vendredi 12 octobre 2007

Stabilisation et croissance économique : une équation difficile à résoudre

SOURCE: Le Matin du vendredi 12 octobre 2007

Par Kesner Pharel
kesnerpharel@lematinhaiti.com

Le grand argentier de la nation, Daniel Dorsainvil a annoncé cette semaine que le gouvernement compte maintenir le programme de stabilisation économique entamé depuis 2004 par le gouvernement intérimaire de Gérard Latortue. En effet, une sérieuse correction a été réalisée sous la direction du ministre de l’Économie et des finances de la précédente équipe gouvernementale, Henri Bazin, avec un contrôle rigoureux des dépenses publiques et une augmentation des recettes publiques. Ce qui avait permis d’éliminer la monétisation du déficit budgétaire dans l’économie nationale. Cette politique de stabilisation avait permis de réduire les fortes pressions inflationnistes enregistrées durant les premières années de la décennie en cours.
La nouvelle équipe économique qui a pris le relais en 2006, loin de changer de cap, a renforcé la rigueur fiscale avec une augmentation de la pression fiscale qui, selon les prévisions dans le budget 2007 – 2008, devrait atteindre le niveau de 12 %. Les recettes publiques pourraient atteindre au cours de cet exercice le niveau record de 29 milliards de gourdes. Il faut bien reconnaître que la politique de stabilisation adoptée depuis 2004 a eu un impact positif dans l’économie nationale, avec la chute substantielle du taux d’inflation qui est passé de 40 % en 2004 à moins de 10 % en 2007. Ceci a contribué à un certain renforcement du pouvoir d’achat des agents économiques locaux. La politique de stabilisation a été également à la base de la stabilité du dollar américain par rapport à la gourde sur le marché local des changes. Elle a même provoqué un chaud débat entre les partisans et les opposants à l’appréciation de la monnaie locale par rapport à la devise américaine. Sur le plan international, le pays a connu une certaine amélioration de son image, avec une évaluation positive faite par l’indépendante firme financière de cotation, Global Insight. Haïti est ainsi sortie de la zone rouge sur le plan financier, c'est à dire un pays à haut risque sur le plan financier. Il reste toutefois beaucoup à faire sur le plan des réformes économiques pour se retrouver au même niveau que les voisins dominicains qui jouissent d’une bonne réputation sur le plan financier, ce qui permet aux acteurs économiques dans la République voisine d’obtenir des fonds à des taux intéressants.

Si la politique de stabilisation constitue une condition nécessaire et même indispensable pour créer les bases d’une croissance soutenable, elle n’est pas suffisante. Le gouvernement devrait maintenant mettre en place un sérieux programme de relance économique de façon à créer un plus grand nombre d’emplois. Les autorités gouvernementales prévoient un taux de croissance de 4,5 % pour l’exercice fiscal, un taux qui reste encore inférieur au taux moyen nécessaire pour permettre au pays de compenser la contraction économique enregistrée durant les vingt dernières années. À rappeler que le grand argentier avait prévu pour 2007 un taux de 4 %, mais les experts de la Commission économique pour l’Amérique latine et la Caraïbe (CEPAL) ont modifié à la baisse une telle prévision, soit 3,5 %. Ceci indique que l’économie nationale n’arrive pas à créer jusqu’à présent les emplois suffisants pour réduire le nombre important de personnes en situation de pauvreté et d’extrême pauvreté dans le pays.

Après avoir affiché une bonne performance dans la gestion des finances publiques avec un meilleur contrôle des dépenses publiques et une augmentation des recettes de l’État, les autorités publiques haïtiennes doivent prouver maintenant leur capacité à bien allouer les fonds publics et de réaliser des dépenses additionnelles de façon plus efficace. Mrs. Bazin et Dorsainvil étaient bien obligés d’utiliser la pédale que représente le frein dans le train gouvernemental pour éviter une véritable catastrophe financière qui menaçait le pays, mais l’actuel patron des Finances publiques devra commencer finalement à utiliser l’accélérateur pour aller de l’avant.

Les leaders haïtiens devront faire preuve de créativité et d’esprit d’initiative, autant au niveau des programmes sociaux que des programmes économique et financier, pour permettre à la population haïtienne de connaître une certaine amélioration dans leurs conditions de vie. Les membres du secteur des affaires auront également à jouer leur partition pour contribuer à cette relance économique indispensable pour la stabilité politique au cours des prochaines années.
vendredi 12 octobre 2007
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