Par Michel Soukar
Source: lenouvelliste.com, 30 décembre 2010
Haïti: Cette année, le pays a vécu les pires catastrophes de son histoire. Ces catastrophes traduisent la faillite de l'Etat et celle de toutes les élites haïtiennes confondues. Elles mettent également en relief l'imprévision, l'impréparation, l'impéritie, l'incrédulité et l'insouciance des dirigeants et des citoyens haïtiens.
A l'instar des 10 plaies d'Egypte relatées dans le livre d'Exode de la Bible, ce bilan décrit et analyse les effets de 10 des plus grandes catastrophes qui ont frappé Haïti au cours de l'année 2010 :
1. Catastrophe Naturelle
Avant le 12 janvier 2010, nombreux étaient les Haïtiens qui ignoraient que le pays était traversé par deux failles sismiques majeures, l'une traversant la partie septentrionale de l'île et l'autre sa partie méridionale. Les avertissements lancés pendant deux décennies par l'ingénieur géologue haïtien Claude Prépetit sont tombés dans des oreilles de sourds.
Le mardi 12 janvier 2010, à 4 heures 53 minutes de l'après-midi, un séisme de magnitude 7.3 sur l'échelle de Richter a frappé Haïti. Le tremblement de terre qui s'en est suivi a causé des dégâts humains, matériels, économiques et financiers incommensurables. En 35 secondes, tous les symboles de pouvoir de l'Etat d'Haïti ont été anéantis. Le Palais national, le Palais législatif et le Palais de justice se sont effondrés et ont été ensevelis sous des amas de décombres.
Selon les chiffres avancés, trois cent mille personnes environ auraient péri ou disparu. Un million cinq cent mille vivraient dans des abris de fortune et dans des conditions infrahumaines. Cinq cent mille auraient déserté momentanément Port-au-Prince pour aller s'établir dans d'autres départements géographiques et villes non touchés par le tremblement de terre. Ce que semble confirmer un rapport du Fonds des Nations unies pour la Population (FUNUAP).
En outre, ce séisme a sérieusement affecté le parc immobilier national. Des dizaines d'églises, des centaines d'édifices publics, des milliers d'écoles, des centaines de milliers d'immeubles résidentiels et commerciaux sont détruits dans les départements de l'Ouest, du Sud-Est et des Nippes.
Aucun secteur n'a été épargné. Selon la malice populaire, le tremblement de terre a principalement frappé trois (3) « E » : Etat, Ecole, Eglise. Toute plaisanterie mise à part, saura-t-on jamais avec exactitude le nombre de personnes décédées ou disparues vraiment à Port-au-Prince, à Delmas, à Croix-des-Bouquets, à Ganthier, à Carrefour, à Léogâne, à Jacmel, à Grand-Goâve, à Petit-Goâve et à Miragoâne, suite au séisme du 12 janvier 2010?
Un inventaire exhaustif est nécessaire pour déterminer avec précision le nombre de magistrats, de médecins, d'ingénieurs, d'agronomes, de géographes, d'économistes, d'éducateurs, bref, de professionnels décédés ou disparus sous les décombres des bureaux où ils travaillaient ou bien chez eux.
A ceux-là s'ajoutent, bien entendu, les maçons, cordonniers, charpentiers, ébénistes, électriciens et autres travailleurs manuels, plus les milliers de professeurs, les centaines de milliers d'élèves, d'étudiants, d'universitaires et des centaines de milliers d'anonymes décédés ou disparus.
A quelques jours de la date anniversaire de cet événement malheureux et tragique, un exercice de mémoire s'avère indispensable. Jusqu'à présent, le gouvernement n'a pas encore érigé une stèle à la mémoire de tous ceux et toutes celles, toutes classes sociales confondues, qui ont perdu la vie ou disparu.
La capitale et les villes affectées par le séisme ressemblent à des champs de ruines. Des gravats jonchent de nombreuses rues de la capitale, obstruant, du même coup, la circulation des piétons et des véhicules. Ces gravats font peser également une grave menace sur la santé des populations de ces régions.
Fin septembre, un vent violent, semblable à une tornade, traversa le sud-est, l'ouest et le sud du pays, causant d'importants dommages.
Enfin, le pays a été épargné par le passage de l'ouragan Tomas qui était supposé, selon les prévisions météorologiques, le traverser du sud au nord. Toutefois, les pluies diluviennes qui l'accompagnaient ont provoqué des inondations dans plusieurs départements géographiques du pays, causant ainsi des pertes en vies humaines ainsi que la destruction de nombreuses cultures. Par ailleurs, ces inondations n'ont pas manqué d'accélérer la propagation de l'épidémie de choléra dans les régions affectées par cette tempête tropicale.
2. Catastrophe humanitaire
Le pays était coupé du reste du monde. En un clin d'oeil, tout venait à manquer et tout faisait besoin : l'eau potable, la nourriture, les médicaments, les soins médicaux, le personnel médical, les abris provisoires, les secours d'une manière générale. La capacité d'accueil des hôpitaux était dépassée. A cela s'ajoutait une crise de gouvernance évidente.
Des centaines de milliers de personnes ne savaient plus où donner de la tête. Des millions d'autres envahissaient et occupaient les espaces publics, les terrains privés vacants de la capitale et des villes avoisinantes.
Les segments les plus vulnérables de la population haïtienne, en l'occurrence les enfants, les femmes, les vieillards, les handicapés, étaient livrés à eux-mêmes et vivaient dans l'indigence et la précarité. Les premières nuits étaient passées à la belle étoile.
L'aide humanitaire affluait de toutes parts. La République Dominicaine voisine a été la première à accourir au secours d'Haïti, suivie par les Etats-Unis, la France, le Canada, le Brésil, le Chili, l'Argentine, le Venezuela, la Turquie, Israël, la Belgique, l'Espagne, la Russie, etc.
Pour des raisons géostratégiques, les marines américains, débarqués en nombre, ont occupé l'aéroport international et le port de Port-au-Prince. Les installations de ces deux organismes publics, entre autres, ont été gravement touchées par le tremblement de terre. Ce sont les marines qui ont également assuré la police du trafic aérien, la tour de contrôle ayant été elle aussi sérieusement endommagée. Ce qui n'a pas manqué de créer des frustrations au sein des «pays amis d'Haïti».
Des médecins américains, accourus au chevet d'Haïti, ont procédé à de nombreuses amputations de membres d'individus frappés par le tremblement de terre. Ce qui augmente le nombre des handicapés physiques dans le pays.
Des organisations non gouvernementales caritatives (ONG), de toute provenance ,ont envahi le pays. Cependant, la quantité d'aide fournie par ces organisations n'a pas amélioré de manière significative les conditions de vie des personnes vivant dans des camps, sous des tentes en plastique ou dans des abris provisoires de fortune.
On dirait que le gouvernement haïtien, frustré de ne pouvoir gérer directement les flux d'aide, a délibérément piégé ces organisations qui se sont servi de la détresse du peuple haïtien pour collecter des millions de dollars, mais qui refusent de les faire transiter, sous prétexte de corruption, par l'Etat haïtien.
Sans vouloir défendre le diable, nous ferons remarquer que la corruption sévit aussi au sein de ces organisations qui ne dépensent que 20% en moyenne de l'assistance pour les besoins de la population. Les 80% restant sont dépensés sous forme de frais administratifs, d'acquisition ou de location de véhicules, de frais de voyages, de frais d'études, d'experts et autre assistance technique, susceptible d'atténuer le chômage ambiant dans les pays contributeurs ou donateurs. Enfin, il y a les coûts des audits réalisés par des vérificateurs financiers indépendants pour mieux masquer le gaspillage de ressources.
A propos de gaspillage, souvent des ONG concurrentes, originaires de pays différents, financent ou supportent la même activité, côte à côte, dans la même ville. Ensuite, le «cash for work» constitue un pis-aller. Il entretient le chômage déguisé tout en apportant une bouffée d'oxygène monétaire à des milliers de jeunes des deux sexes taraudés par le chômage, l'oisiveté et la misère.
Des centaines de milliers de compatriotes continuent de vivre sous des tentes ou dans des abris provisoires de fortune, alors que des millions de dollars sont dépensés pour financer la campagne électorale des candidats du parti au pouvoir.
3. Catastrophe politique
Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a consacré la faillite de l'Etat haïtien et des élites haïtiennes. La Présidence paraissait absente, le gouvernement inexistant et la société civile déboussolée. Ils étaient tous dépassés par l'ampleur et la gravité des effets du tremblement de terre.
La population haïtienne a dû attendre 72 heures avant d'entendre la première déclaration du Président de la République. Pour dire quoi exactement ? Rien qui transpirait la vision d'un homme d'Etat responsable.
Le Président de la République a raté la chance de passer à l'histoire comme un grand chef d'Etat. Incapable de dépassement de soi, il a raté l'occasion de réunir autour de lui tous les chefs des partis politiques représentés au Parlement, les représentants de toutes les forces vives du pays, en vue d'évaluer ensemble les dégâts causés par le séisme et élaborer le plan de reconstruction nationale.
Ce document aurait servi de base au dialogue et aux discussions engagées avec les nombreux chefs d'Etat et de gouvernement qui ont débarqué sur le tarmac de l'aéroport international fissuré après le 12 janvier 2010. Comme d'habitude, il s'est comporté en pacotilleur et en chef de bande.
Avec l'aide des institutions financières internationales et après maintes voltiges à l'étranger, le gouvernement a pu concocter un plan de reconstruction du pays. Ce dernier a été présenté à la Conférence des Bailleurs de fonds internationaux, tenue à New York sous les auspices des Nations unies le 31 mars 2010. Des promesses de financement d'un montant de 10 milliards de dollars américains ont été effectuées par les bailleurs. Comme toujours, ces derniers sont prompts à promettre et lents à décaisser.
Parmi les conditions fixées pour le décaissement de ces fonds, citons, entre autres, la mise en place d'une Commission intérimaire de Reconstruction d'Haïti (CIRH), coprésidée par l'ex-président des Etats-Unis William Jefferson (Bill) Clinton et le Premier ministre haïtien, Joseph Jean Max Bellerive et composée de représentants des pays donateurs et des agences de financement.
