lundi 3 décembre 2007

Leslie François Manigat : « c’est ce que j’appelle un risque calculé »


Source: Le Matin du lundi 3 décembre 2007

Leslie François Manigat, faisait partie des leaders politiques en lice pour les premières élections de l’après-Duvalier. Il est l’un de ceux qui, « en regard du contexte tendu » dans lequel ces élections s’annonçaient, avaient appelé le peuple à ne pas aller voter. Le 17 janvier 1988, il a été élu président lors d’un second scrutin boycotté par ses pairs. Ils lui ont toujours reproché d’avoir participé à cette présidentielle. Le professeur, quant à lui, signe et persiste : « Les partis politiques traditionnels ne pensaient rien faire pour arrêter l’armée. Certains préféraient même une intervention militaire américaine. Moi j’avais fait mon choix, il fallait aller aux élections. C’est ce que j’appelle un risque calculé ».

Le leader du RDNP indique que deux situations plaident en sa faveur: la première : « dans la nuit précédant les tristes évènements sanglants que l’on sait et sous le vacarme de la mitraille, Jean Dominique et moi avions eu un entretien sur le vif à Radio Haïti, nous étions d’accord pour faire renvoyer les élections du matin d’après, parce que leur préparation ne leur permettait pas d’être tenues sérieusement sans trop de risques. Nous n’avons pas été entendus et arriva ce qui arriva au matin du 29 novembre. »

La seconde, le boycott des élections visait un seul objectif : faire intervenir l’armée américaine. «Ce que je ne pouvais accepter », indique l’homme politique.

29 novembre 1987 - 29 novembre 2007, vingt ans après, nous publions la « Déclaration du leader politique du RDNP après le 29 novembre 1987 », reproduite dans le tome II de l’« Éventail d’histoire vivante d’Haïti ».

Déclaration du leader politique du RDNP après le 29 novembre 1987

Le Rassemblement des démocrates nationaux progressistes d’Haïti (RDNP) partage la douleur, la consternation et l’indignation de la nation tout entière devant les tueries indiscriminées du dimanche 29 et du lundi 30 novembre qui ont fait une trentaine de morts et plus de 70 blessés, ceci venant après deux nuits de cauchemar pendant lesquelles la mitraille ponctuait les rafales et les détonations pour apeurer une population dont le seul tort était de vouloir voter. Jamais le mépris de la vie ne s’était manifesté avec une telle cruauté depuis le 26 avril 1963.

Face à ce déferlement de violence et aux conséquences politiques qui en ont découlé affectant le processus de démocratisation dans lequel le pays s’était tant bien que mal engagé, le RDNP tient à préciser sa position:

1-Le RDNP condamne tous les actes de violence perpétrés contre les institutions, les stations de radio, les personnes et les biens avec leur triste cortège de victimes qui ont endeuillé tant de familles haïtiennes auxquelles il exprime ses sympathies et ses condoléances. Il demande une enquête sérieuse et des poursuites judiciaires contre les coupables quels qu’ils soient et à quelque bord qu’ils appartiennent. Une fois de plus, le RDNP proteste contre l’impunité dont continuent de bénéficier les crimes politiques en Haïti, et rappelle que la sécurité des vies et des biens est une des principales fonctions du gouvernement dans un pays civilisé. Il faut arrêter et juger les coupables de ces crimes atroces.

2-Le RDNP s’oppose à toute tentative de retour au pouvoir des macoutes ou d’un régime macoutique. Tout en réitérant son offre bien connue de récupérer pour la démocratie les déçus du duvaliérisme, le RDNP a juré, avec le peuple du 7 février 1986, de ne plus jamais permettre au fascisme duvaliérien et à ses sbires d’assauter le pouvoir. Il faut que les choses changent en Haïti. Or, les chances de changement se jouent dans la crise présente. Caveant consules !

3-Le RDNP met en garde contre toute tentative éventuelle d’établir en Haïti, à la faveur de la crise, une dictature nouvelle, civile ou militaire, alors que le peuple haïtien réclame un régime démocratique. Il en appelle à la vigilance et à la solidarité de tous les démocrates, pour que le cours actuel des choses, avec les violations successives de la Constitution qu’il a charriées, ne débouche sur un nouveau pouvoir autocratique. Il faut monter la garde autour de la démocratie menacée pour démasquer les fourriers éventuels d’une dictature de droite.

4-Le RDNP, se rappelant le proverbe chinois selon lequel, en défendant la porte d’entrée contre le tigre, il faut veiller à ne pas laisser s’introduire la panthère par la porte de derrière, met également en garde contre toute stratégie éventuelle des forces radicales ou extrémistes pour introduire et mettre en place, sur les avenues du pouvoir, les tenants camouflés du marxismeléninisme, partisans en fait d’une dictature de gauche et habiles à exploiter la crise et la confusion qui en résulte. Le peuple du 7 février ne veut ni de l’extrémisme de gauche, ni de ses alliés.

5-Le RDNP est déterminé à faire front contre toute intervention militaire étrangère et à s’opposer à ce que des missionnaires armés, envoyés de l’extérieur, viennent sous quelque prétexte et sous quelque forme que ce soit, fouler le sol sacré de la patrie. Il refusera de collaborer avec tout gouvernement qui arriverait au pouvoir dans les fourgons d’un gouvernement étranger, ou quiconque aurait accepté, voire sollicité, même à titre temporaire, l’occupation du territoire national par une force d’intervention étrangère, unilatérale ou multilatérale. Notre nationalisme est une position de principe non négociable et incontournable.

6-Pour sortir de la présente crise, le RDNP n’estime heureusement pas avoir à choisir entre Pinochet, Staline ou Quisling. Fidèle à sa vocation unitaire et rassembleuse, et soucieux de reconstituer l’unité nécessaire de la famille pour la reconstruction nationale, il est disposé à collaborer avec tous les démocrates et patriotes de ce pays, en vue de trouver une solution concertée, démocratique et haïtienne, pour relancer et mener à son terme le processus de démocratisation après le recul que celui-ci vient de connaître.

Le RDNP réaffirme sa foi inébranlable dans les élections comme seule issue démocratique à la situation de transition et de crise politique que vit le pays, mais estime que les élections, pour être valides, ne peuvent avoir lieu que dans des conditions d’organisation adéquates et dans un double climat de sécurité et de confiance pour garantir la liberté, la sincérité et l’honnêteté, ce qui n’est pas le cas dans la situation présente qui, de ce fait, ne doit plus durer. L’intérêt du pays doit prévaloir et les changements désirés et nécessaires doivent enfin se réaliser. Le pays l’exige pour avoir fait le 7 février. Le peuple le mérite pour avoir tant souffert.

Port-au-Prince, le 30 novembre 1987

lundi 3 décembre 2007

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