Leslie Jr PEAN a émis l’hypothèse suivante : une partie de la diaspora qui prendrait leur retraite en Haïti et considère les deux variables suivantes :
a) nombre d’haïtiens de la diaspora de retour au pays
b) montant de retraite reçu par mois
Si l'on estime un retour de 500.000 haïtiens d’outre mer avec un revenu mensuel de $2.830, cela fait 1.416.666.666 dollars. En multipliant ce montant par 12 (nombre de mois), alors on aboutit à environ $17 milliards $. C’est l’hypothèse la plus la plus optimiste avec des conditions idéales en terme de sécurité. Dans le cas contraire si seulement 20% des haïtiens d’outre mer retourneraient vivre en Haïti, cela donnerait le montant de $3.4 milliards de dollars par an.
L’hypothèse de PEAN concerne qu’un segment de la population haïtienne d’outre-mer. Il s’agit des retraités. Partant de cette hypothèse, si un déploiement international permet, ne serait-ce, de capter environ 10 % de cette somme, cela représenterait 1.7 milliards $ pour financer le développement. Mais l’hypothèse de PEAN, est un peu restrictive dans le sens qu’il s’agit d’un segment de la population des haïtiens d’outre-mer que sont les retraités qui retourneraient en Haïti. Dans notre cas, c’est l’épargne de l’ensemble des haïtiens d’outre mer qui serait visé.

B- Lancement d’un grand emprunt national

Outre la possibilité de canaliser les transferts des haïtiens d’outre mer, les responsables du pays pourraient entreprendre le lancement d’un programme d’emprunt principalement en direction de la diaspora haïtienne. Il est indubitable que les institutions étatiques haïtiennes accusent une énorme faiblesse structurelle de plusieurs décennies. Or les demandes sociales sont de plus en plus urgentes alors que les ressources disponibles pour amorcer des travaux de grande envergure semblent quasiment inexistantes. Dans ce contexte de marasme énorme, il n’est pas inutile d’en appeler à l’élan civique et patriotique de tous les haïtiens au sens d’un effort de solidarité nationale à consentir, pour un nouveau départ, dans un « cadre institutionnalisé et rationalisé ». Disposant de plus de 2 millions d’Haïtiens à l’extérieur du pays, l’Etat pourrait lancer un grand emprunt en direction principalement de la diaspora haïtienne. En 1993, l’ancien premier ministre français Edouard Balladur, trouvant la France dans une situation socio-économique grave, a lancé un emprunt dit « Emprunt Balladur » aux français pour redynamiser l'activité économique. Le montant initial était de 40 milliards de francs ; il a eu un succès tel que l’Etat français en a recueilli environ 110 milliards de francs.

Il ne s’agit pas de « Voyé Ayité Monté », non plus « du mouvement des coopératives ». Il s’agit d’une mobilisation citoyenne, de toutes les forces vives du pays au sens d’un effort de solidarité nationale. Haïtiens de l’intérieur et de l’extérieur, auront un même objectif :
Récolter 1 000 000 000 $ à travers des bonds développement émis par la Banque de Développement pour financer le développement.
Il s’agit d’une initiative semblable à celle du Président Estimé pour rembourser la dette du pays vis-à-vis des Etats-Unis.

. Pour lancer le Grand Emprunt National:( Président ESTIME)
Bond de maturité: 10 ans pourraient même être indexé soit sur l’or ou inflation etc.L'organisme émetteur: La Banque Nationale de développement.
Valeur faciale: 100 $ pour les "full bonds" et 50 $ pour les "Mini Bonds"
Bond garanti par l'État Haïtien.

Etape 1: Phase de lancement:

Le Président de la République, Premier Ministre, tous les Ministres, tous les parlementaires, les banques privées, entreprises, les citoyens notoires (artistes, intellectuels, etc..) achètent les bonds pour donner l'exemple.

