samedi 8 octobre 2011

Hommage au père Joseph Augustin (1)

Père Joseph Augustin (1921-2011)
Un homme exceptionnel


Joseph Augustin est né en Haïti en 1921. Il est décédé le 23 septembre 2011 à l'hôpital Santa Cabrini à Montréal.

Joseph Augustin était vraiment homme exceptionnel.

Comme il le dit dans la préface de l'essai du Dr. Fils-Aimé intitulé: Vodou, je me souviens, Joseph Augustin nous révèle que, ordonné prêtre en 1944 à l'âge de 23 ans, il a été engagé dans la plus retentissante bataille de l'église catholique contre le Vodou (campagne anti-superstitieuse ou campagne des Rejetés).

Son zèle, au cours de cette campagne, se refoidit brusquement un jour de l'année 1948 en priant dans sa chambre: «J'entendis en moi-même une voix qui disait: ''Comment peut-on se mettre à dire ''lwa se denmon' ?'' ».

Trois faits importants ont selon lui marqué son cheminement apostolique. Voici comment il les raconte dans la préface de l'essai du Dr. Fils-Aimé.
  1. «En théologie nous avons tous appris que la possession diabolique, dans toute l'Histoire de l'Église, s'accompagne de paroles, de gestes grossièrement oscènes et blasphématoires, crachant toute sorte de saletés en particulier contre l'Eucharistie et contre la Vierge Marie. Or, dans le phénomène vodouesque du 'tonbe-lwa', ce que toute l'assistance voit et entend de la part de l'intéressé ce sont sans doute parfois des défoulements grossiers, des frustrations répugnantes, somme toute, des laideurs mais à dimensions humaines et naturelles! Mais ne perçoit-il pas également de bons conseils pratiques pour mieux vivre, des thérapies naturelles, médications, tisanes, massages, onctions d'huile, de nature à donner guérison et bien-être aux gens? Sont-ce là des oeuvres sataniques? Étudier ce phénomène du ''tonbe-lwa'' s'imposait comme un devoir grave ...»
  2. «Au début de mes recherches sur le terrain, j'arrivai à Hinche à l'âge de 29 ans. Pour la première fois de ma vie, j'allai, la nuit, voir une danse vodou organisée dans la ville. Frappé par l'art populaire, la splendeur, l'élégance et la souplesse si naturelles des 'hounsi' (2) qui dansaient en cercle en chantant un yanvalou savamment scandé par trois tambours, je m'en allai édifié par la beauté du spectacle et je disais en moi-même: '' Mon Dieu, comment pourrais-je, pour ta gloire, transporter à tes pieds devant tes autels une cérémonie aussi émouvante, une musique aussi bien rythmée et une chorégraphie aussi ravissante? »
  3. «En 1958, à la ''Voix de l'Ave Maria'', radio de l'évéché du Cap-Haïtien, je produisis le premier cantique haïtien fait pour tambour. Le 23 septembre 1963, dans un récital à Saint-Louis de  Gonzague, Port-au-Prince, je publiais la trentaine de mes premiers cantiques pour tambour. Le tambour conique du Vodou était mis au service de Dieu. Je l'appelai ''tanboula'' ce genre nouveau de chants d'Église.»
En 1999, cinquante ans après le premier des trois faits marquants, Père Joseph Augustin publie à Montréal le livre intitulé  Le Vodou Libérateur  qui contient ses réflexions sur l'acculturation (intégration/adaptation dans le Vodou en tant que structure d'accueil) de l'Évangile dans l'Église (assemblée de chrétiens) haïtienne (3). Puis, en 2003, il publie le livre La foi de Boukman et de son peuple dans lequel il consigne selon ses propres mots la vision du Vodou qui lui semble juste.

Le père Joseph Augustin croit que le Vodou est une foi, un trésor à ne pas perdre. Il propose à l'haïtien la chrétienté-vodou pour vivre ''une foi bien inculturée (adaptée à la culture haïtienne), plus vraie, plus éclairée, plus raffinée, puissante jusqu'à déplacer des montagnes''.

Le père Joseph Augustin se marie en 1969à Anne-Marie Gilles à la suite d'un rescrit du Pape Paul VI et il fonde une famille. Il est donc resté prêtre.

La famille Augustin en Haïti est connue de tous. Durant une partie de mon enfance, dans les années 1950, j'ai grandi à Pétionville à la rue Darguin, une rue parallèle à celle où se situait la maison des Augustin, la rue Villatte. À ce moment-là je ne connaissais pas encore le père Joseph Augustin qui n'habitait pas, de toute évidence, à la rue Villatte. Son frère Rémy Augustin (1910-1983) qui devint le premier évêque haïtien en 1953 (Évêque auxiliaire de l'Archidioscèse de Port-au-Prince), était de ce fait plus notoirement connu.

Durant la dernière décennie avant sa mort, mon épouse et moi, avons eu  la chance de rencontrer le père Joseph Augustin (Papi Djo) et son épouse Anne-Marie à Montréal en quelques  occasions au cours desquelles nous avons échangé un peu. C'est à l'une de ces rencontres que j'ai fait l'acquisition de ses deux livres.

Grâce à Papi Djo, particulièrement, je n'oublierai jamais que Dieu est Amour.

Dans ma démarche discontinue pour essayer de comprendre le phénomène du chevauchement que Papi Djo appelle le tonbé-lwa et  que, dans d'autres cultures, selon moi, on appelle le channeling ou canalisation, Joseph Augustin m'a mis sur la piste des vibrations. Ce mot tombant dans l'oreille d'un ingénieur, je l'ai intégré dans mes réflexions sur le sujet.

Je regrette de n'avoir pas pu échanger avec lui plus longuement sur ce sujet. Mais, miraculeusement, cet homme exceptionnel  nous a laissé un disciple tout aussi exceptionnel. Il s'agit d'un éminent (à mes yeux) pasteur de l'église protestante en la personne du Dr. Jean Fils-Aimé que nous, catholiques, prenons plaisir à écouter reuligieusement tous les dimanches matins, en plus de ses interventions opportunes dans d'autres émissions sur d'autres sujets.

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(1) Voici deux liens vers des textes concernant le père Joseph Augustin:
Hommage à Papy Djo par Frère Buteau (Brother Tob), SNAA, 1er octobre 201.

Entrevue avec Joseph Augustin (Papy Djo), par Frère Buteau (Brother Tob), SNAA,  17 septembre 2007 

(2) Dans l'essai du Dr Fils-Aimé, il est écrit «ounsi» au lieu de «hounsi».
(3) Les termes "acculturation" et "inculturation" sont presque synonymes. Le terme "acculturation" est emprunté à la sociologie. Dans la littérature des théologiens, la tendance actuelle est d'utiliser plutôt le terme "inculturation". Selon Wikipédia, l'acculturation est un concept anthropologique qui concerne le contact et la relation entre deux cultures, tandis que l'inculturation est un concept théologique qui concerne la rencontre de l'Évangile avec les différentes cultures. Toujours selon Wikipédia: 
(i) L'inculturation est  la manière d'adapter l'annonce de l'Évangile dans une culture donnée.
(ii) L'acculturation est l'ensemble des phénomènes a) résultant du contact continu et direct entre des groupes d'individus de cultures différentes et b) entraînant des modifications dans les modèles culturels initiaux de l'un ou des deux groupes.
On retrouve les deux termes dans la préface du père Joseph Augustin: le nom "acculturation" et le participe passé "inculturé".
Pour lire l'historique de l'utilisation des termes acculturation et inculturation dans l'église catholique et le sens de ses termes dans cette église, on pourra consulter avantageusement des extraits du Guide, en particulier, page 31 et suivantes, en cliquant sur le lien suivant:

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