Deuxième condition: la CIRH doit être établie par la loi. Troisième condition : la durée de la période d'urgence doit être de 18 mois. Quatrième condition les fonds doivent être gérés par la Banque mondiale.
Des protestations ont fusé de toutes parts contre le vote du projet de loi portant création et fonctionnement de la CIRH. La composition mixte de cette commission a soulevé l'hydre des leaders politiques de l'opposition, de certains parlementaires et de membres d'organisations de la société civile. Malgré tout, la loi a été votée par les deux branches du Parlement avant le départ de la Chambre des députés.
Coup de théâtre ! Le sénateur Rudy Heriveaux et Judnel Jean se sont désolidarisés de leurs collègues Latortue, Beauplan, Supplice-Beauzile et Riché pour aller donner quorum à la séance du Sénat de la République, réuni depuis le séisme au siège de l'Ecole de Formation de la Police nationale d'Haïti à Frères.
Donc, trois décisions du Parlement ont empoisonné la vie politique du pays et paralysé le fonctionnement du Sénat de la République. Il s'agit du vote de : premièrement, la loi prorogeant la durée de l'état d'urgence ; deuxièmement, de l'amendement de la loi électorale prorogeant la fin du mandat présidentiel à mai 2011 et, troisièmement de celle instituant la CIRH.
A cela s'ajoutent les innombrables protestations, prises de position et manifestations de rues réclamant le départ soit des membres du Conseil Electoral Provisoire (CEP), soit du Président Préval, de son gouvernement, la constitution d'un autre CEP en vue de l'organisation des élections législatives et présidentielles prévues pour la fin de l'année 2010, et la formation d'un gouvernement provisoire de salut public en vue de l'organisation d'élections générales dans le pays.
Au cours de l'année 2010, le Président Préval a parachevé l'oeuvre de démantèlement des partis politiques de l'opposition. Après les députés du groupe Concertation des parlementaires progressistes (CPP), il a coopté des membres influents des principaux partis. Par exemple, Paul Denis, Sorel Jacinthhe, Carlos Lebon, Nahoum Marcelus, Jocelerme Privert sont devenus des dirigeants et membres influents du parti au pouvoir, dénommé Unité.
Pourtant, la polarisation au sein du Parti Unité s'est traduite par une confusion savamment entretenue par le Président Préval au moment de la désignation du candidat de ce parti à la Présidence aux élections du 28 novembre 2010. L'état-major du parti semble avoir préféré Jude Célestin, l'ancien patron du Centre National d'Equipements (CNE) à l'ancien Premier ministre Jacques Edouard Alexis.
Tout compte fait, il n'y a pas que le pouvoir politique à être essoufflé. La classe politique, issue du mouvement de 1986 l'est aussi. Elle a perdu toute capacité de convocation sociale. Elle n'a pas su véhiculer un discours qui reflète les aspirations de la génération de ces jeunes, nés en 1986, et âgés aujourd'hui de 24 ans. Livrée à elle-même, cette génération, où qu'elle vive actuellement, demeure la proie de tous les marchands d'illusions polluant le paysage politique haïtien.
N'a-t-on pas vu ou entendu un groupe de sénateurs de la République écrire à des parlementaires étrangers (au Blanc) pour dénoncer la corruption qui règne au sein du pouvoir et réclamer du même coup la suspension de l'aide étrangère à Haïti ?
Après, l'on se sentira offusqué quand l'ONG allemande Transparency International range Haïti parmi les pays pourris dans son rapport annuel sur la corruption. D'où le proverbe créole : « Si an anndan pa van'n, deyo pa ka achté ».
Le pays regorge de politiciens, mais compte très peu d'hommes et de femmes d'Etat.
4. Catastrophe électorale
L'année 2010 est une année électorale. Elle a débuté sur fond de contestation. Les partis politiques de l'opposition et des organisations de la société civile protestent et réclament le renvoi du Conseil Electoral Provisoire (CEP). Ils n'ont pas digéré la façon dont le CEP a organisé le tirage au sort en vue de l'attribution des numéros aux candidats.
Des élections législatives et sénatoriales sont programmées pour le 28 février 2010. Il faut renouveler toute la Chambre des députés ainsi que le tiers du Sénat. Le mandat des députés qui devait se terminer le deuxième lundi de janvier 2010 a été prorogé jusqu'en mai. Il en est de même de celui d'un tiers du Sénat. Il importe également d'organiser des élections présidentielles pour remplacer le Président de la République dont le mandat constitutionnel prend fin le 7 février 2011.
Depuis plus de vingt ans, l'Etat haïtien s'est montré incapable d'organiser dans le pays des élections libres, honnêtes et démocratiques. Les gouvernants prennent le malin plaisir de jouer avec les destinées de tout un pays et de tout un peuple, en organisant des élections frauduleuses les unes plus grotesques que les autres.
Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 est venu compliquer la donne. Les élections ne peuvent plus se tenir le 28 février comme prévu. Le siège du Parlement ainsi que les immeubles logeant le Sénat et son personnel se sont effondrés. Il ne fait point de doute que ces élections seront reportées à une date ultérieure. L'enjeu de ces élections est double : contrôler le vote de l'amendement de la Constitution et prendre le crédit de la reconstruction post-séisme.
Le Président de la République sollicite de l'ONU et de l'OEA l'envoi d'une mission d'évaluation de la faisabilité technique des élections en 2010. Les deux organisations répondent favorablement à sa requête et dépêchent chacune une mission d'experts dans le pays. Les deux concluent dans leur rapport que les élections sont techniquement réalisables, en dépit de la présence de plus d'un million de personnes sous des tentes.
Chose dite, chose faite ! Faisant flèche de tout bois, le CEP présente un budget et un calendrier en vue de l'organisation des élections législatives, sénatoriales et présidentielles le 28 novembre 2010.
Des partis, regroupements de partis politiques majeurs et des organisations de la société civile continuent de réclamer le renvoi du CEP actuel et la formation d'un nouveau CEP plus crédible pour organiser des élections libres et transparentes dans le pays. Dans le cas contraire, ils menacent de s'abstenir de participer à toutes élections organisées sous l'égide de ce CEP.
Le camp du refus est alors constitué de partis ou regroupements de partis comme l'Alternative, l'UCADE, Rassembler, le PLAPH, Fanmi Lavalas, etc. Ces partis et regroupements sont formés de personnalités politiques comptant parmi les plus anciennes sur la scène politique haïtienne.
Le coût de l'organisation des élections, communiqué par le CEP, est estimé à 29 millions de dollars américains. Le financement, ordinairement, est assuré par la communauté internationale, notamment le Canada, les Etats-Unis, la France, l'Allemagne, le Japon, le Mexique et l'Union européenne. L'Etat haïtien complète le montant en garantissant les salaires des fonctionnaires ainsi que les dépenses de fonctionnement du CEP. Tous les contributeurs, y compris l'Etat haïtien, versent leur contribution au Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) qui en assure la gestion.
Dès lors, la communauté internationale s'implique jusqu'au cou dans le processus d'organisation des élections. Elle participe non seulement à leur financement, mais y octroie également une assistance technique considérable. C'est le représentant du secrétaire général des Nations unies, le diplomate guatémaltèque Edmond Mulet, qui communique le calendrier électoral et effectue un plaidoyer en faveur des élections.
L'Organisation des Etats américains (OEA) apporte une assistance technique à l'organisme national (ONI) chargé de l'identification des votants éventuels ainsi que de l'émission des cartes de vote. La Mission des Nations unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) fournit un appui logistique et sécuritaire au CEP. Le Centre de Tabulation des procès-verbaux fait l'objet d'une attention particulière de la part du Canada qui, à travers Elections-Canada, fournit une assistance technique.
Cette année, une mission conjointe d'observation OEA-CARICOM est déployée dans le pays en vue de superviser toutes les étapes du processus, allant de l'inscription des candidats à la proclamation des résultats définitifs en passant par le vote et son dépouillement.
De même, l'Union européenne et l'Organisation internationale de la Francophonie promettent de déployer des observateurs le jour du vote. A cela s'ajoutent les visites de bénédiction du processus effectué par l'ancien Premier ministre socialiste français Lionel Jospin et l'actuel ministre des Affaires étrangères français Bernard Kouchner.
Le CEP déclare ouverte la période d'inscriptions et invite les partis politiques désireux de participer à ces joutes à se déclarer. Plus d'une soixantaine de partis se sont manifestés. Quelques jours plus tard, les candidats potentiels à la Présidence de la République ont été invités à faire acte de candidature.
45 personnalités ont produit leur déclaration de candidature. Parmi elles figurent la star internationale Wyclef Jean et le chanteur populaire Michel Martelly, dit Sweet Micky. Une période de contestation de candidature est ouverte, conformément à la loi électorale en vigueur. Le candidat Wyclef Jean n'a pas été retenu pour n'avoir pas résidé durant cinq années consécutives dans le pays.
Une semaine plus tard, le CEP a publié la liste des 19 candidats agréés.
Ces candidats peuvent être classés en trois catégories :
• ceux qui paraissent donner de la crédibilité au processus : Myrlande H. Manigat, Charles Henry Baker, Chavannes Jeune ;
• ceux qui courtisent l'électorat lavalas : Jean Hector Anacacis, Gérard Necker Blot, Eric Smarcki Charles, Jean Henry Ceant, Yves Christallin, Leon Jeune, Genard Joseph, Yvon Neptune, Lesly Voltaire, Jacques Edouard Alexis et Jude Célestin ;
• Ceux qui jouent les trouble-fêtes : Josette Bijou, Wilson Jeudy, Garaudy Laguerre, Axan D. Abellard et Michel Martelly.
Par contre, certaines ambassades des pays amis d'Haïti utilisent une classification plus simple en trois catégories :
• poids lourd : Célestin, Manigat, Céant, Baker, Alexis ;
• poids moyens : Chavannes Jeune, Yvon Neptune, Leslie Voltaire, Michel Martelly ;
• poids légers : Wilson Jeudy. Josette Bijou, Eric Smarcki Charles, Garaudy Laguerre, Génard Joseph, Gérard Blot, Léon Jeune, Yves Cristallin, Axan Abellard et Jean Hector Anacasis
A quelques exceptions près, ces classifications sont confirmées par les sondages d'opinion effectués, tout au cours de la campagne électorale, par le Bureau de Recherches en Informatique et en Développement Economique et Social (BRIDES) pour le compte du Forum Economique du Secteur Privé. Les résultats de ces sondages d'opinion sont diversement appréciés par les candidats aux fonctions électives, suivant qu'ils leur sont favorables ou non.
Le CEP lance la campagne électorale en deux temps. Dans un premier temps, la campagne est muette, c'est-à-dire faite à base d'affichages. Dans un second temps, les candidats sont autorisés à diffuser des messages publicitaires et à organiser des rassemblements publics.
Cette campagne électorale a étalé au grand jour l'abondance, l'envergure et l'extravagance des ressources financières dont disposent certains candidats. Saura-t-on jamais leur origine précise ? L'on soupçonne qu'elles proviennent des deniers publics, des largesses de l'oligarchie et du narcotrafic.
La campagne électorale est mièvre. Elle n'est constituée que de slogans creux et de bruits sonores. Aucun programme consistant n'est étalé au grand jour. Dans les débats radio-télédiffusés, tous les candidats parlent de reconstruction et de décentralisation sans jamais en révéler ni le contenu ni la façon de les financer. Au fur et à mesure que la date des élections approche, la tension monte. Des partisans de candidats se sont affrontés dans plusieurs communes du pays.
Le jour du vote, le 28 novembre, est émaillé d'incidents, d'irrégularités et de fraudes divers. De nombreux électeurs ont éprouvé beaucoup de difficultés pour identifier leur bureau de vote un peu partout à travers le pays. Dans certains centres de vote, on a constaté des bourrages d'urnes ainsi que des falsifications de procès-verbaux en faveur des candidats du parti au pouvoir à tous les postes.
Deux heures avant la fermeture des bureaux de vote, un groupe de 12 candidats à la présidence se sont réunis dans un grand hôtel de la banlieue orientale de la capitale pour exiger à l'unisson l'annulation du scrutin du 28 novembre 2010.
Tout de suite après, des milliers de manifestants ont gagné les rues, dans une espèce de carnaval improvisé, aux cris de Viv Micky, nom d'artiste du candidat à la présidence Joseph Michel Martelly.
A peine formé, le groupe des 12 s'est désagrégé. En effet, Mme Mirlande H. Manigat et Joseph Michel Martelly se sont désolidarisés en renouvelant leur confiance au CEP, seul organisme chargé de proclamer les résultats des élections.
Tout le monde s'interroge sur le mobile qui a porté ces deux candidats à changer leur fusil d'épaule aussi rapidement. L'opinion publique et les observateurs politiques se sont posés les questions suivantes :
D'une part, est-ce la question piège, posée par le directeur-général du CEP, monsieur Pierre-Louis Opont, relative au comportement éventuel des contestataires si les résultats préliminaires leur étaient favorables, qui a porté Mirlande et Micky à se démarquer de leurs camarades du groupe des 12 ?
Les résultats préliminaires du premier tour des élections du 28 novembre 2010 ont été proclamés, comme prévu, dans la soirée du 7 décembre 2010. Mme Manigat a recueilli près de 32% des suffrages exprimés, suivie de Jude Célestin avec un peu plus de 22% et de Michel Martelly avec un peu plus de 21%.
Ces résultats préliminaires ont été contestés par l'ambassade américaine dans un communiqué émis quelques minutes après leur proclamation. Ils ont provoqué la colère des partisans de Michel Martelly qui n'ont pas hésité à gagner les rues, érigeant des barricades de pneus enflammés un peu partout à travers le pays. Ils réclament, comme l'ambassade et le Forum Economique du Secteur Privé, le respect du vote populaire, mais en faveur de leur candidat préféré.
Une situation de vive tension règne dans le pays depuis la proclamation de ces résultats. Aux Cayes, des manifestants pro Martelly s'en sont pris violemment aux bureaux publics et à certains établissements commerciaux. A la capitale, de violentes manifestations ont provoqué la fermeture de l'aéroport international et l'annulation de tous les vols en provenance de l'étranger.
En tout état de cause, les dénonciations de fraudes massives, les manifestations violentes traduisent l'échec des élections du 28 novembre 2010. Cet échec est imputable non seulement au CEP, mais aussi bien au gouvernement haïtien qu'à la communauté internationale dans sa composition multiple et multiforme.
5. Catastrophe Institutionnelle
Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a assené un coup terrible au fonctionnement déjà précaire des institutions haïtiennes tant publiques que privées. Cette section n'est pas consacrée à la description des dommages physiques subis par les immeubles logeant des institutions. Mais elle présente leur incapacité à dispenser véritablement au public les services découlant de leur mission.
Tout le monde sait déjà que les bâtiments et édifices publics logeant, notamment, le Palais national, le Palais de Justice, le Parlement, le Palais des ministères, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Intérieur, le ministère des Travaux Publics, Le ministère de la Sante Publique, de la Justice, des Affaires sociales, du Commerce et de l'Industrie, la Direction Générale des Impôts, l'Office national d'Assurance Vieillesse, les Archives nationales, l'Administration générale des Douanes, l'Office des Postes d'Haïti, l'Administration portuaire nationale, l'Hôpital général, etc. ont été détruits.
Il en est de même des immeubles logeant des hôpitaux privés, la Cimenterie nationale, les Moulins d'Haïti, les sièges et les succursales des banques commerciales fonctionnant dans le pays. Dans cette catastrophe, de nombreux cadres et employés y ont perdu leur vie.
Le service public de la justice, déjà bancal avant le 12 janvier 2010, est aujourd'hui inexistant. Le tribunal de première instance de Port-au-Prince, le Parquet, la Cour d'appel et la Cour de Cassation ont du mal à fonctionner. L'accès à la justice, déjà précaire, est devenu de plus en plus difficile.
Des justiciables attendent des décisions de justice pour continuer de régler leurs affaires. Par contre, les responsables s'adonnent à des acrobaties quand il s'agit de libérer soit un commissaire de police mis en taule par le Commissaire du gouvernement Harrycidas Auguste, soit un groupe de femmes accusées de poser des actes de sodomie en plein jour dans les camps de déplacés, établis dans l'aire du Champ de Mars..
De plus, la Cour de Cassation fonctionne sans président depuis cinq ans. Des juges décédés n'ont pas été remplacés. Que dire de la mise en place du Conseil supérieur du Pouvoir Judiciaire dont la loi a été votée depuis trois ans ? Sans une justice indépendante, impartiale et efficace, il n'y aura point de développement économique.
Le système carcéral est défaillant. Les prisonniers sont détenus dans des conditions infrahumaines. Ils souffrent de maladies liées à leurs conditions de détention et surtout au manque d'hygiène. Des évasions sont organisées régulièrement qui permettent aux plus fortunés de s'enfuir.
Le tremblement de terre du 12 janvier a entraîné la baisse automatique de la population carcérale dans le pays. Dans ce cas, de nombreux trafiquants de drogue et d'autres criminels notoires ont profité de l'occasion pour soudoyer des gardiens de prison en vue de leur donner barrière libre aussi bien au Pénitencier national que dans les centres de détention établis dans les villes de province.
Aux Cayes, par exemple, une prétendue tentative de mutinerie s'est soldée par la mort de plusieurs détenus. Des rapports soupçonnent la police de les avoir froidement exécutés. De nombreux policiers sont placés aux arrêts et attendent eux aussi une décision de justice.
Paradoxalement, la police déclare avoir appréhendé un grand nombre de fugitifs. Mais pas un trafiquant de drogue n'a été retrouvé et remis en prison. Souvent, des complices de tout acabit profitent de situations de troubles, comme c'est le cas après la proclamation des résultats des élections, pour s'attaquer aux prisons en vue de faciliter l'évasion de barons du crime organisé.
Les actes d'enlèvement ont augmenté. Ils affectent particulièrement les résidents de Boutilliers, de Thomassin et de Kenscoff. Des femmes et des enfants sont la proie de bandits qui opèrent parfois en plein jour.
Malgré la présence de la MINUSTAH, la Police nationale d'Haïti n'est pas encore en mesure de garantir efficacement la sécurité des vies et des biens dans le pays. Des problèmes d'effectifs et d'équipements en sont probablement la cause.
Bien que disposant actuellement d'un effectif d'environ 10.000 policiers, la PNH ne couvre pas encore tout le territoire. De nombreuses sections communales attendent la formation et le déploiement d'un régiment de police rurale. Cette dernière n'a pas besoin d'être dotée de titulaires ou détenteurs de baccalauréat de fin d'études secondaires voire d'universitaires. Il suffit d'avoir complété la 9e année fondamentale pour y être admis.
La performance de la PNH, au cours du déroulement du processus électoral, est moyenne. Si elle a tant bien que mal tenté de sécuriser les meetings électoraux et autres rassemblements publics, la police s'est montrée impuissante face aux actes de violence qui ont paralysé la vie nationale durant les deux jours qui ont suivi la proclamation des résultats préliminaires. Aujourd'hui, la ville des Cayes s'est vue dépouiller de toutes ses institutions publiques, sous l'oeil impuissant de la police.
Le système de santé est devenu plus défaillant, suite au séisme du 12 janvier. Les hôpitaux tant publics que privés sont dépassés par l'ampleur du phénomène et la vague de victimes qui ont déferlé sur leurs services déjà précaires. C'est ainsi qu'un centre hospitalier privé, récemment ouvert à Port-au-Prince, a vu ses stocks de fournitures et de médicaments s'épuiser en l'espace d'une semaine. Aujourd'hui, la CDTI est en faillite et ne peut plus continuer à offrir les services de qualité dispensés naguère au public.
Quant à l'hygiène publique, elle est de plus en plus menacée par la quantité de gravats et de détritus abandonnés sur la chaussée des principaux quartiers de la capitale et de certaines villes de province. Les instances préposées à leur collecte, semblent dépassées. Pareille situation est susceptible de favoriser la propagation et l'extension de toutes sortes d'épidémies dans le pays.