Etape 2: Le grand public:

Une politique de Marketing et communication forte s'appuyant sur l'étape 1. L'exemple est donné d'en haut. Charte avec les artistes Haïtiens autour d'une chanson. Tous ensemble chanteront une chanson qui serait composée par deux ou trois écrivains haïtiens célèbres mettant en avant notre passé glorieux, le patriotisme, l'amour du pays, la solidarité entre les haïtiens, le désir de vivre ensemble, l'effort à consentir pour arriver à Haïti dont chacun de nous rêve. Wyclef serait au premier plan.


Les spots publicitaires dans tous les médias.

La chanson en question serait inclue dans un CD et DVD avec messages clairs du président, du PM montrant le bien fondé de l'action. Les personnalités connues qui ont acheté les bonds diront qu'ils ont acheté dans les spots publicitaires.

-Site Internet de l'emprunt rattaché à la banque de développement: Souscription en ligne, ouverture de compte en ligne depuis l'étranger.

-Durant chaque prestation en Haïti et à l'étranger les artistes réserveront 15 minutes pour parler de l'emprunt.

On pourrait imaginer des produits dérivés tels que casquettes, t-shirts, porte-clefs qui seront vendus par des agents agrées pour alimenter davantage ce fond.
Chaque artiste Haïtien ou groupes ayant participé à la campagne de communication s'engageront à réserver 15 minutes durant chaque prestation en Haïti et à l'extérieur pour faire la promotion de l'emprunt.

C- Mise en place d’un fond souverain constitué d’un quart de l’emprunt soit 250 millions $.

Une autre mesure non moins négligeable serait de doter la BND d’un fond souverrain constitué par un ¼ de l’emprunt. Ce qui serait équivalent à un fond de 250 millions de USD $. Son rôle serait d’intervenir sur les différents marchés financiers (change, matières premières, Futures et options, actions et indices boursiers) pour se multiplier dégageant ainsi des ressources pour financer le développement. Mais ce fond jouerait aussi un rôle de couverture de risque en intervenant sur les marchés à terme et d’options (Risque de variations de prix des matières premières par exemple). La majeure partie du travail de ce fond consisterait à gagner de l’argent tous les jours (24 H /24 H et 5 j / 7 j) sur les marchés financiers juste à travers un processus d’achat et de vente d’actifs. Pour cela cette banque serait dotée d’une salle de marché connectée électroniquement aux grands marchés du monde (CME, CBOT, LIFFE, TIFFE, EUREX, etc.), se trouvant dans les plus grandes places financières : Londres, New York, Chicago, Frankfort, Tokyo, Zurich…etc.

Qu’est ce qu’un fond souverain ?

Un fonds souverain (sovereign wealth funds), ou fonds d’État, est un fonds de placements financiers (actions, obligations, etc.) détenu par un État. Le premier fond souverain a été créé au Koweït dans les années 1950. La planète compte près de quarante "fonds souverains". Leur puissance financière est estimée à plus de 3 000 milliards de dollars. Les plus puissants « fonds souverains » sont issus des pays émergents d'Asie et du Moyen-Orient. Ils prennent la forme d'entités dédiées, comme la China Investment Corp (Chine), ou d'entreprises étatiques, comme Dubaï Holding. Dans le cas d’Haïti, un ¼ de l’emprunt qui constituerait ce fond.
Haiti surprendrait les autres pays de la zone en lançant ce fond souverain, qui serait le deuxième de la zone après Trinidad and Tobago. Celui d’Haïti serait le plus dynamique et le plus puissant.

Des traders haïtiens seront formés par des spécialistes de la finance de marché pour prendre positions sur les différents marchés : le change, actions et indices, Futures et options, commodities,etc...

Les traders de la Banque de développement appliqueront les mêmes méthodes qui ont permis à John Paulson, Phil Falcone, James Simons, Steve Cohen, Ken Griffin, Georges Soros, Chris Hohn, Paul Tudor Jones de faire fortune. Ils utilisent des techniques pour intervenir sur les marchés financiers qui sont largement à notre portée.


