dimanche 14 septembre 2008

Comprendre Haïti : la descente ou la montée à l’envers?

Par Guillaume Innocent, ing., M.Sc.A.

Cette fois-ci s’en est fait : « Haïti ne peut pas descendre plus bas ». Combien de fois n’ai-je pas entendu cette phrase? L’incompréhension est totale devant cette descente aux enfers de la nation vouée pourtant à un avenir prometteur. On veut comprendre, on veut une explication.

Les historiens nous parlent de luttes des classes mais oublient souvent de nous parler de l’issue de la lutte. Qui est le gagnant? Pourquoi telle classe a-t-elle gagné? Le fait même de gagner est-elle une bonne chose? Quelle est la mentalité de la classe qui a gagné? Chez nous la première lutte menée et gagnée l’a été avec le slogan « liberté ou la mort ». C’était la lutte pour la liberté. Est-ce que, pour toutes les luttes menées par cette classe, « la classe d’en dehors » dirait l’autre, l’on peut dire que la mentalité est « Gagner ou mourir »? Une lutte jusqu'à l’usure complète?

Depuis lors la classe d’en dehors n’a jamais perdu aucune lutte face à la classe dirigeante et cela depuis la fin heureuse de la lutte pour l’indépendance où ces classes s’étaient alliées. Il ne faut pas confondre la lutte pour la liberté et la lutte pour l’indépendance (On y reviendra). Depuis lors, cette classe mène d’autres luttes et personne n’acceptera cette assertion : elle les a toutes gagnées ou bien elles ne sont pas encore terminées.
Des exemples :
La lutte pour la religion : les dirigeants n’ont pas encore compris pourquoi, malgré le Concordat, malgré les meilleures écoles, Haïti n’est pas catholique. Elle est vodouisante (1).
La lutte pour une langue : Qui parle et où parle-t-on le français en Haïti? Les institutions de l’État? L’École? La rue? Le créole est la langue de tout le monde.
La lutte pour la propriété des terres : l’esclave ne voulait qu’un lopin de terre. La réforme agraire du Président René G. Préval n’a accordé qu’un quart de carreau de terre à chaque personne. Existe-t-il vraiment une classe de grands propriétaires terriens? De plus tous les terrains sont envahis actuellement : publiques et privés qu’il s’agisse de réserves, de forêts, de ravins, de bords de mer, de bassins versants, etc.
La lutte pour la production exportable: l’esclave ne voulait qu’une agriculture de subsistance. Depuis l’indépendance, la production des denrées exportables n’a fait que diminuer et disparaître, qu’il s’agisse du sucre, du café ou du coton, au détriment de la culture vivrière. Haïti n’exporte presque plus rien.
La lutte pour les moyens de production : l’esclave voulait être libre ce qui signifie « ne pas travailler ». Peut-on parler vraiment de l’amour du travail en Haïti?
Y a-t-il d’autres luttes? La lutte pour le contrôle ou la prise du pouvoir politique, la lutte pour le contrôle du commerce, des affaires, etc.

Quelle est la vision d’Haïti par cette classe qui gagne? Le développement? Je n’ai aucune idée jusqu’où Haïti va descendre. Pourquoi parle-t-on de descente?
Les marrons ont développé une arme terrible, une mentalité qui ne peut que gagner. Après l’indépendance, cette arme est encore employée dans les luttes de classes. Que pouvaient-ils faire les pauvres dirigeants apprentis que l’on a baptisé « élites » dans ce nouveau pays où tout était à inventer face à cette arme invincible? Ils n’ont réussi aucun de leur objectif. La classe qui dirige, qui impose sa vision dans tous les pays est la bourgeoisie : les élites. N’est-ce pas qu’Haïti est un cas particulier? Un monde à l’envers. Alors il ne faut pas parler de descente peut être de montée à l’envers. Une simple question de référence?
Non, je n’ai aucune idée jusqu’où Haïti va monter à l’envers.
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(1) N.D.C.D.P. - Le Dr. Jean Fils-Aimé, dans son ouvrage, Et si les loas n’étaient pas des diables, 253 p., éditions Dabar, 2008, fournit des explications aux échecs répétés des églises et de l’État à éradiquer le vodou de la culture haïtienne.

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