De nos jours, 50% de population haïtienne n'ont pas accès à l'eau potable. Trois organismes publics sont chargés de la fourniture des services d'approvisionnement en eau potable et en assainissement dans le pays. Il s'agit de la Centrale autonome d'Eau potable (CAMEP) pour la zone métropolitaine de Port-au-Prince, le Service national d'Eau potable (SNEP) pour les villes de province et le Poste communautaire d'hygiène et d'eau potable (POCHEP) pour les zones rurales.
En vue d'assurer une meilleure gestion des ressources allouées au secteur eau potable et assainissement et surtout de favoriser la synergie entre les différents pourvoyeurs de service, la Direction nationale d'Eau potable et d'Assainissement a été créée par la loi en vue de fusionner la CAMEP, le SNEP et le POCHEP.
N'a-t-on pas vu la DINEPA et d'autres ONG internationales subventionner des services privés de distribution d'eau potable en vue d'approvisionner les camps de déplacés établis dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince ?
Le tremblement de terre du 12 janvier a fortement affecté le secteur de l'éducation dans le pays. Nombreuses ont été les écoles congréganistes, publiques et privées détruites dans les villes touchées par le séisme. Quoique d'immenses efforts aient été déployés en vue d'éviter la perte de l'année scolaire, nombreuses sont les écoles qui n'ont pas trouvé les moyens de construire des établissements provisoires.
Avec l'aide de l'Etat et de la communauté internationale, certains espaces ont été vite déblayés et des hangars construits à l'emplacement des écoles pour distribuer le pain de l'instruction. Les examens officiels de fin d'études primaires et secondaires ont été organisés de façon différenciée dans le pays.
6. Catastrophe Economique
Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a sonné le glas des principales infrastructures économiques du pays. L'aéroport international, le port de Port-au-Prince, des magasins, des banques commerciales, des compagnies d'assurances, des supermarchés ont été soit endommagés soit détruits.
Les pertes économiques et financières sont évaluées à plus de 10 milliards de dollars américains. La zone métropolitaine de Port-au-Prince qui abrite le centre économique et administratif du pays, a été très affectée. Cette zone est le foyer de 40% de la population totale, de 85% de l'activité économique et financière et de 85% des recettes fiscales du pays.
Ce n'est pas tant le séisme qui a causé ces dégâts considérables. Mais ce sont la densité de la population, l'utilisation désordonnée des sols, l'absence de normes de construction et la dégradation de l'environnement qui en sont responsables. Le pays est victime d'une trop forte concentration de ressources et de services dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince.
Aujourd'hui, des hommes et femmes d'affaires sont décapitalisés. Ils ont besoin de capitaux frais et de fonds de garantie pour redémarrer. Mais l'accès au crédit leur est difficile, malgré la déprime des taux d'intérêt sur le marché bancaire. Les banques réclament des garanties qui ne sont plus disponibles.
Cependant, le système bancaire a une fois de plus démontré sa résilience. Malgré des pertes en ressources humaines, matérielles et financières, les banques commerciales ont été parmi les premières institutions à reprendre le service à la clientèle, deux semaines après le tremblement de terre. Elles se trouvent maintenant dans une situation de surliquidité. Paradoxalement, les demandeurs de crédit sont plutôt rares.
Malgré tout, l'Etat a pu préserver certains des grands équilibres macroéconomiques. Le taux d'inflation est à la baisse. Le taux de change de la gourde par rapport au dollar américain est plutôt stable. Les réserves nettes de change détenues par la Banque centrale ont atteint des niveaux appréciables.
Par contre, nous produisons peu et importons presque tout ce nous consommons. Le déficit de la balance commerciale a augmenté. Il en est de même du taux de chômage, atténué par l'exécution de travaux à haute intensité de main d'oeuvre sous la forme de Cash ou de Food for work.
Il importe de reconstruire les capacités productives de ce pays tant sur le plan humain que sur celui des infrastructures physiques. Le gouvernement parle de refondation de l'Etat. Nous sommes habitués à ces formules creuses. Comment un gouvernement qui a contribué à déstructurer l'Etat peut-il se prévaloir de vouloir le reconstruire voire le refonder ?
Plus d'un s'attendait à ce que la Commission intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti (CIRH) apportât un baume à l'économie à travers le financement de grands travaux. Mais, le moteur de la CIRH semble grippé. Ses réunions se sont faites de plus en plus espacées.
Les différents bailleurs de fonds mettent à rude épreuve la crédibilité de l'ancien président américain Bill Clinton, coprésident de la CIRH avec le Premier ministre haïtien Joseph Jean-Max Bellerive.
7. Catastrophe Sociale
Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a causé d'immenses pertes en vies humaines. Des familles aisées ont perdu tout leur avoir. La classe moyenne bascule dans la pauvreté et les pauvres deviennent de plus en plus pauvres.
Avant le tremblement de terre du 12 janvier, des millions d'Haïtiens vivaient déjà au-dessous du seuil de paupérisation, c'est-à-dire avec moins d'un dollar américain par jour.
Aujourd'hui, c'est pire. Des millions de personnes vivent à la merci de l'aide alimentaire. Des femmes et des filles sont violées chaque jour sous les tentes de fortune. De nombreuses mineures sont enceintes et vont donner la vie à des enfants faméliques.
De nombreuses personnes reprennent le chemin de la mer à la recherche d'un Eldorado. Elles sont capturées, jetées en prison puis refoulées par les gardes-côtes américains. La République Dominicaine voisine les rapatrie par milliers chaque mois.
Aujourd'hui, la population de sans-logis a augmenté. Des riches deviennent pauvres et les pauvres deviennent encore plus pauvres. Cette situation est exacerbée par la propagation de l'épidémie de choléra qui décime des familles entières dans de nombreuses régions du pays.
8. Catastrophe Sanitaire
Des endémies majeures comme le SIDA, la malaria, la filariose ont augmenté en prévalence, suite au tremblement de terre du 12 janvier 2010. Comme si ce lot ne suffisait pas, le choléra a fait une soudaine apparition dans le pays au dernier trimestre de l'année 2010.
Des membres de la population accusent les soldats du contingent népalais de la Mission de Nations unies pour la Stabilisation en Haïti d'avoir contaminé les eaux du fleuve Artibonite en y déversant des matières fécales. Ce que semble confirmer le rapport d'un épidémiologiste français dépêché en Haïti. Mais l'ONU et la MINUSTAH s'en défendent.
En effet, l'épidémie s'est déclarée à la mi-octobre à Mirebalais dans le bas Plateau Central et à Saint-Marc, dans l'Artibonite. Depuis, elle s'est répandue comme une traînée de poudre dans tous les départements géographiques du pays.
Les statistiques officielles, publiées par le ministère de la Santé publique (MSPP), font état de 50 0000 personnes contaminées par le vibrio cholerae et de plus de 2 000 personnes tuées par le choléra.
Cependant, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime le nombre au double. L'OMS prévoit que vu les conditions de promiscuité sévissant dans les bidonvilles et dans les camps de déplacés établis un peu partout dans la capitale et dans certaines villes de province, plus de 600.000 personnes seront contaminées dans les prochains mois.
Récemment, dans le département de la Grand-Anse, où l'épidémie s'est déclarée à la fin du mois de novembre, les habitants de certaines communes s'en prennent aux vodouisants, qu'ils accusent de propager la maladie. Des dizaines de personnes ont été lynchées par les populations en colère.
L'Organisation des Nations unies (ONU) a lancé un appel d'urgence en vue de collecter 174 millions de dollars américains pour doter toutes les communes du pays de centres de traitement du choléra, à l'instar de ceux établis par le ministère de la Santé et de nombreuses ONG. A date, l'ONU déclare n'avoir collecté que 35 millions de dollars américains.
Nous suggérons à l'ONU de prélever le montant nécessaire des fonds alloués au fonctionnement de la MINUSTAH. Pour être plus précis, nous suggérons que l'ONU retourne au Népal son contingent militaire et utilise les fonds prévus pour son entretien à la prise en charge des victimes du choléra en Haïti. Et ce sera justice !
9. Catastrophe Ecologique
Le tremblement de terre du 12 janvier a porté un coup fatal à l'environnements, déjà affecté par toutes sortes de pollutions comme le bruit, les déchets plastiques, les constructions anarchiques, la déforestation, l'émission de dioxyde de carbone et la disposition anarchique des immondices.
Cette situation est exacerbée par les mouvements et concentrations de population consécutifs au tremblement de terre du 12 janvier 2010. Les camps de déplacés ont généré beaucoup d'ordures, qui ont obstrué davantage les égouts.
Des récipients en plastique ont tapissé les différents canaux d'écoulement de la capitale. Les flancs escarpés des collines ceinturant la capitale sont maintenant occupés par des tentes de fortune.
A la veille des fêtes de fin d'année, les rues de la zone métropolitaine de Port-au-Prince et celles de nombreuses villes de province sont noircies de fumée et jonchées de fatras de toutes sortes, conséquence des manifestations violentes qui ont suivi la proclamation des résultats préliminaires des élections législatives et présidentielle.
10. Catastrophe Morale
Cette dernière est la plus grave de toutes. Elle affecte ce qu'il y a de plus précieux dans l'être humain : sa conscience. Les sentiments d'amour, de charité, de générosité et de compassion qui se sont manifestés au sein de la société haïtienne, au lendemain du séisme du 12 janvier 2010, ont vite fait place à l'égoïsme, à l'orgueil, à l'avidité, à la cupidité voire à la rapacité.
Les valeurs morales se sont effritées. Le pays est en panne d'autorité morale et souffre d'une crise de modèles. Le mensonge et la roublardise se sont érigés en loi. Les intérêts personnels et mesquins prennent le dessus sur l'intérêt général. L'avoir et le pouvoir priment sur l'Etre. La parole donnée n'est plus respectée.
L'Haïtien n'a pas retenu les grandes leçons que le tremblement de terre a bien voulu lui enseigner. Le séisme du 12 janvier 2010 nous commande de faire les choses autrement. Il faut au moins penser, diriger et construire autrement.
Toutefois, la catastrophe n'est pas une fatalité. Nous appelons le peuple haïtien à se ressaisir et à s'armer de courage et de détermination pour combattre l'arbitraire, le népotisme et la corruption.
