lundi 13 juillet 2009

Les expatriés de la Silicon Valley sont de retour

Par Annie Kahn
Source: lemonde.fr, 8 juillet 2009

La fuite des cerveaux aux Etats-Unis est souvent temporaire. La plupart des dirigeants des start-up françaises sélectionnées pour être présentées à une délégation d'investisseurs en capital-risque européens et américains, du 1er au 3 juillet, par les organisateurs du French Tech-Tour, ont fait leurs armes en Californie pendant dix ou vingt ans. Mais ils sont revenus.

C'est le cas de Didier Brédy, qui pensait pourtant finir sa carrière outre-Atlantique. Parti en 1985 à San José, dans la Silicon Valley californienne, pour un stage de six mois, alors qu'il était étudiant en troisième année à l'Ecole supérieure des télécommunications, il s'y trouvait toujours vingt ans plus tard. Enthousiasmé par son stage, M. Brédy avait fait des pieds et des mains pour obtenir un poste de coopérant au Consulat de France à San Francisco. En parallèle, il passait un Master of Business Administration à l'université à San José. Marié à une Américaine, il a travaillé dans des multinationales avant de créer puis de revendre sa société.

Une proposition pour un emploi qui devait être de courte durée le ramène en France. Finalement, il décide de rester plus longtemps. Un chasseur de têtes lui propose de prendre la direction d'Ekinops, une start-up française créée en 2003 et basée à Lannion (Côtes d'Armor), spécialisée dans les équipements pour réseaux de télécommunication en fibre optique. "J'ai retrouvé chez Ekinops la même ambiance, la même motivation, le même désir d'y arriver qu'aux Etats-Unis", apprécie-t-il.

Ce constat, François Lavaste, le patron de Netasq, société de logiciels de sécurité pour ordinateurs, le fait aussi. Parti aux Etats-Unis en 1994, il n'est rentré en France qu'après avoir concrétisé son rêve californien : créer puis revendre deux start-up. Certes, il trouve la fiscalité française lourde. "L'impôt sur la fortune est particulièrement désagréable. Mais l'impôt sur le revenu est comparable. À service équivalent, en matière de santé et d'éducation, on paie autant en France qu'aux Etats-Unis", relativise-t-il.

L'histoire de Didier Brédy et de François Lavaste n'est pas isolée. Pendant qu'ils se frottaient au management de start-up américaines, de multiples sociétés du même type se créaient en France. Grâce à un environnement devenu beaucoup plus favorable aux jeunes pousses. Avec le crédit impôt recherche, le statut de jeune entreprise innovante et son cortège d'avantages fiscaux et sociaux, les exonérations d'impôts accordées aux personnes actionnaires de PME. Entre autres.

Après deux ou trois ans d'existence, ces sociétés se cherchent souvent des dirigeants aguerris. Leur quête comble les désirs de retour des expatriés d'hier.
La crise ne fait qu'exacerber le phénomène. Certes, elle accroît le nombre de défaillances. Parmi les sociétés innovantes françaises comme ailleurs. Mais, pour celles qui résistent, grâce à une offre de produits ou de services bien adaptés, la crise augmente aussi les besoins en managers chevronnés. Parce que l'environnement économique est plus rude mais aussi parce que les investisseurs en capital-risque qui ont misé sur des start-up se voient contraints de garder leurs participations dans ces sociétés plus longtemps que prévu.

En temps normal, ils les auraient vendues au bout de quelques années à un groupe plus important ou les auraient introduites en Bourse. Mais aujourd'hui, avec l'effondrement des places financières et des opérations de fusion-acquisition, c'est quasiment impossible. Ils estiment donc souvent que les dirigeants initiaux n'ont pas les qualités nécessaires pour gérer une entreprise de plus grande taille.

Forts de leurs expériences à la tête de start-up, parfaitement bilingues, ces patrons de la Silicon Valley inspirent confiance aux investisseurs du monde entier et sont appelés à la rescousse pour continuer de financer la croissance de ces entreprises.

La crise profite aussi à certaines start-up. Celles dont les produits ou services permettent de réduire les coûts, ou d'être plus productifs. Les exemples ne manquent pas. Comme Criteo, par exemple, présentée lors du Tech-Tour. Cette start-up créée en 2005 accroît l'efficacité des bannières publicitaires sur Internet. Son chiffre d'affaires a décuplé en un an.
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L'article orginal est publié ici.

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