vendredi 3 octobre 2008

HAÏTI / POSTCYCLONE / Gonaïves : toujours sous les effets d’Hanna

Par Jacques Desrosiers
Le Matin, mardi 30 septembre 2008
Gonaïves, samedi 27 septembre 2008, photo Jacques Desrosiers, Le Matin
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Samedi 27 septembre. Une vingtaine de jours après les inondations provoquées par le passage de la tempête tropicale Hanna, la ville des Gonaïves vit toujours sous les effets de cette catastrophe naturelle.
À l’entrée sud des Gonaïves, la Savane désolée s’est transformée en un véritable étang boueux. Un débouché a été ouvert pour faciliter la circulation des véhicules. Le rêve du pont le plus long de la Caraïbe, caressé par l’ancien Premier ministre Gérard Latortue, est mort. Noyé. Le chantier est également sous les eaux.
Gonaïves prendra encore du temps pour renaître et se reconstruire. L’évidence saute aux yeux. Dans la ville, certains quartiers sont toujours submergés ; d’autres disparaissent quasiment sous une masse de boue. Brédy Alexandre, journaliste, correspondant de Radio Solidarité, a vécu avec bravoure la tragédie. Il en reste cependant traumatisé et, regardant les images de sa ville projetées à la télévision, il n’a pu retenir ses larmes. À SaintMarc où, désolé, il a pris refuge, il se répète incessamment qu’ « il n’y a plus d’espoir pour Gonaïves ». Un jour après les inondations, il lui a fallu marcher des kilomètres avant de trouver un bus pour le déposer à Saint-Marc.
Après le passage du cyclone Jeanne en 2004 et au regard des ressources qui ont été mobilisées après le sinistre, Brédy Alexandre, comme bon nombre de ses concitoyens, ne s’attendait pas à la répétition d’une telle catastrophe. Les autorités gouvernementales d’alors et d’après sont mises sur la sellette, leur sens de la responsabilité d’État est mis en question.
De la boue jusqu’à un mètre de hauteur
Dans certains quartiers, tout se confond et se mélange. Les eaux stagnent à l’intérieur des maisons, la boue jonche les diverses artères de la vie, jusqu’à un mètre de hauteur en certains endroits. Une odeur fétide crève le nez et des ustensiles dont on devine qu’ils ont servi à des fins ménagères traînent par-ci par-là… Cependant, à pied ou en automobile, la circulation reprend ses droits. Par obligation ou par nécessité, enfants et adultes bravent, même à pieds nus, l’insalubrité infecte des rues.
Vingt jours après les inondations, des riverains se trouvent toujours juchés sur le toit de leurs maisons, alors que d’autres se sont installés dans une centaine de centres d’hébergement. Mais, chez soi ou au centre d’hébergement, le risque de maladies est grand et permanent. Des cas d’enflure des pieds sont déjà constatés chez certains enfants et quelques adultes.
À part les débouchés aménagés sur la route nationale numéro Un pour faciliter l’accès aux Gonaïves, les traces de la mobilisation annoncée quelques jours après les inondations ne crèvent pas les yeux. « Les efforts sont minimes », a lâché Jean Alfred, journaliste, correspondant de Radio Métropole. Des riverains, tant bien que mal, essaient de nettoyer leurs maisons remplies de boue et exposées à la moindre pluie.
Des banques commerciales, des bureaux de l’Administration publique et d’autres institutions commerciales gardent encore leurs portes fermées. Il n’y a pas vraiment moyen de faire des affaires dans ces conditions d’insalubrité.
Une impossible rentrée des classes
Dans certains quartiers, l’aide humanitaire est exposée au vol et au pillage. Dans d’autres, c’est la grande queue. Pour bénéficier de cette aide, il faut être détenteur d’une carte qui donne lieu à un véritable trafic dans certaines zones. Le coût varie de 250 à 500 gourdes.
Les autorités gouvernementales ont donné l’assurance que les classes seront rouvertes aux Gonaïves, comme dans les autres régions du pays, le lundi 6 octobre prochain. À moins d’une semaine de cette date, dans la cité de l’indépendance le pessimisme plane.
Pour Brédy Alexandre, la rentrée des classes aux Gonaïves est une nécessité. Elle doit permettre la reprise des activités. Mais elle n’est pas possible pour ce 6 octobre, estime le journaliste qui fait état de l’insalubrité de nombreux établissements scolaires, tant publics que privés, et de la foule des sans-abri qui s’y sont réfugiés.
Jean Alfred fait également le même constat. « L’ouverture des classes est impossible ce 6 octobre aux Gonaïves ». Le correspondant de Radio Métropole souligne le grand nombre d’écoliers qui ont laissé la ville après les inondations et de parents qui ont perdu leurs biens. De plus, il n’y a pas encore eu de grandes opérations de nettoyage des rues. « Comment des écoliers peuvent-ils prendre le chemin de l’école dans cette situation ? », s’interroge le journaliste.
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