jeudi 20 octobre 2011

Le Droit pour Monsieur et Madame Tout le Monde - No. 4

  
Monsieur-Tout-Le-Monde et la profession d’avocat
Par Guy Lamothe

De tout temps, Monsieur-Tout-Le-Monde»  s’est toujours cru avocat, surtout s’il s’agit de sa propre cause, et ce, sans avoir fait des études en Droit, sans avoir été reçu par le Barreau et sans avoir plaidé devant les Tribunaux.  Or, ce même «Monsieur-Tout-Le-Monde», quand il a un problème de santé ou de déversements d’eau, a recours, selon le cas soit à un médecin soit à un plombier. Comment expliquer ce comportement ? C’est ce que nous nous proposons d’examiner.

La notion de Droit, avant la lettre, a débuté, à partir du moment où les hommes ont commencé à vivre en société. Le pourquoi ? Eh, bien,   quand les hommes vivent en société, il est inéluctable que des conflits naissent. Donc, pour les résoudre, on a recours, à quelques bribes de justice. Donc, «l’homme» étant  le centre de ces conflits se trouvait dans la nécessité de se défendre lui-même. Qui ne se souvient pas du récit biblique du Jugement de Salomon, véritable monument juridique qui a traversé des siècles jusqu’à nous et nous émeut encore tous? Qui ne se souvient pas de la Loi du Talion ? Du Droit Romain dont les chapitres sur le mariage, la famille, l’adoption… ont inspiré notre Droit Civil moderne. Donc, depuis la nuit des temps, l’homme a donc appris à se défendre lui-même, et l’homme moderne en a hérité ; ce besoin de se défendre est considéré comme un droit naturel.
Le Droit est basé en grande partie sur la raison. «Monsieur-Tout-Le-Monde» est persuadé que sa cause étant juste, il la gagnera. Ce n’est pas nécessairement vrai. Car, devant un tribunal, il ne suffit pas d’avoir raison ; mais il faut savoir avoir raison . On peut avoir raison et perdre sa cause ; car «savoir avoir raison» est un art ou mieux, une science, et c’est le Code de Procédure Civile (ensemble de règles régissant la marche des procès devant les Tribunaux) qui la détermine, qui la possède.

          
Nous avons encore fraîche à l’esprit une audience civile où un Docteur en Droit Civil, (l’un des doctorats les plus difficiles à obtenir, aux dires des connaisseurs)  affrontait un avocat ordinaire, qui a vingt ans de pratique devant les Tribunaux, par conséquent expérimenté en Procédure. Le Docteur était demandeur et plaidait une affaire personnelle de succession. Le procureur du défendeur a fait voir de toutes les couleurs au Docteur en Droit, en soulevant des exceptions, puis des points de droit pertinents en procédure. Visiblement, on voyait qu’il se moquait de ce Docteur en Droit. Ce dernier s’est senti tellement indigné, en plaidant, qu’il fit une poussée subite de tension et tomba sur son siège. Le juge dut suspendre l’audience et la renvoyer à une date ultérieure pour la suite des plaidoiries : formalité obligatoire. Mais d’après l’allure des débats, tout portait à croire que le Docteur en droit allait perdre son procès, à plus forte raison s’il était question de «Monsieur-Tout-Le-Monde».
Par contre, lorsque ce dernier  se résout à prendre  un avocat, il veut que ce dernier fasse des miracles. «Je te paie, dit-il, vas-y ! Fonce !». Il le pousse à l’extrême. Souvent l’avocat craint plus que «Monsieur-Tout-Le-Monde»  les conséquences graves et les dangers d’un tel procès ; il sait qu’une affaire peut commencer petite comme un œuf et se terminer grosse comme un bœuf.
Parfois, et même plus souvent que parfois, un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès. Le procès relatif à la succession  d’Arturo Gatti, qui englobe trois pays : le Brésil, les États-Unis et le Canada (Montréal) en est la preuve par neuf. La juge, qui entend l’affaire à Montréal, a dernièrement demandé aux parties en litige de s’entendre, vu que les 2/3 du montant de la succession, soit environ cinq des huit millions de dollars sont déjà fondus, en raison des frais judiciaires, d’avocats et autres. Obnubilées par leur haine, leur orgueil et le mirage des huit millions de dollars, elles sont restées sur leur position respective. Finiront-elles par entendre et écouter, avant qu’il ne soit trop tard, ce signal d’alarme, ce cri du cœur lancé par la Juge ?
Aucune loi n’interdit à «Monsieur-Tout-Le-Monde» d’attaquer ou de se défendre seul, en Justice, mais il le fait à ses risques et périls. C’est pour lui venir en aide que le Législateur, par la loi-cadre sur la Déjudiciarisation a créé certains Tribunaux : Petites Créances, Tribunal pour les  jeunes contrevenants, La Régie des Loyers, Loi des Dépôts Volontaires(très nécessaire ces jours-ci, en raison des difficultés financières que nous connaissons) qui utilisent un vocabulaire non-juridique, des termes simples et à la portée de tous.  

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