Par Claude Moise
claudemoise@lematinhaiti.com
Il faut gouverner certes, et on ne peut le faire qu’avec ce que l’on a, reconnaissais-je dans mon dernier éditorial. Un gouvernement évolue au milieu de contraintes intérieures et extérieures et doit les affronter au jour le jour. C’est tout autant le cas du gouvernement central que des pouvoirs locaux et des institutions indépendantes.
Cela ne veut nullement dire regarder et laisser faire ceux qui nous gouvernent. Gouverner, c’est choisir. Choisir ses orientations, sa voie, ses politiques et ses méthodes en dépit des contraintes tout en en tenant compte. Mais c’est aussi se soucier d’expliquer sinon de persuader, de rendre des comptes. Toute fonction gestionnaire implique une part d’imputabilité. C’est précisément le laisser-aller au jour le jour, les bavardages sans objet, les projets sans issue, la couardise des uns, l’arrogance des autres qui donnent la mesure de l’irresponsabilité vis-à-vis des attentes des citoyens.
Des exemples ne manquent pas. Du lieu où je suis, point n’est besoin de faire le tour du pays pour avoir une idée de l’ampleur de la mal-gouvernance, au niveau des ministères aussi bien que des municipalités. Les trous, par-ci, les casse-cou, casse-gueule par-là. Le chroniqueur itinérant de Radio Métropole, John Chéry, passe son temps, tous les jours, à informer de l’état des rues de la région métropolitaine. Aucune mesure de protection, aucune signalisation des dangers à l’attention des piétons et des automobilistes. Le citoyen Maurice Depestre, dont la voiture a chuté dans un trou de l’avenue Panaméricaine, à proximité du « Ti Saint Pierre », le 6 janvier dernier, a du mal à se relever des commotions subies à la colonne vertébrale. Quels sont les services responsables? La mairie? Le ministère des Travaux publics?
Ce ministère n’arrête pas de faire des siennes. Voilà plus d’un mois qu’il entreprend des travaux à la rue Goulard, cassant l’entrée du parking du local de notre journal, entreposant, quasiment à l’entrée de la Clinique maternité de Pétion-Ville , des matériaux qui ne laissent qu’un sentier de passage pour une voiture au coin de la rue Geffrard. Depuis cette date, le 17 décembre, rien. On a beau pester, le directeur général que nous avons contacté a beau promettre que les travaux vont être repris. Rien.
Ah!, cela me rappelle le cas du dalot, appelé le pont de Nérette, qui relie ce quartier à Pétion-Ville. Quelle honte! Après de nombreuses années de détérioration, le danger d’effondrement dans la ravine était devenu évident jusqu’au jour où, de guerre lasse, les responsables de l’ambassade de Chine Taïwan, dont le local se situe sur cette route, ont décidé de procéder, l’année dernière, à des réparations avec, bien en vue, un panneau d’affichage indiquant le réalisateur des travaux. Vite fait et bien fait. On se souvient du pont de Grand-Goâve effondré en 2004. Je ne sais pas après combien de tergiversations on a fini par confier à une compagnie taïwanaise la reconstruction de cet ouvrage qui facilite la circulation des véhicules entre les quatre départements du grand Sud et la capitale. Vite fait, bien fait.
On ne va pas nous raconter des histoires de contrainte de marché public ni nous endormir avec des théories fumeuses et des discours lénifiants. L’État a des responsabilités, il lui faut les prendre. C’est aux gestionnaires de trouver les moyens de fournir à la population les services dont elle a besoin, dans les meilleures conditions possibles de temps et de qualité. L’art de gouverner, c’est donc savoir prendre des risques par rapport aux contraintes. Comment expliquer aux citoyens du Cap-Haïtien que l’Hôpital Justinien est paralysé quelquefois faute de moyens à la portée des administrateurs obligés de toujours référer à Port-au-Prince pour que le ministère de la Santé débloque des fonds nécessaires au fonctionnement de l’institution? Comme quoi, on ne peut pas établir un système de contrôle a posteriori des dépenses courantes.
Le 15 décembre 2007, nous avons eu droit au grand déploiement de la municipalité de Pétion-Ville : mairesses, inspecteur de police et syndicats de chauffeurs au premier plan pour informer des nouvelles dispositions de réglementation du trafic routier dans la commune. Un reportage de l'un de nos journalistes (texte et photo) en page 3 se passe de commentaires. Nous aurions encore bien des histoires à raconter au sujet d’initiatives d’autres municipalités, comme celle des Gonaïves par exemple vers où déferlent des projets de réhabilitation. Bon, on verra.
La gouvernance locale est d’autant plus sensible qu’elle est de proximité. Et pourtant nos maires prennent le large et donnent à fond dans ce que l’on appelle maintenant la coopération décentralisée. Les jumelages qui se multiplient, le récent Congrès mondial des maires (appellation abusive) sur la côte des Arcadins, puis, en décembre dernier, le protocole d’accord ente les villes de Montréal et de Port-au-Prince (lire ci-contre), tout cela est bien exaltant, comme les feux d’artifice. Mais ces initiatives, quelque prometteuses et gratifiantes soient-elles, ne pourront jamais occulter l’exigence d’une gestion au jour le jour réussie. C’est par là que les citoyens se rendront d’abord compte du sens des responsabilités et du sérieux de ceux qui nous gouvernent.
mercredi 23 janvier 2008
//L'article ci-dessus provient du lien ci-après:
http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=10814
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//Ci-dessous le lien pour accéder à « De peine et de misère, gouverner (2) », Le Matin du lundi 21 janvier 2008:
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http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=10765
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//Ci-après le lien pour accéder à « De peine et de misère, gouverner (1) », Le Matin du vendredi 18 janvier 2008:
http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=10727
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