Michel Soukar
Source: lenouvelliste.com, 30 décembre 2010
Haïti: Cette année, le pays a vécu les pires catastrophes de son histoire. Ces catastrophes traduisent la faillite de l'Etat et celle de toutes les élites haïtiennes confondues. Elles mettent également en relief l'imprévision, l'impréparation, l'impéritie, l'incrédulité et l'insouciance des dirigeants et des citoyens haïtiens.
A l'instar des 10 plaies d'Egypte relatées dans le livre d'Exode de la Bible, ce bilan décrit et analyse les effets de 10 des plus grandes catastrophes qui ont frappé Haïti au cours de l'année 2010 :
1. Catastrophe Naturelle
Avant le 12 janvier 2010, nombreux étaient les Haïtiens qui ignoraient que le pays était traversé par deux failles sismiques majeures, l'une traversant la partie septentrionale de l'île et l'autre sa partie méridionale. Les avertissements lancés pendant deux décennies par l'ingénieur géologue haïtien Claude Prépetit sont tombés dans des oreilles de sourds.
Le mardi 12 janvier 2010, à 4 heures 53 minutes de l'après-midi, un séisme de magnitude 7.3 sur l'échelle de Richter a frappé Haïti. Le tremblement de terre qui s'en est suivi a causé des dégâts humains, matériels, économiques et financiers incommensurables. En 35 secondes, tous les symboles de pouvoir de l'Etat d'Haïti ont été anéantis. Le Palais national, le Palais législatif et le Palais de justice se sont effondrés et ont été ensevelis sous des amas de décombres.
Selon les chiffres avancés, trois cent mille personnes environ auraient péri ou disparu. Un million cinq cent mille vivraient dans des abris de fortune et dans des conditions infrahumaines. Cinq cent mille auraient déserté momentanément Port-au-Prince pour aller s'établir dans d'autres départements géographiques et villes non touchés par le tremblement de terre. Ce que semble confirmer un rapport du Fonds des Nations unies pour la Population (FUNUAP).
En outre, ce séisme a sérieusement affecté le parc immobilier national. Des dizaines d'églises, des centaines d'édifices publics, des milliers d'écoles, des centaines de milliers d'immeubles résidentiels et commerciaux sont détruits dans les départements de l'Ouest, du Sud-Est et des Nippes.
Aucun secteur n'a été épargné. Selon la malice populaire, le tremblement de terre a principalement frappé trois (3) « E » : Etat, Ecole, Eglise. Toute plaisanterie mise à part, saura-t-on jamais avec exactitude le nombre de personnes décédées ou disparues vraiment à Port-au-Prince, à Delmas, à Croix-des-Bouquets, à Ganthier, à Carrefour, à Léogâne, à Jacmel, à Grand-Goâve, à Petit-Goâve et à Miragoâne, suite au séisme du 12 janvier 2010?
Un inventaire exhaustif est nécessaire pour déterminer avec précision le nombre de magistrats, de médecins, d'ingénieurs, d'agronomes, de géographes, d'économistes, d'éducateurs, bref, de professionnels décédés ou disparus sous les décombres des bureaux où ils travaillaient ou bien chez eux.
A ceux-là s'ajoutent, bien entendu, les maçons, cordonniers, charpentiers, ébénistes, électriciens et autres travailleurs manuels, plus les milliers de professeurs, les centaines de milliers d'élèves, d'étudiants, d'universitaires et des centaines de milliers d'anonymes décédés ou disparus.
A quelques jours de la date anniversaire de cet événement malheureux et tragique, un exercice de mémoire s'avère indispensable. Jusqu'à présent, le gouvernement n'a pas encore érigé une stèle à la mémoire de tous ceux et toutes celles, toutes classes sociales confondues, qui ont perdu la vie ou disparu.
La capitale et les villes affectées par le séisme ressemblent à des champs de ruines. Des gravats jonchent de nombreuses rues de la capitale, obstruant, du même coup, la circulation des piétons et des véhicules. Ces gravats font peser également une grave menace sur la santé des populations de ces régions.
Fin septembre, un vent violent, semblable à une tornade, traversa le sud-est, l'ouest et le sud du pays, causant d'importants dommages.
Enfin, le pays a été épargné par le passage de l'ouragan Tomas qui était supposé, selon les prévisions météorologiques, le traverser du sud au nord. Toutefois, les pluies diluviennes qui l'accompagnaient ont provoqué des inondations dans plusieurs départements géographiques du pays, causant ainsi des pertes en vies humaines ainsi que la destruction de nombreuses cultures. Par ailleurs, ces inondations n'ont pas manqué d'accélérer la propagation de l'épidémie de choléra dans les régions affectées par cette tempête tropicale.
2. Catastrophe humanitaire
Le pays était coupé du reste du monde. En un clin d'oeil, tout venait à manquer et tout faisait besoin : l'eau potable, la nourriture, les médicaments, les soins médicaux, le personnel médical, les abris provisoires, les secours d'une manière générale. La capacité d'accueil des hôpitaux était dépassée. A cela s'ajoutait une crise de gouvernance évidente.
Des centaines de milliers de personnes ne savaient plus où donner de la tête. Des millions d'autres envahissaient et occupaient les espaces publics, les terrains privés vacants de la capitale et des villes avoisinantes.
Les segments les plus vulnérables de la population haïtienne, en l'occurrence les enfants, les femmes, les vieillards, les handicapés, étaient livrés à eux-mêmes et vivaient dans l'indigence et la précarité. Les premières nuits étaient passées à la belle étoile.
L'aide humanitaire affluait de toutes parts. La République Dominicaine voisine a été la première à accourir au secours d'Haïti, suivie par les Etats-Unis, la France, le Canada, le Brésil, le Chili, l'Argentine, le Venezuela, la Turquie, Israël, la Belgique, l'Espagne, la Russie, etc.
Pour des raisons géostratégiques, les marines américains, débarqués en nombre, ont occupé l'aéroport international et le port de Port-au-Prince. Les installations de ces deux organismes publics, entre autres, ont été gravement touchées par le tremblement de terre. Ce sont les marines qui ont également assuré la police du trafic aérien, la tour de contrôle ayant été elle aussi sérieusement endommagée. Ce qui n'a pas manqué de créer des frustrations au sein des «pays amis d'Haïti».
Des médecins américains, accourus au chevet d'Haïti, ont procédé à de nombreuses amputations de membres d'individus frappés par le tremblement de terre. Ce qui augmente le nombre des handicapés physiques dans le pays.
Des organisations non gouvernementales caritatives (ONG), de toute provenance ,ont envahi le pays. Cependant, la quantité d'aide fournie par ces organisations n'a pas amélioré de manière significative les conditions de vie des personnes vivant dans des camps, sous des tentes en plastique ou dans des abris provisoires de fortune.
On dirait que le gouvernement haïtien, frustré de ne pouvoir gérer directement les flux d'aide, a délibérément piégé ces organisations qui se sont servi de la détresse du peuple haïtien pour collecter des millions de dollars, mais qui refusent de les faire transiter, sous prétexte de corruption, par l'Etat haïtien.
Sans vouloir défendre le diable, nous ferons remarquer que la corruption sévit aussi au sein de ces organisations qui ne dépensent que 20% en moyenne de l'assistance pour les besoins de la population. Les 80% restant sont dépensés sous forme de frais administratifs, d'acquisition ou de location de véhicules, de frais de voyages, de frais d'études, d'experts et autre assistance technique, susceptible d'atténuer le chômage ambiant dans les pays contributeurs ou donateurs. Enfin, il y a les coûts des audits réalisés par des vérificateurs financiers indépendants pour mieux masquer le gaspillage de ressources.
A propos de gaspillage, souvent des ONG concurrentes, originaires de pays différents, financent ou supportent la même activité, côte à côte, dans la même ville. Ensuite, le «cash for work» constitue un pis-aller. Il entretient le chômage déguisé tout en apportant une bouffée d'oxygène monétaire à des milliers de jeunes des deux sexes taraudés par le chômage, l'oisiveté et la misère.
Des centaines de milliers de compatriotes continuent de vivre sous des tentes ou dans des abris provisoires de fortune, alors que des millions de dollars sont dépensés pour financer la campagne électorale des candidats du parti au pouvoir.
3. Catastrophe politique
Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a consacré la faillite de l'Etat haïtien et des élites haïtiennes. La Présidence paraissait absente, le gouvernement inexistant et la société civile déboussolée. Ils étaient tous dépassés par l'ampleur et la gravité des effets du tremblement de terre.
La population haïtienne a dû attendre 72 heures avant d'entendre la première déclaration du Président de la République. Pour dire quoi exactement ? Rien qui transpirait la vision d'un homme d'Etat responsable.
Le Président de la République a raté la chance de passer à l'histoire comme un grand chef d'Etat. Incapable de dépassement de soi, il a raté l'occasion de réunir autour de lui tous les chefs des partis politiques représentés au Parlement, les représentants de toutes les forces vives du pays, en vue d'évaluer ensemble les dégâts causés par le séisme et élaborer le plan de reconstruction nationale.
Ce document aurait servi de base au dialogue et aux discussions engagées avec les nombreux chefs d'Etat et de gouvernement qui ont débarqué sur le tarmac de l'aéroport international fissuré après le 12 janvier 2010. Comme d'habitude, il s'est comporté en pacotilleur et en chef de bande.
Avec l'aide des institutions financières internationales et après maintes voltiges à l'étranger, le gouvernement a pu concocter un plan de reconstruction du pays. Ce dernier a été présenté à la Conférence des Bailleurs de fonds internationaux, tenue à New York sous les auspices des Nations unies le 31 mars 2010. Des promesses de financement d'un montant de 10 milliards de dollars américains ont été effectuées par les bailleurs. Comme toujours, ces derniers sont prompts à promettre et lents à décaisser.
Parmi les conditions fixées pour le décaissement de ces fonds, citons, entre autres, la mise en place d'une Commission intérimaire de Reconstruction d'Haïti (CIRH), coprésidée par l'ex-président des Etats-Unis William Jefferson (Bill) Clinton et le Premier ministre haïtien, Joseph Jean Max Bellerive et composée de représentants des pays donateurs et des agences de financement.
