vendredi 8 février 2008

LE CARNAVAL HAÏTIEN VU PAR DES ÉTRANGERS / « Creuset national de l’art et de la culture »

Par Phoenix Delacroix
phedelacroix@yahoo.fr

Ce sont les mots de Leclerc Ravineaux, jeune photographe et journaliste suisse, pour résumer les caractéristiques du carnaval haïtien. Depuis cinq ans environ, Leclerc Ravineaux suit de très près cet événement culturel national. Cette année, il est arrivé avec deux de ses meilleurs amis.

Port-au-Prince, Mercredi des cendres, 9 heures du matin. Le Champ de Mars prend l’allure d’un vaste site de décharge. L’image du jour contraste singulièrement avec l’apparence de somptueuse et immense scène théâtrale que présentait, la veille, la grande place publique. Avec ardeur, des centaines d’hommes s’activent à démolir les beaux stands qu’ils avaient érigés quelques jours auparavant pour les festivités carnavalesques. Ils travaillent sans états d’âme, tels des gamins détruisant des châteaux de sable construits dans les minutes précédentes avec patience et passion. Les coups de marteau couvrent les klaxons et les ronronnements des moteurs de voitures. On le comprend vite et bien : la fête est belle et bien finie. Il y a un temps pour jouer, un temps pour travailler, un temps pour construire et un temps pour démolir, affirme le livre des Proverbes. Pressés d’en finir, les démolisseurs accordent peu d’attention à un groupe de photographes étrangers et haïtiens qui accumulent, pour des causes différentes, clichés sur clichés.

Le carnaval : miroir de l’âme haïtienne
« Bon, ca y est, chers amis ! Je crois que nous en avons pour notre compte. Rentrons à l’hôtel pour une évaluation. Nous nous sommes bien amusés et nous avons accompli un excellent travail ».

L’homme, qui s’exprime ainsi, se nomme Leclerc Ravineaux, envoyé spécial d’une compagnie touristique d’Europe s’intéressant à Haïti. Accompagné de deux autres photographes, Julien et André, il prépare, pour le compte de son entreprise, un reportage photographique et un documentaire sur le carnaval haïtien. Mercredi matin, la fin des festivités leur apporte un peu de répit. Ils sont sur pied de guerre depuis dimanche et n’ont presque pas dormi depuis. Leurs visages émaciés et barbus, leurs yeux rougis témoignent de leur fatigue. Néanmoins, leurs sourires expriment un sentiment de satisfaction indiscutable. Sillonnant le site carnavalesque, armés de caméras et d’appareils photos, ils ont collecté patiemment des milliers d’images et des centaines de scènes. Aucun détail n’est négligé. Ouverts, ils expliquent la démarche à leurs homologues haïtiens tout en communiquant leurs premières impressions. « Nous nous proposons de mieux comprendre ce peuple à travers les photos prises et les scènes enregistrées. Ce peuple est original dans ses pratiques. Le carnaval est un espace au sien duquel toutes les couches de la population se rencontrent. C’est un miroir qui permet de saisir certaines caractéristiques haïtiennes. Sans risques de me tromper, je peux dire que ce sont des gens enthousiastes, bons viveurs, excellents danseurs, gaspilleurs , pacifiques et créatifs », soutient Julien. Les images, en effet, parlent d’elles-mêmes. « On peut se faire une idée des sommes folles investies dans cet événement à travers les images majestueuses et bien décorées des stands, des chars allégoriques et des chars musicaux, les vêtements des rois, des reines ainsi que des groupes de danse participant au défilé, les multiples moyens utilisés pour la promotion des grandes marques commerciales, la sonorisation de certains groupes musicaux. Tout cela pour seulement trois jours », se désole quelque peu Ravineaux.

Espace de divertissement et de promotion nationale
C’est, d’après nos trois amis français, la plus grande caractéristique du carnaval haïtien. « Pendant les festivités, riches et pauvres, noirs et mulâtres, vodouisants et chrétiens font bamboche dans un esprit de respect et de fraternité. J’ai été frappé par la passion avec laquelle les gens dansaient. On dirait qu’ils voulaient se défouler au maximum. Certaines personnes paraissaient en transe », constate Lucien. « Cet aspect du carnaval a toujours attiré l’attention des étrangers qui trop souvent ont tendance à souligner l’exacerbation des luttes sociales en Haïti. Je crois que cet espace peut être utilisé pour promouvoir l’unité, mobiliser la population autour des grands défis nationaux et améliorer l’image du pays sur la scène internationale », estime André. Celui-ci en profite pour faire aux responsables haïtiens des propositions susceptibles de rehausser le niveau de l’événement. « Sans vouloir donner de leçons à mes frères haïtiens, je leur conseille de mieux exploiter cet événement exceptionnel qu’est le carnaval. J’invite les responsables concernés à mieux gérer le site du défilé en pensant la prochaine fois à l’installation d’écrans géants sur les points névralgiques pour permettre aux spectateurs de se faire à tout moment une idée de l’avancement du cortège, à la délimitation de la scène d’évolution des troupes de danse et à l’organisation de la restauration ».

Espace de valorisation culturelle et artistique
Nos amis étrangers partagent tous les trois cet avis. « Les Haïtiens sont très doués au niveau artistique. Ils ont une imagination débordante et créent des produits avec une facilité déconcertante. Cette richesse est heureusement exploitée dans le carnaval. Il faut combattre la tendance à consommer étranger au cours de cette grande manifestation culturelle. Ce qu’il vous faudra consommer pendant cette période, c’est les touristes », conseille Ravineaux.

Nos visiteurs disent apprécier la performance des danseurs, la décoration des stands et des chars, la profusion des genres musicaux. « Le spectateur étranger, malheureusement, se perd dans cette diversité, surtout en l’absence de repères et de guides. Toutefois, le spectacle est appréciable et vaut le déplacement. Il n’y a pas meilleur moment d’évasion. Haïti est spéciale. Nous y reviendrons assurément pour le prochain carnaval », promet le chef du groupe.
vendredi 8 février 2008
_______________
//L'article ci-haut provien du lien ci-après:
http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=11078
//

Aucun commentaire: