Par Marie Carmel Paul-Austin
Entre la honte et le silence (inspiré de l’éditorial de Lyonel Trouillot, Le silence et la honte, paru dans le quotidien Le Matin, 10 juin 2009), nous avons choisi de faire entendre nos voix et de fixer notre position, face à cette éruption des étudiants dans l’espace public. Nous disons éruption, car elle laisse encore une fois, entrevoir sa fin tragique : celle d’un recommencement annoncé et d’une réforme toujours différée. Voir notre note, A propos de la crise à l’ENS, du déjà vu, sur la crise à l’Ecole Normale Supérieure, le 2 mars 2009, sur perilueh.blogspot.com. Est-ce pour autant, motifs pour nous de garder le silence. Non !
Nous avons suivi avec attention et prudence le déroulement des évènements qui ont conduit aux manifestations, intempestives certes, au raidissement des parties et à la cumulation de revendications sociales liées au salaire minimum des travailleurs et travailleuses haïtiens. Dans ce dialogue de sourds, auquel nous sommes par trop habitués, tout semble avoir été dit. D’un côté, les étudiants brandissant un cahier de charges, vieux de 23 ans, de l’autre, les voix des autorités universitaires qui affichent leur incapacité à y répondre, pour des raisons structurelles et conjoncturelles propres. Dans l’intervalle, est venu se greffer le problème de promulgation de la « loi Benoît ». Point n’est besoin d’être grand clerc, pour comprendre l’opportunité offerte à ces jeunes. Point n’est besoin de jouer également à l’autruche mais d’y voir, dans cette « accolade sociale », une pratique et une méthodologie propre à tout mouvement social qui se veut national, avant-gardiste et en rupture avec le statu quo. Nous avons trop d’exemples au niveau national et international, que ce soit de notre époque ou de celles qui ont précédé, pour nous convaincre de cette solidarité entre deux mouvements revendicatifs à caractère révolutionnaire. Ici, comme ailleurs, tout commence par une manif d’étudiants….N’ayons donc, aucune peur des mots.
En Haïti, entamer la réforme de l’UEH, -nous ne disons plus, celle de l’enseignement supérieur-, c’est faire la révolution ; en Haïti, faire ajuster- nous ne parlons pas d’augmenter-, le salaire de pitance de nos travailleurs, c’est encore faire la révolution. Le drame, pouvons-nous les confronter tous deux, en même temps ? Pour ce qui concerne nos étudiants, ils ont prouvé à travers l’histoire qu’ils n’ont jamais été en reste des problèmes de leur société. Toujours présents dans la ligne de front, ils y ont sacrifié beaucoup, jusqu’à l’ultime (1924, 1946, 1960-62, 1985-86, 1991-92, 1995, 2002, 2003). Nous ne faisons qu’énumérer quelques dates-charnières. L’histoire du mouvement étudiant haïtien est riche de ces moments de solidarité et d’engagement révolutionnaire national. Les étudiants actuels sont héritiers des organisations qui, avec tant d’autres, ont ouvert la voie aux espaces démocratiques post-86. Ces jeunes y ont laissé trop souvent leurs illusions et leurs rêves. C’est fort de cela que nous comprenons leurs frustrations, leurs dérives, et sans les excuser aucunement, nous leur sommes solidaires. Pour les raisons que voici :
Pour ceux et celles, amnésiques et rétifs à l’idée que cette structure, l’UEH, peut encore tenir et continuer à opérer dans les conditions dont nous sommes tous bien imbus (Voir sur www.alterpresse.org, le discours prononcé le 18 mai 2009, par le vice-recteur aux affaires académiques, Wilson Laleau, à l’Arcahaie. Il y fait état des problèmes structurels et ceux liés au budget auxquels l’UEH fait face), nous leur rappelons que ce n’est que partie remise. Et ils le savent. En d’autres termes, les autorités universitaires, à tous les échelons (dirigeants de facultés, rectorat) sont conscients de la gravité de la situation : curricula désuets, manque de professeurs, absence de cours pratiques et de travaux dirigés, carence d’un personnel enseignant qualifié et à temps complet qui n’est autre que la condition sine qua non de toute institution d’enseignement supérieur. La liste est longue et, elle a été déjà inventoriée, à maintes reprises. NUL n’est ignorant, à ce point, du problème. Pourtant, nous nous posons encore les questions que voici : a) Qu’est-ce qui empêche de définir un train de mesures propres à engager les différentes entités de l’UEH à emboîter le chemin de la réforme dans les conditions respectueuses des prescrits académiques et démocratiques de participation de ses diverses composantes? b) Qu’est-ce qui empêche la mise en branle de solutions susceptibles d’y remédier à court, moyen et long terme et de limiter les perturbations dans le calendrier académique ? A quand, ce minimum décent : des livres, du matériel de laboratoire, des cours, des profs ? A-t-on jamais vu pareille indigence et indécence ?
Cette réforme presse. Elle ne peut plus attendre et le temps des dilatoires arrive à expiration. Cette crise engendra une autre, et peut-être se greffera sur une autre plus grave, comme nous en avons l’habitude. Et, passée la crise ou les crises, nous n’éprouverons aucune gêne, aucun état d’âme à accuser le manque de moyens à chaque fois. Mais quand, serons-nous responsables et redevables devant la nation, si nous ne consentons aucun effort pour mettre fin à cette imposture. Il incombe donc, aux différentes commissions érigées par le rectorat de se mettre au travail et de rétablir la confiance, dans les rangs. Nous en appelons aux professeurs, aux étudiants à intégrer les commissions mises à cet effet, sans désemparer. Nous l’avons toujours clamé haut et fort, l’UEH n’a qu’une issue : se réformer ou s’effondrer. Nous avons toujours soutenu et compris qu’elle était/est le microcosme de ce que nous vivions/vivons au niveau national. Caveant consules !
Marie Carmel Paul-Austin
15 juin 2009
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