L'exemple de John Paulson

Il avait un fond départ de 130 millions d'euros. En un an, il l'a multiplié par 24. C'est à dire en un an, son fond est passé de 130 millions à 3, 12 Milliards d'euros.

L'exemple de Georges SOROS

Le 16 septembre 1992 (surnommé le mercredi noir) en spéculant contre la livre sterling, Georges SOROS obligea la Banque d'Angleterre de sortir sa devise du Système Monétaire Européen. C'est pour cette raison qu'on le surnomme « L'homme qui fit sauter la banque d'Angleterre ». Sur cette transaction, il a engrangé un bénéfice d'environ 1.1 milliards de dollars us.

. Rôle de gestion de risques du fond souverain

Combien de fois avons-nous entendu nos gouvernants avoués leurs impuissances vis-à-vis de la hausse de prix du pétrole ? Or Haïti n’est pas le seul pays à être assujettie au risque de variation de prix du pétrole. Des compagnies comme Air France, American Airlines, British Airway, sont autant assujetties au risque de volatilité de prix du pétrole. Il y a certes des répercutions sur le prix des billets mais pas dans les mêmes proportions que du prix à la pompe en Haïti. Oui, Président Preval, il y a une façon simple de gérer les risques liés aux variations de prix du pétrole.

La banque de développement muni d’une salle de marché connectée électroniquement aux différents marchés à terme du monde, peut gérer ce risque de variation de prix de matières premières et même les risques liés aux catastrophes naturelles comme les tremblements de terre, les ouragans, les inondations, les sécheresses, etc…

. Trois mécanismes de gestion de risques liés aux matières premières

Swap de matière première

Achat (vente) de matière première à dates fixes et pour une certaine durée à un prix fixé, contre vente (achat) de la même matière première à un prix variable déterminé périodiquement sur le marché.


Contrat Future sur Matière première

Un contrat à terme (future en anglais) est un engagement de livraison standardisé, dont les caractéristiques sont connues à l'avance, portant sur :

- une quantité déterminée d'un actif sous-jacent précisément défini,
- à une date, appelée échéance, et un lieu donnés,
- et négocié sur un marché à terme organisé.

Les contrats à terme sont les instruments financiers les plus traités au monde.

Contrat d’option sur Matière première

Une option donne le droit et non l’obligation d’acheter ou de vendre un sous-jacent, à un prix déterminé à l’avance et pendant une période déterminée.

. Mécanismes de gestion de risques liés aux catastrophes naturelles

Les dérivés climatiques

Un dérivé climatique est un instrument financier qui peut être utilisé pour se prémunir contre des risques liés au climat. L'actif sous-jacent peut ainsi être la température, la quantité de neige tombée ou les précipitations.
Les dérivés climatiques peuvent être utilisés par les différents acteurs qui doivent faire face à un risque climatique, c'est-à-dire que leurs activités peuvent être affectées par un climat défavorable:
- Un fermier pour se protéger contre la possibilité de mauvaises récoltes en cas de sècheresses ou de gel
- Un parc d'attraction pour couvrir le risque d'une météo pluvieuse qui dissuaderait les clients de s'y rendre
- Un aéroport pour se protéger contre d'éventuelles chutes de neiges qui perturberaient son activité
- Une société de chauffage, etc

CAT bond

CaT Bond ou ou obligation catastrophe. Il s’agit d’une obligation à haut rendement généralement émise par une compagnie d’assurance, de réassurance ou société industrielle. Dans le cas où survient un sinistre prédéfini (tremblement de terre, raz de marée, ouragan, etc..), le détenteur de l’obligation perd tout ou partie des intérêts, voire du nominal de l’obligation. Ce produit permet aux compagnies d’assurance et surtout de réassurance de faire supporter par des tiers une partie des risques liés à ces événements exceptionnels et donc réduire leurs risques.

12 septembre 2008

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