Deuxième condition: la CIRH doit être établie par la loi. Troisième condition : la durée de la période d'urgence doit être de 18 mois. Quatrième condition les fonds doivent être gérés par la Banque mondiale.
Des protestations ont fusé de toutes parts contre le vote du projet de loi portant création et fonctionnement de la CIRH. La composition mixte de cette commission a soulevé l'hydre des leaders politiques de l'opposition, de certains parlementaires et de membres d'organisations de la société civile. Malgré tout, la loi a été votée par les deux branches du Parlement avant le départ de la Chambre des députés.
Coup de théâtre ! Le sénateur Rudy Heriveaux et Judnel Jean se sont désolidarisés de leurs collègues Latortue, Beauplan, Supplice-Beauzile et Riché pour aller donner quorum à la séance du Sénat de la République, réuni depuis le séisme au siège de l'Ecole de Formation de la Police nationale d'Haïti à Frères.
Donc, trois décisions du Parlement ont empoisonné la vie politique du pays et paralysé le fonctionnement du Sénat de la République. Il s'agit du vote de : premièrement, la loi prorogeant la durée de l'état d'urgence ; deuxièmement, de l'amendement de la loi électorale prorogeant la fin du mandat présidentiel à mai 2011 et, troisièmement de celle instituant la CIRH.
A cela s'ajoutent les innombrables protestations, prises de position et manifestations de rues réclamant le départ soit des membres du Conseil Electoral Provisoire (CEP), soit du Président Préval, de son gouvernement, la constitution d'un autre CEP en vue de l'organisation des élections législatives et présidentielles prévues pour la fin de l'année 2010, et la formation d'un gouvernement provisoire de salut public en vue de l'organisation d'élections générales dans le pays.
Au cours de l'année 2010, le Président Préval a parachevé l'oeuvre de démantèlement des partis politiques de l'opposition. Après les députés du groupe Concertation des parlementaires progressistes (CPP), il a coopté des membres influents des principaux partis. Par exemple, Paul Denis, Sorel Jacinthhe, Carlos Lebon, Nahoum Marcelus, Jocelerme Privert sont devenus des dirigeants et membres influents du parti au pouvoir, dénommé Unité.
Pourtant, la polarisation au sein du Parti Unité s'est traduite par une confusion savamment entretenue par le Président Préval au moment de la désignation du candidat de ce parti à la Présidence aux élections du 28 novembre 2010. L'état-major du parti semble avoir préféré Jude Célestin, l'ancien patron du Centre National d'Equipements (CNE) à l'ancien Premier ministre Jacques Edouard Alexis.
Tout compte fait, il n'y a pas que le pouvoir politique à être essoufflé. La classe politique, issue du mouvement de 1986 l'est aussi. Elle a perdu toute capacité de convocation sociale. Elle n'a pas su véhiculer un discours qui reflète les aspirations de la génération de ces jeunes, nés en 1986, et âgés aujourd'hui de 24 ans. Livrée à elle-même, cette génération, où qu'elle vive actuellement, demeure la proie de tous les marchands d'illusions polluant le paysage politique haïtien.
N'a-t-on pas vu ou entendu un groupe de sénateurs de la République écrire à des parlementaires étrangers (au Blanc) pour dénoncer la corruption qui règne au sein du pouvoir et réclamer du même coup la suspension de l'aide étrangère à Haïti ?
Après, l'on se sentira offusqué quand l'ONG allemande Transparency International range Haïti parmi les pays pourris dans son rapport annuel sur la corruption. D'où le proverbe créole : « Si an anndan pa van'n, deyo pa ka achté ».
Le pays regorge de politiciens, mais compte très peu d'hommes et de femmes d'Etat.
4. Catastrophe électorale
L'année 2010 est une année électorale. Elle a débuté sur fond de contestation. Les partis politiques de l'opposition et des organisations de la société civile protestent et réclament le renvoi du Conseil Electoral Provisoire (CEP). Ils n'ont pas digéré la façon dont le CEP a organisé le tirage au sort en vue de l'attribution des numéros aux candidats.
Des élections législatives et sénatoriales sont programmées pour le 28 février 2010. Il faut renouveler toute la Chambre des députés ainsi que le tiers du Sénat. Le mandat des députés qui devait se terminer le deuxième lundi de janvier 2010 a été prorogé jusqu'en mai. Il en est de même de celui d'un tiers du Sénat. Il importe également d'organiser des élections présidentielles pour remplacer le Président de la République dont le mandat constitutionnel prend fin le 7 février 2011.
Depuis plus de vingt ans, l'Etat haïtien s'est montré incapable d'organiser dans le pays des élections libres, honnêtes et démocratiques. Les gouvernants prennent le malin plaisir de jouer avec les destinées de tout un pays et de tout un peuple, en organisant des élections frauduleuses les unes plus grotesques que les autres.
Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 est venu compliquer la donne. Les élections ne peuvent plus se tenir le 28 février comme prévu. Le siège du Parlement ainsi que les immeubles logeant le Sénat et son personnel se sont effondrés. Il ne fait point de doute que ces élections seront reportées à une date ultérieure. L'enjeu de ces élections est double : contrôler le vote de l'amendement de la Constitution et prendre le crédit de la reconstruction post-séisme.
Le Président de la République sollicite de l'ONU et de l'OEA l'envoi d'une mission d'évaluation de la faisabilité technique des élections en 2010. Les deux organisations répondent favorablement à sa requête et dépêchent chacune une mission d'experts dans le pays. Les deux concluent dans leur rapport que les élections sont techniquement réalisables, en dépit de la présence de plus d'un million de personnes sous des tentes.
Chose dite, chose faite ! Faisant flèche de tout bois, le CEP présente un budget et un calendrier en vue de l'organisation des élections législatives, sénatoriales et présidentielles le 28 novembre 2010.
Des partis, regroupements de partis politiques majeurs et des organisations de la société civile continuent de réclamer le renvoi du CEP actuel et la formation d'un nouveau CEP plus crédible pour organiser des élections libres et transparentes dans le pays. Dans le cas contraire, ils menacent de s'abstenir de participer à toutes élections organisées sous l'égide de ce CEP.
Le camp du refus est alors constitué de partis ou regroupements de partis comme l'Alternative, l'UCADE, Rassembler, le PLAPH, Fanmi Lavalas, etc. Ces partis et regroupements sont formés de personnalités politiques comptant parmi les plus anciennes sur la scène politique haïtienne.
Le coût de l'organisation des élections, communiqué par le CEP, est estimé à 29 millions de dollars américains. Le financement, ordinairement, est assuré par la communauté internationale, notamment le Canada, les Etats-Unis, la France, l'Allemagne, le Japon, le Mexique et l'Union européenne. L'Etat haïtien complète le montant en garantissant les salaires des fonctionnaires ainsi que les dépenses de fonctionnement du CEP. Tous les contributeurs, y compris l'Etat haïtien, versent leur contribution au Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) qui en assure la gestion.
Dès lors, la communauté internationale s'implique jusqu'au cou dans le processus d'organisation des élections. Elle participe non seulement à leur financement, mais y octroie également une assistance technique considérable. C'est le représentant du secrétaire général des Nations unies, le diplomate guatémaltèque Edmond Mulet, qui communique le calendrier électoral et effectue un plaidoyer en faveur des élections.
L'Organisation des Etats américains (OEA) apporte une assistance technique à l'organisme national (ONI) chargé de l'identification des votants éventuels ainsi que de l'émission des cartes de vote. La Mission des Nations unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) fournit un appui logistique et sécuritaire au CEP. Le Centre de Tabulation des procès-verbaux fait l'objet d'une attention particulière de la part du Canada qui, à travers Elections-Canada, fournit une assistance technique.
Cette année, une mission conjointe d'observation OEA-CARICOM est déployée dans le pays en vue de superviser toutes les étapes du processus, allant de l'inscription des candidats à la proclamation des résultats définitifs en passant par le vote et son dépouillement.
De même, l'Union européenne et l'Organisation internationale de la Francophonie promettent de déployer des observateurs le jour du vote. A cela s'ajoutent les visites de bénédiction du processus effectué par l'ancien Premier ministre socialiste français Lionel Jospin et l'actuel ministre des Affaires étrangères français Bernard Kouchner.
Le CEP déclare ouverte la période d'inscriptions et invite les partis politiques désireux de participer à ces joutes à se déclarer. Plus d'une soixantaine de partis se sont manifestés. Quelques jours plus tard, les candidats potentiels à la Présidence de la République ont été invités à faire acte de candidature.
45 personnalités ont produit leur déclaration de candidature. Parmi elles figurent la star internationale Wyclef Jean et le chanteur populaire Michel Martelly, dit Sweet Micky. Une période de contestation de candidature est ouverte, conformément à la loi électorale en vigueur. Le candidat Wyclef Jean n'a pas été retenu pour n'avoir pas résidé durant cinq années consécutives dans le pays.
Une semaine plus tard, le CEP a publié la liste des 19 candidats agréés.
Ces candidats peuvent être classés en trois catégories :
• ceux qui paraissent donner de la crédibilité au processus : Myrlande H. Manigat, Charles Henry Baker, Chavannes Jeune ;
• ceux qui courtisent l'électorat lavalas : Jean Hector Anacacis, Gérard Necker Blot, Eric Smarcki Charles, Jean Henry Ceant, Yves Christallin, Leon Jeune, Genard Joseph, Yvon Neptune, Lesly Voltaire, Jacques Edouard Alexis et Jude Célestin ;
• Ceux qui jouent les trouble-fêtes : Josette Bijou, Wilson Jeudy, Garaudy Laguerre, Axan D. Abellard et Michel Martelly.
Par contre, certaines ambassades des pays amis d'Haïti utilisent une classification plus simple en trois catégories :
• poids lourd : Célestin, Manigat, Céant, Baker, Alexis ;
• poids moyens : Chavannes Jeune, Yvon Neptune, Leslie Voltaire, Michel Martelly ;
• poids légers : Wilson Jeudy. Josette Bijou, Eric Smarcki Charles, Garaudy Laguerre, Génard Joseph, Gérard Blot, Léon Jeune, Yves Cristallin, Axan Abellard et Jean Hector Anacasis
A quelques exceptions près, ces classifications sont confirmées par les sondages d'opinion effectués, tout au cours de la campagne électorale, par le Bureau de Recherches en Informatique et en Développement Economique et Social (BRIDES) pour le compte du Forum Economique du Secteur Privé. Les résultats de ces sondages d'opinion sont diversement appréciés par les candidats aux fonctions électives, suivant qu'ils leur sont favorables ou non.
