samedi 16 mai 2009

Haiti / Crise à la Faculté de Médecine et de Pharmacie : Réflexions et suggestions

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Des étudiants de la FMP/ETM de l'UEH revendiquent la réintégration dans le cursus universitaire
de tous les cours qui ont été supprimés pour des raisons jusqu'ici inconnues
Photo: Le Nouvelliste, 29 avril 2009 (1)
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L’observation de près ou de loin de l’enseignement supérieur des sciences du génie en Haïti depuis de nombreuses années, et, les nouvelles qui nous parviennent de la grève des étudiants de la FMP/ETM qui se poursuit actuellement (mai 2009), notre expérience de la chose universitaire, tant en Haïti qu'à l'extérieur, tout cela nous porte à écrire les lignes qui suivent.

D’abord, nous sentons qu’il y a un manque de dialogue entre le Décanat de la FMP et les étudiants. Il faut donc rétablir rapidement le dialogue.
Que le Doyen de la FMP, dans un geste magnanime, fasse les premiers pas, en invitant les étudiants à désigner parmi eux un groupe d'étudiants qui viendra le rencontrer au Décanat de la FMP ou bien chez lui, pourquoi pas ? C'est ce qu'aurait fait le Doyen Maurice Latortue.
Les étudiants ne devraient pas s'opposer au dialogue et devraient accepter une telle invitation. Le Doyen, à cette rencontre, entendrait le point de vue des étudiants, il leur présenterait le point de vue du Décanat, celui des Chefs de départements et des Professeurs de la FMP, et trouverait avec les étudiants un terrain d'entente et un modus operandi pour :
  1. Reprendre les cours et finir l’année académique 2008-2009.
  2. Établir et faire fonctionner un (des) comité(s) académique(s) permanent(s) formé(s) de professeurs de la FMP sur lequel (lesquels) siègeraient un ou deux représentants étudiants par comité.

C’est au sein de ces comités académiques que seraient discutées des propositions de changements futurs dans les différents programmes de la FMP. Ce travail pourrait durer au moins une année complète.

Parallèlement à ce travail en comités, je suggérerais au Décanat de la FMP de faire à l’aide du Web, un balisage des programmes de premier cycle en médecine dans quelques grandes universités étrangères. Ce travail permettrait d’établir, pour chaque programme balisé, la grille des cours et autres activités, le nombre d’heures de cours et d’heures de travaux pratiques par cours, le nombre de crédits par cours, le nombre de crédits du programme. En annexe d’un tel document, on pourrait inclure la description de chacun des cours de médecine de chaque programme balisé.

Un tel travail serait utile aux comités académiques de la FMP dans l'établissement des meilleures recommandations à faire au Décanat dans ce long et fastidieux processus d’adoption de nouveaux programmes ou de modification des programmes existants.

C’était, à des milliers de kilomètres d’Haïti, quelques brèves remarques pour aider mes frères haïtiens de l’intérieur, les étudiants de la FMP en particulier. Ces remarques visent également à aider le Décanat de la FMP et le Réctorat de l'UEH à sortir de cette crise.

Pierre Montès, ing., M.Sc.A., Ph.D.
Montréal, 16 mai 2009
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(1) Haïti: Des étudiants en colère
Par Claude Bernard Sérant
Source: Le Nouvelliste du 29 avril 2009
Après le bac, maintenant ce sont les cours de la faculté de médecine et de pharmacie et de l'école de technologie médicale de l'Université d'Etat d'Haïti qui sont en train d'être allégés. Les étudiants s'insurgent contre cette « forme de formation au rabais »!
Tous en blouse blanche, mis à part quelques-uns, les étudiants de la faculté de médecine et de pharmacie et de l'école de technologie médicale de l'Université d'Etat d'Haïti (UEH) s'insurgent, mardi, contre « une surprenante décision du décanat d'alléger les cours », à l'instar du ministère de l'Education nationale, il y a plusieurs années.
Dans la cour et dans les salles de cours, les futurs médecins, technologistes médicaux et pharmaciens scandent à l'unisson leur refus decette « forme de formation au rabais !».
« Nous avons fait une halte pour essayer de comprendre pourquoi la faculté de médecine et de pharmacie marche ainsi. Ce décanat ne crée que des crises. Il y a aujourd'hui une chasse aux cours dans le curriculum de la faculté », tempête Martial Bénêche, étudiant en cinquième année de médecine. Nous voulons, martèle-t-il, la réintégration dans le cursus de tous les cours qui ont été supprimés pour des raisons jusqu'ici inconnues. Un autre étudiant ajoute : « La tendance aujourd'hui, c'est de remplacer certains cours par des séminaires. Nous, nous voulons des cours réguliers, des professeurs ! »
Dans une atmosphère tonitruante, qui ne traduit pas le climat habituellement studieux de l'institution universitaire publique, les étudiants ne jurent que par « des professeurs à plein temps pour assurer une bonne assimilation des cours », exigent des professeurs réguliers, recyclés, pouvant favoriser une plus ample interaction.
Le mouvement déclenché, les étudiants de la FMP/ETM se rassemblent dans une grande salle de cours où quelques chefs de file exposent leurds points de vue à une assemblée attentionnée.
Un document titré « Radiographie de la FMP/ETM, quelle issue ? » est distribué en salle et expose les griefs. Les étudiants font mention des cours qui ne sont plus dispensés.
Revendications des étudiants
En première année, plus de cours de statistiques, un cours indispensable à la réalisation de tout travail scientifique qu'aura à présenter un diplômé. En deuxième année de médecine (PCEM2), plus de travaux pratiques d'histologie ni de méthodologie de la recherche. Entre autres, la radiologie anatomique qui devait être enseignée durant un semestre se fera en huit heures, insinuent-ils, avec une ironie mordante, laissant planer un doute sur la disposition de ce cours qui permet à l'étudiant de pouvoir interpréter un cliché radiologique (comme un X-Ray du thorax...).
Les étudiants persistent et signent: ils protestent contre « la chasse aux cours entreprise par le décanat ».
En deuxième année de pharmacie (RX2), plus de cours de chimie minérale. Côté technologie médicale, plus de chimie clinique ni de biochimie métabolique. Même chasse aux cours, révèlent-ils, en troisième année de médecine (DCEM1), où il n'est plus question de génétique médicale. Ils signalent, par ailleurs, qu'à un mois de la fin de l'année académique, les cours de nutrition n'ont toujours pas lieu.
La liste des cours qui ne sont plus dispensés ou, peut-être, qui ont été arrêtés momentanément s'agrandit.
En quatrième année (DCEM 2), on n'enseigne plus l'urologie. De même, en quatrième année de Pharmacie (RX4), les cours d'épidémiologie sont supprimés. En cinquième année (DCEM3), plus de médecine familiale. La gériatrie, la rhumatologie et l'endocrinologie ne sont plus enseignées.
A propos de la médecine familiale, les étudiants font remarquer que ce cours permet au médecin diplômé d'avoir une vue générale des maladies et surtout de bien gérer les unités communales de santé (UCS) et permet aussi une meilleure prise en charge du patient.
«La gériatrie qui permet un diagnostic des maladies dégénératives attaquant les personnes âgées (sclérose en plaques, maladie d'Alzheimer) n'est plus enseignée. L'endocrinologie qui informe sur le fonctionnement des glandes de l'organisme et favorise la compréhension de leur dysfonctionnement entraînant des maladies très fréquentes (crétinisme, rachitisme) » est rayée de la liste.
« On nous prive des moyens qui nous permettent de pallier les problèmes de la population au point de vue sanitaire. C'est un boycott systématique que ce décanat opère dans la formation de notre génération », fulmine Azard Pouchon, président du comité central des étudiants en quatrième année de médecine. « En ce qui a trait à l'histologie qui est assurée par le doyen de la faculté, depuis deux ans, ce cours n'est pas dispensé à la faculté. Nous en avons besoin », revendique ce futur professionnel de la santé qui essaye d'analyser cette crise qui les a conduits à faire la grève.
Les yeux dans le document, Azard relate l'attitude qu'il juge « mesquine » de celles et de ceux qui ont pour devoir de les guider et de les nourrir intellectuellement.
« Dans le cadre de la coopération avec l'université de Montréal, des livres qui sont destinés à la bibliothèque de la faculté se trouvent stockés dans un entrepôt et dans les bureaux du grand personnel. Le laboratoire de botanique de la pharmacie a laissé sa place aux bureaux du DESS et le terrain de jeu est transformé en parking », s'indigne l'étudiant.
...Et la liste des griefs s'allonge, dans une atmosphère de frustration, de protestation. Des messages de revendication griffonnés sur des morceaux de carton sont brandis. Tout cela traduit l'éternelle lutte des étudiants.
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//Lien d'où provient l'article précédent:
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=69748
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N.B. Selon des avis publiés le 15 mai 2009 sur le Web par le Professeur Fritz Deshommes, de l'UEH, l'asssemblée des professeurs a adopté une résolution invitant les étudiants de mettre fin à leur grève et à regagner leurs salles de cours et leurs lieux de pratique.
Voici une copie de la résolution signée des professeurs:

UNlVERSITE D'ETAT
FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE
Assemblée Générale des Enseignants de la FMP, Mercredi 13 Mai 2009

L'Assemblée des Enseignants de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de l'Universite d'Etat d'Haïti (FMP), touchée par la profonde dégradation de la situation au sein de la FMP, s'est réunie en session extraordinaire convoquée par le Décanat Ie 13 Mai 2009.
Après délibération, Elle a arrêté les résolutions suivantes :
  1. Elle entérine sans réserve la position des Chefs de Départements fixée dans leur note de presse datée du 11 Mai 2009.
  2. Elle appuie totalement le décanat élu dans l'exercice de ses fonctions.
  3. Elle tient à rappeler que le Décanat représente le seul interlocuteur autorisé de la FMP de l'Université d'État d'Haïti dans tout dialogue ou toute négociation à venir pour résoudre cette crise.
  4. Elle souligne à l'attention des étudiants de toutes les promotions que cette crise grave menace leur année académique.


En conséquence, l'Assemblée des enseignants, consciente des efforts consentis par les parents et la communauté toute entière attend des étudiants qu'ils retrouvent le sens de la mesure et des responsabilités.

Elle les invite à regagner leurs salles de cours pour la reprise des activités académiques et administratives.

Port-au-Prince, le 13 Mai 2009

Suivent les signatures de quarante-quatre (44) professeurs.

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Pour votre information, voici la note de presse publiée par les chefs de départements de la FMP le 11 mai 2009:

UNIVERSITÉ D'ÉTAT
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
Port-au-Prince, le 11 mai 2009
NOTE DE PRESSE

CRISE À LA FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE.
POSITION DU CONSEIL DES CHEFS DE DÉPARTEMENT
Le 27 avril dernier, le comité central des étudiants de la Faculté de Médecine et de Pharmacie, sans consultation préalable de la communauté estudiantine et sans préavis quelconque, fermait de force la Faculté, interrompant du même fait la poursuite des cours et toutes les activités administratives et autres de l'institution. Les tenants du mouvement distribuaient dans le même temps un document pour tenter de justifier leur action, mettant en exergue vingt-trois revendications que, pour la plupart, personne ne peut résoudre à court ou même moyen terme, faute de ressources humaines, matérielles et financières. Dans un deuxième temps, apparaissait une nouvelle revendication clairement exprimée par les membres du comité central, à savoir le
départ du Décanat élu de la Faculté et son remplacement par une Commission que devrait nommer le Conseil Exécutif de l'Université d'État d'Haïti (UEH).

Le Conseil des Chefs de Département, conscient de ses responsabilités, croit le moment venu de faire connaitre sa position:
  1. À une epoque ou des mécanismes de renouvellement démocratique des Décanats et/ou Conseils de Direction des entités de l'UEH par l'ensemble de la communauté universitaire ont été mis en place et sont effectivement la régie, il ne saurait cautionner et encore moins participer au renvoi par la force ou toute autre méthode illégale, pour quelque motif que ce soit, d'un Décanat élu.
  2. Les vingt-trois revendications initialement formulées par le comité central des étudiants, prises globalement ou chacune séparément et qui sont pratiquement toutes d'ordre structurel, ne peuvent, en aucune façon, constituer des fautes administratives susceptibles d'aboutir à une mise en accusation du Décanat de la Faculté par devant la communauté universitaire de l'Institution et par devant le Conseil de l'Université, instance suprême de l'UEH.
  3. Le Décanat de la Faculté, bien au contraire, n'a pas démérité. En effet, en deux ans de mandat et en dépit d'un manque de moyens criant, en termes de ressources humaines et financières, il a su mobiliser toutes les énergies et volontés disponibles dans l'Institution pour lancer le processusde rénovation en profondeur de la FMP. Il a pu mettre en chantier ou même déjà concretiser, comme en témoigne son bilan à un an, publié le 23 juin 2008 sous le titre: "La Faculte de Médecine et de Pharmacie à la croisee des chemins " et actualisé le 04 mai 2009, plusieurs des mesures annoncées dans son programme rendu public en octobre 2007 et intitulé: "Un plan d'action pour un renforcement institutionnel ".


En conséquence, le Conseil des chefs de Département, convoqué en session extraordinaire par le Décanat de la FMP à la date du 11 mai 2009 :

  1. condamne avec vigueur l'entreprise insensée de fermeture de force de la Faculté, décidée par le comité central des étudiants et qui menace l'année académique de tous les étudiants de l'Institution;
  2. apporte son soutien le plus ferme à l'actuel Décanat élu;
  3. donne sa haute approbation au bilan plus qu'honorable des activités menées durant ces deux dernières années par l'actuel Décanat et appuie les perspectives proposées et interventions programmées pour le court et moyen termes;
  4. attend des étudiants qu'ils retrouvent le sens de la mesure et des responsabilités et qu'ils regagnent les salles de cours pour la normalisation des activités académiques et administratives de l'Institution.

Suivent les signatures de 13 des 16 chefs département, les trois autres étant absent du pays:


Mme Marie Ener Jean-Jacques
Dr Franck Télémaque

Dr Ariel Henry

Dr Robert Jean-Louis

Dr Rodolphe Malebranche

Dr Philippe Hugues Carrenard
Dr Bernard Lévêque
Dr Maryse Saget
Dr Dodley Sévère
Mme Maryse Rouzier
M Jacques Castera
M Fritz de La Fuente
Mme Gladys Vital-Herne

Les chefs de département absent du pays étaient:

Pr Mario Alvarez
Dr Gladys Prosper
Dr Volvick Remy Joseph
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