Le CEP lance la campagne électorale en deux temps. Dans un premier temps, la campagne est muette, c'est-à-dire faite à base d'affichages. Dans un second temps, les candidats sont autorisés à diffuser des messages publicitaires et à organiser des rassemblements publics.
Cette campagne électorale a étalé au grand jour l'abondance, l'envergure et l'extravagance des ressources financières dont disposent certains candidats. Saura-t-on jamais leur origine précise ? L'on soupçonne qu'elles proviennent des deniers publics, des largesses de l'oligarchie et du narcotrafic.
La campagne électorale est mièvre. Elle n'est constituée que de slogans creux et de bruits sonores. Aucun programme consistant n'est étalé au grand jour. Dans les débats radio-télédiffusés, tous les candidats parlent de reconstruction et de décentralisation sans jamais en révéler ni le contenu ni la façon de les financer. Au fur et à mesure que la date des élections approche, la tension monte. Des partisans de candidats se sont affrontés dans plusieurs communes du pays.
Le jour du vote, le 28 novembre, est émaillé d'incidents, d'irrégularités et de fraudes divers. De nombreux électeurs ont éprouvé beaucoup de difficultés pour identifier leur bureau de vote un peu partout à travers le pays. Dans certains centres de vote, on a constaté des bourrages d'urnes ainsi que des falsifications de procès-verbaux en faveur des candidats du parti au pouvoir à tous les postes.
Deux heures avant la fermeture des bureaux de vote, un groupe de 12 candidats à la présidence se sont réunis dans un grand hôtel de la banlieue orientale de la capitale pour exiger à l'unisson l'annulation du scrutin du 28 novembre 2010.
Tout de suite après, des milliers de manifestants ont gagné les rues, dans une espèce de carnaval improvisé, aux cris de Viv Micky, nom d'artiste du candidat à la présidence Joseph Michel Martelly.
A peine formé, le groupe des 12 s'est désagrégé. En effet, Mme Mirlande H. Manigat et Joseph Michel Martelly se sont désolidarisés en renouvelant leur confiance au CEP, seul organisme chargé de proclamer les résultats des élections.
Tout le monde s'interroge sur le mobile qui a porté ces deux candidats à changer leur fusil d'épaule aussi rapidement. L'opinion publique et les observateurs politiques se sont posés les questions suivantes :
D'une part, est-ce la question piège, posée par le directeur-général du CEP, monsieur Pierre-Louis Opont, relative au comportement éventuel des contestataires si les résultats préliminaires leur étaient favorables, qui a porté Mirlande et Micky à se démarquer de leurs camarades du groupe des 12 ?
Les résultats préliminaires du premier tour des élections du 28 novembre 2010 ont été proclamés, comme prévu, dans la soirée du 7 décembre 2010. Mme Manigat a recueilli près de 32% des suffrages exprimés, suivie de Jude Célestin avec un peu plus de 22% et de Michel Martelly avec un peu plus de 21%.
Ces résultats préliminaires ont été contestés par l'ambassade américaine dans un communiqué émis quelques minutes après leur proclamation. Ils ont provoqué la colère des partisans de Michel Martelly qui n'ont pas hésité à gagner les rues, érigeant des barricades de pneus enflammés un peu partout à travers le pays. Ils réclament, comme l'ambassade et le Forum Economique du Secteur Privé, le respect du vote populaire, mais en faveur de leur candidat préféré.
Une situation de vive tension règne dans le pays depuis la proclamation de ces résultats. Aux Cayes, des manifestants pro Martelly s'en sont pris violemment aux bureaux publics et à certains établissements commerciaux. A la capitale, de violentes manifestations ont provoqué la fermeture de l'aéroport international et l'annulation de tous les vols en provenance de l'étranger.
En tout état de cause, les dénonciations de fraudes massives, les manifestations violentes traduisent l'échec des élections du 28 novembre 2010. Cet échec est imputable non seulement au CEP, mais aussi bien au gouvernement haïtien qu'à la communauté internationale dans sa composition multiple et multiforme.
5. Catastrophe Institutionnelle
Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a assené un coup terrible au fonctionnement déjà précaire des institutions haïtiennes tant publiques que privées. Cette section n'est pas consacrée à la description des dommages physiques subis par les immeubles logeant des institutions. Mais elle présente leur incapacité à dispenser véritablement au public les services découlant de leur mission.
Tout le monde sait déjà que les bâtiments et édifices publics logeant, notamment, le Palais national, le Palais de Justice, le Parlement, le Palais des ministères, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Intérieur, le ministère des Travaux Publics, Le ministère de la Sante Publique, de la Justice, des Affaires sociales, du Commerce et de l'Industrie, la Direction Générale des Impôts, l'Office national d'Assurance Vieillesse, les Archives nationales, l'Administration générale des Douanes, l'Office des Postes d'Haïti, l'Administration portuaire nationale, l'Hôpital général, etc. ont été détruits.
Il en est de même des immeubles logeant des hôpitaux privés, la Cimenterie nationale, les Moulins d'Haïti, les sièges et les succursales des banques commerciales fonctionnant dans le pays. Dans cette catastrophe, de nombreux cadres et employés y ont perdu leur vie.
Le service public de la justice, déjà bancal avant le 12 janvier 2010, est aujourd'hui inexistant. Le tribunal de première instance de Port-au-Prince, le Parquet, la Cour d'appel et la Cour de Cassation ont du mal à fonctionner. L'accès à la justice, déjà précaire, est devenu de plus en plus difficile.
Des justiciables attendent des décisions de justice pour continuer de régler leurs affaires. Par contre, les responsables s'adonnent à des acrobaties quand il s'agit de libérer soit un commissaire de police mis en taule par le Commissaire du gouvernement Harrycidas Auguste, soit un groupe de femmes accusées de poser des actes de sodomie en plein jour dans les camps de déplacés, établis dans l'aire du Champ de Mars..
De plus, la Cour de Cassation fonctionne sans président depuis cinq ans. Des juges décédés n'ont pas été remplacés. Que dire de la mise en place du Conseil supérieur du Pouvoir Judiciaire dont la loi a été votée depuis trois ans ? Sans une justice indépendante, impartiale et efficace, il n'y aura point de développement économique.
Le système carcéral est défaillant. Les prisonniers sont détenus dans des conditions infrahumaines. Ils souffrent de maladies liées à leurs conditions de détention et surtout au manque d'hygiène. Des évasions sont organisées régulièrement qui permettent aux plus fortunés de s'enfuir.
Le tremblement de terre du 12 janvier a entraîné la baisse automatique de la population carcérale dans le pays. Dans ce cas, de nombreux trafiquants de drogue et d'autres criminels notoires ont profité de l'occasion pour soudoyer des gardiens de prison en vue de leur donner barrière libre aussi bien au Pénitencier national que dans les centres de détention établis dans les villes de province.
Aux Cayes, par exemple, une prétendue tentative de mutinerie s'est soldée par la mort de plusieurs détenus. Des rapports soupçonnent la police de les avoir froidement exécutés. De nombreux policiers sont placés aux arrêts et attendent eux aussi une décision de justice.
Paradoxalement, la police déclare avoir appréhendé un grand nombre de fugitifs. Mais pas un trafiquant de drogue n'a été retrouvé et remis en prison. Souvent, des complices de tout acabit profitent de situations de troubles, comme c'est le cas après la proclamation des résultats des élections, pour s'attaquer aux prisons en vue de faciliter l'évasion de barons du crime organisé.
Les actes d'enlèvement ont augmenté. Ils affectent particulièrement les résidents de Boutilliers, de Thomassin et de Kenscoff. Des femmes et des enfants sont la proie de bandits qui opèrent parfois en plein jour.
Malgré la présence de la MINUSTAH, la Police nationale d'Haïti n'est pas encore en mesure de garantir efficacement la sécurité des vies et des biens dans le pays. Des problèmes d'effectifs et d'équipements en sont probablement la cause.
Bien que disposant actuellement d'un effectif d'environ 10.000 policiers, la PNH ne couvre pas encore tout le territoire. De nombreuses sections communales attendent la formation et le déploiement d'un régiment de police rurale. Cette dernière n'a pas besoin d'être dotée de titulaires ou détenteurs de baccalauréat de fin d'études secondaires voire d'universitaires. Il suffit d'avoir complété la 9e année fondamentale pour y être admis.
La performance de la PNH, au cours du déroulement du processus électoral, est moyenne. Si elle a tant bien que mal tenté de sécuriser les meetings électoraux et autres rassemblements publics, la police s'est montrée impuissante face aux actes de violence qui ont paralysé la vie nationale durant les deux jours qui ont suivi la proclamation des résultats préliminaires. Aujourd'hui, la ville des Cayes s'est vue dépouiller de toutes ses institutions publiques, sous l'oeil impuissant de la police.
Le système de santé est devenu plus défaillant, suite au séisme du 12 janvier. Les hôpitaux tant publics que privés sont dépassés par l'ampleur du phénomène et la vague de victimes qui ont déferlé sur leurs services déjà précaires. C'est ainsi qu'un centre hospitalier privé, récemment ouvert à Port-au-Prince, a vu ses stocks de fournitures et de médicaments s'épuiser en l'espace d'une semaine. Aujourd'hui, la CDTI est en faillite et ne peut plus continuer à offrir les services de qualité dispensés naguère au public.
Quant à l'hygiène publique, elle est de plus en plus menacée par la quantité de gravats et de détritus abandonnés sur la chaussée des principaux quartiers de la capitale et de certaines villes de province. Les instances préposées à leur collecte, semblent dépassées. Pareille situation est susceptible de favoriser la propagation et l'extension de toutes sortes d'épidémies dans le pays.
De nos jours, 50% de population haïtienne n'ont pas accès à l'eau potable. Trois organismes publics sont chargés de la fourniture des services d'approvisionnement en eau potable et en assainissement dans le pays. Il s'agit de la Centrale autonome d'Eau potable (CAMEP) pour la zone métropolitaine de Port-au-Prince, le Service national d'Eau potable (SNEP) pour les villes de province et le Poste communautaire d'hygiène et d'eau potable (POCHEP) pour les zones rurales.
En vue d'assurer une meilleure gestion des ressources allouées au secteur eau potable et assainissement et surtout de favoriser la synergie entre les différents pourvoyeurs de service, la Direction nationale d'Eau potable et d'Assainissement a été créée par la loi en vue de fusionner la CAMEP, le SNEP et le POCHEP.
N'a-t-on pas vu la DINEPA et d'autres ONG internationales subventionner des services privés de distribution d'eau potable en vue d'approvisionner les camps de déplacés établis dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince ?
Le tremblement de terre du 12 janvier a fortement affecté le secteur de l'éducation dans le pays. Nombreuses ont été les écoles congréganistes, publiques et privées détruites dans les villes touchées par le séisme. Quoique d'immenses efforts aient été déployés en vue d'éviter la perte de l'année scolaire, nombreuses sont les écoles qui n'ont pas trouvé les moyens de construire des établissements provisoires.
Avec l'aide de l'Etat et de la communauté internationale, certains espaces ont été vite déblayés et des hangars construits à l'emplacement des écoles pour distribuer le pain de l'instruction. Les examens officiels de fin d'études primaires et secondaires ont été organisés de façon différenciée dans le pays.
6. Catastrophe Economique
Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a sonné le glas des principales infrastructures économiques du pays. L'aéroport international, le port de Port-au-Prince, des magasins, des banques commerciales, des compagnies d'assurances, des supermarchés ont été soit endommagés soit détruits.
Les pertes économiques et financières sont évaluées à plus de 10 milliards de dollars américains. La zone métropolitaine de Port-au-Prince qui abrite le centre économique et administratif du pays, a été très affectée. Cette zone est le foyer de 40% de la population totale, de 85% de l'activité économique et financière et de 85% des recettes fiscales du pays.
Ce n'est pas tant le séisme qui a causé ces dégâts considérables. Mais ce sont la densité de la population, l'utilisation désordonnée des sols, l'absence de normes de construction et la dégradation de l'environnement qui en sont responsables. Le pays est victime d'une trop forte concentration de ressources et de services dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince.
Aujourd'hui, des hommes et femmes d'affaires sont décapitalisés. Ils ont besoin de capitaux frais et de fonds de garantie pour redémarrer. Mais l'accès au crédit leur est difficile, malgré la déprime des taux d'intérêt sur le marché bancaire. Les banques réclament des garanties qui ne sont plus disponibles.
Cependant, le système bancaire a une fois de plus démontré sa résilience. Malgré des pertes en ressources humaines, matérielles et financières, les banques commerciales ont été parmi les premières institutions à reprendre le service à la clientèle, deux semaines après le tremblement de terre. Elles se trouvent maintenant dans une situation de surliquidité. Paradoxalement, les demandeurs de crédit sont plutôt rares.
Malgré tout, l'Etat a pu préserver certains des grands équilibres macroéconomiques. Le taux d'inflation est à la baisse. Le taux de change de la gourde par rapport au dollar américain est plutôt stable. Les réserves nettes de change détenues par la Banque centrale ont atteint des niveaux appréciables.
Par contre, nous produisons peu et importons presque tout ce nous consommons. Le déficit de la balance commerciale a augmenté. Il en est de même du taux de chômage, atténué par l'exécution de travaux à haute intensité de main d'oeuvre sous la forme de Cash ou de Food for work.
Il importe de reconstruire les capacités productives de ce pays tant sur le plan humain que sur celui des infrastructures physiques. Le gouvernement parle de refondation de l'Etat. Nous sommes habitués à ces formules creuses. Comment un gouvernement qui a contribué à déstructurer l'Etat peut-il se prévaloir de vouloir le reconstruire voire le refonder ?
Plus d'un s'attendait à ce que la Commission intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti (CIRH) apportât un baume à l'économie à travers le financement de grands travaux. Mais, le moteur de la CIRH semble grippé. Ses réunions se sont faites de plus en plus espacées.
Les différents bailleurs de fonds mettent à rude épreuve la crédibilité de l'ancien président américain Bill Clinton, coprésident de la CIRH avec le Premier ministre haïtien Joseph Jean-Max Bellerive.
7. Catastrophe Sociale
Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a causé d'immenses pertes en vies humaines. Des familles aisées ont perdu tout leur avoir. La classe moyenne bascule dans la pauvreté et les pauvres deviennent de plus en plus pauvres.
Avant le tremblement de terre du 12 janvier, des millions d'Haïtiens vivaient déjà au-dessous du seuil de paupérisation, c'est-à-dire avec moins d'un dollar américain par jour.
Aujourd'hui, c'est pire. Des millions de personnes vivent à la merci de l'aide alimentaire. Des femmes et des filles sont violées chaque jour sous les tentes de fortune. De nombreuses mineures sont enceintes et vont donner la vie à des enfants faméliques.
De nombreuses personnes reprennent le chemin de la mer à la recherche d'un Eldorado. Elles sont capturées, jetées en prison puis refoulées par les gardes-côtes américains. La République Dominicaine voisine les rapatrie par milliers chaque mois.
Aujourd'hui, la population de sans-logis a augmenté. Des riches deviennent pauvres et les pauvres deviennent encore plus pauvres. Cette situation est exacerbée par la propagation de l'épidémie de choléra qui décime des familles entières dans de nombreuses régions du pays.
8. Catastrophe Sanitaire
Des endémies majeures comme le SIDA, la malaria, la filariose ont augmenté en prévalence, suite au tremblement de terre du 12 janvier 2010. Comme si ce lot ne suffisait pas, le choléra a fait une soudaine apparition dans le pays au dernier trimestre de l'année 2010.
Des membres de la population accusent les soldats du contingent népalais de la Mission de Nations unies pour la Stabilisation en Haïti d'avoir contaminé les eaux du fleuve Artibonite en y déversant des matières fécales. Ce que semble confirmer le rapport d'un épidémiologiste français dépêché en Haïti. Mais l'ONU et la MINUSTAH s'en défendent.
En effet, l'épidémie s'est déclarée à la mi-octobre à Mirebalais dans le bas Plateau Central et à Saint-Marc, dans l'Artibonite. Depuis, elle s'est répandue comme une traînée de poudre dans tous les départements géographiques du pays.
Les statistiques officielles, publiées par le ministère de la Santé publique (MSPP), font état de 50 0000 personnes contaminées par le vibrio cholerae et de plus de 2 000 personnes tuées par le choléra.
Cependant, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime le nombre au double. L'OMS prévoit que vu les conditions de promiscuité sévissant dans les bidonvilles et dans les camps de déplacés établis un peu partout dans la capitale et dans certaines villes de province, plus de 600.000 personnes seront contaminées dans les prochains mois.
Récemment, dans le département de la Grand-Anse, où l'épidémie s'est déclarée à la fin du mois de novembre, les habitants de certaines communes s'en prennent aux vodouisants, qu'ils accusent de propager la maladie. Des dizaines de personnes ont été lynchées par les populations en colère.
L'Organisation des Nations unies (ONU) a lancé un appel d'urgence en vue de collecter 174 millions de dollars américains pour doter toutes les communes du pays de centres de traitement du choléra, à l'instar de ceux établis par le ministère de la Santé et de nombreuses ONG. A date, l'ONU déclare n'avoir collecté que 35 millions de dollars américains.
Nous suggérons à l'ONU de prélever le montant nécessaire des fonds alloués au fonctionnement de la MINUSTAH. Pour être plus précis, nous suggérons que l'ONU retourne au Népal son contingent militaire et utilise les fonds prévus pour son entretien à la prise en charge des victimes du choléra en Haïti. Et ce sera justice !
9. Catastrophe Ecologique
Le tremblement de terre du 12 janvier a porté un coup fatal à l'environnements, déjà affecté par toutes sortes de pollutions comme le bruit, les déchets plastiques, les constructions anarchiques, la déforestation, l'émission de dioxyde de carbone et la disposition anarchique des immondices.
Cette situation est exacerbée par les mouvements et concentrations de population consécutifs au tremblement de terre du 12 janvier 2010. Les camps de déplacés ont généré beaucoup d'ordures, qui ont obstrué davantage les égouts.
Des récipients en plastique ont tapissé les différents canaux d'écoulement de la capitale. Les flancs escarpés des collines ceinturant la capitale sont maintenant occupés par des tentes de fortune.
A la veille des fêtes de fin d'année, les rues de la zone métropolitaine de Port-au-Prince et celles de nombreuses villes de province sont noircies de fumée et jonchées de fatras de toutes sortes, conséquence des manifestations violentes qui ont suivi la proclamation des résultats préliminaires des élections législatives et présidentielle.
10. Catastrophe Morale
Cette dernière est la plus grave de toutes. Elle affecte ce qu'il y a de plus précieux dans l'être humain : sa conscience. Les sentiments d'amour, de charité, de générosité et de compassion qui se sont manifestés au sein de la société haïtienne, au lendemain du séisme du 12 janvier 2010, ont vite fait place à l'égoïsme, à l'orgueil, à l'avidité, à la cupidité voire à la rapacité.
Les valeurs morales se sont effritées. Le pays est en panne d'autorité morale et souffre d'une crise de modèles. Le mensonge et la roublardise se sont érigés en loi. Les intérêts personnels et mesquins prennent le dessus sur l'intérêt général. L'avoir et le pouvoir priment sur l'Etre. La parole donnée n'est plus respectée.
L'Haïtien n'a pas retenu les grandes leçons que le tremblement de terre a bien voulu lui enseigner. Le séisme du 12 janvier 2010 nous commande de faire les choses autrement. Il faut au moins penser, diriger et construire autrement.
Toutefois, la catastrophe n'est pas une fatalité. Nous appelons le peuple haïtien à se ressaisir et à s'armer de courage et de détermination pour combattre l'arbitraire, le népotisme et la corruption.
Michel Soukar
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire