dimanche 30 mars 2008

PROSPECTIVES POUR UNE RENAISSANCE HAITIENNE (PAGES RETROUVÉES – VIII)

Par Paul G. Magloire
(c) 1986, 2008

EN GUISE D’AVANT PROPOS.- (03/26/08)

(AVANT QU’IL NE SOIT TROP TARD-VIII)
Voici ce qui était dit en 1986. Très peu a été réalisé jusqu'à présent, et beaucoup attend de devenir réalité avant qu’il ne soit pas trop tard. Il nous faudra un Plan d’Urgence…

PROSPECTIVES POUR UNE RENAISSANCE HAITIENNE
(PAGES RETROUVÉES – VIII)
Par Paul G. Magloire
Décembre, 1986



CENT QUATRE VINGT TROIS ANS APRÈS la colonisation, les principales villes du pays sont restées situées sur les côtes, avec pour principales fonctions le drainage des ressources nationales et leur exportation vers les pays étrangers ; et il en est ainsi des matières premières comme des hommes. Durant ces dernières décennies, ce processus a atteint le seuil du macabre. Car Port-au-Prince a littéralement vampirisé les provinces. Comme le seul port officiellement ouvert au commerce extérieur, tous les échanges avec l’étranger transitent par les hommes de la capitale. Le résultat est un spectacle criant. Tandis que, les autres villes du pays sont exsangues, dépérissent ou survivent au prix d’expédients de toutes sortes, la capitale a atteint une proportion énorme. Elle est d’une obésité scandaleuse. La décentralisation fédéraliste sera en fait, un acte de rachat moral pour la capitale. Car la situation a déjà traversé le cap du tolérable.

L’articulation de la nouvelle communauté urbaine du pays tiendra compte de trois critères principaux de direction. Les capitales régionales seront aménagées dans la perspective de démocratiser les structures sociopolitiques du pays. Elles apporteront un renforcement substantiel à la capacité des provinces de trouver des solutions adéquates à leurs propres problèmes. Mais, elles encourageront les populations de chaque région à choisir entre divers modes d’activités, de créer, rechercher, découvrir, définir et participer à la vie nationale selon leur possibilité. Ensuite, il y aura une amélioration dans les rapports entre la ville et la campagne du fait que ces rapports devront s’effectuer et se systématiser en fonction de la spécificité et des besoins de la région. En dernier lieu, la modernisation devra apporter aux individus de la communauté urbaine un environnement technologique propre à faciliter et améliorer leurs attitudes et l’efficacité de leurs actions dans la vie quotidienne. Donc, prenant en compte tout cela, les juridictions régionales serviront de pôles d’attraction vers l’intérieur du pays.

Nous pouvons prévoir le réaménagement du territoire national en QUINZE régions : Fort-Liberté, Cap-Haïtien, Gonaïves, Port-de-Paix, Hinche, Mirebalais, Croix-des-Bouquets, Saint-Marc, Petit-Goâve, Jacmel, Miragoâne, Cayes, Jérémie, l’Ile de la Gonâve et Port-au-Prince la capitale fédérale. Les délimitations juridiques seront basées sur des critères d’affinité, de vocation et de complémentarité, tant du point de vue social qu’économique. Le plan de dotation assurera un crédit budgétaire de SIX MILLIONS DE DOLLARS à chacune de ces régions, à l’exclusion de la capitale, afin qu’elles commencent à aménager leur capitale. Le plan de la ville sera fourni par la direction générale de l’aménagement, et l’exécution sera laissée à des entreprises privées sous la supervision du ministère de l’équipement. Les premières constructions prendront place dans l’aire centrale de la ville ou seront bâties la maison du gouvernement régional, celle de l’assemblée régionale, la mairie, l’édifice qui devra loger le commissariat de police et le service des pompiers ; il y aura également un parc et la maison de la culture. Chaque ville s’épanouira en fonction des réalités de sa région. Et certaines de ces villes devront développer les possibilités de logement, de service pour accommoder dans les quarante prochaines années des populations qui seront dans certains cas dix fois supérieures à celles d’aujourd’hui. L’armature de ces villes, tels que les infrastructures routières, approvisionnement en eau potable, la canalisation et la récupération des eaux usagées et de ruissellement, la décharge des déchets seront prévus à cet effet.

Le cas de Port-au-Prince sera assez spécial, vu que la capitale a déjà atteint un seuil de concentration démographique pour lequel elle n’était pas construite. L’approche qui sera adoptée dans ce cas sera d’intégrer les zones marginales dans des armatures suburbaines reliées à l’armature centrale. De nouveaux axes routiers joueront un rôle important dans ce réaménagement. Par exemple, pour la zone de Carrefour, une autoroute à grande circulation sera construite. Elle partira du haut de la Troisième Avenue de Bolosse pour atteindre Gressier. La voie ordinaire en usage actuellement deviendra une route à circulation restrictive pour les matériels roulants lourds. Une autre voie sera construite parallèlement à celle-ci sur le littoral et sera réservée aux piétons et aux cyclistes. Le projet de construction d’une autoroute partant de la zone de l’aéroport pour atteindre Pétion-Ville, en passant par la zone des Frères, se réalisera dans cette même perspective. Ensuite, le centre ville sera reconditionné dans le sens d’une revitalisation. Tout d’abord les rues orientées Est-ouest, comme la Rue Pavée, seront dallées et réservées strictement aux piétons. De l’autre, les rues perpendiculaires à celles-là seront alternativement à sens unique, sauf pour la Grand-rue et le boulevard du Bicentenaire qui seront à double sens. Il sera tracé des axes de dégagement à quatre voies qui descendent vers le centre ville. Un sera construit du coté du cimetière, un autre du coté de l’aviation et deux autres, à sens unique, seront constitués par la Rue des Casernes et la Rue St. Honoré. Un certain nombre de « Parking » souterrains seront construits dans l’aire du centre ville pour permettre aux usagers de garer leur voiture. Les ensembles de bâtiments communément appelés « block »seront dégagés à l’intérieur, avec ouverture sur les rues. Des cours et terrasses seront aménagées, à l’intérieur de ces ensembles, avec jardin et décor artistique. Les constructions seront à trois niveaux. En général, le rez-de-chaussée d’un bâtiment sera réservé aux boutiques, restaurants, magasins et au commerce. Le premier étage accommodera des offices et le deuxième sera aménagé en appartements à prix modéré pour attirer une clientèle de jeunes couples. L’esthétique de la zone sera rehaussée par une architecture utilisant largement le cuivre et le verre mélangé au béton.

La SOGI donnera aux entrepreneurs une incitation pour les encourager à réaliser cet aménagement. Le financement pour la construction dans cette zone sera à un taux modéré avec un délai de remboursement à long terme. Ensuite, le taux de l’imposition foncière étant le même pour tout le pays, l’imposition locative immobilière dans cette zone sera réduit à un niveau presque symbolique. Les autres points de la capitale ne seront pas négligés. Delmas, les différentes cités, les vieux quartiers seront tous réaménagés et leurs immeubles seront graduellement restaurés. Des espaces verts apporteront de l’agrément à l’espace urbain. Un peu partout le paysage floral des jardins publics sera marqué par la prédominance de couleurs vives telles le rouge et le jaune. Plus loin, le parc des Palmistes sera réaménagé ainsi que la cité du Bicentenaire, où seront transférés les bureaux des ambassades étrangères et des organismes internationaux. De même, l’espace désaffecté du terrain d’aviation « Bowen Field » sera converti en un parc d’attraction pour enfants avec des centres de ventes à grande surface. Il y aura dans l’aire du parc un bâtiment qui servira à recevoir des congrès internationaux et des conférences.

Toutes les autres capitales recevront l’attention des instances fédérales afin de favoriser un épanouissement harmonieux dans les quarante prochaines années. La SOGI et le CAP, entre autres organismes fédéraux, conjugueront leurs efforts pour entraîner l’apparition dans les capitales des services nécessaires au développement de chaque région.

À Fort-Liberté, il y aura certes l’agrandissement et l’aménagement de l’aire urbaine, et la construction d’une autoroute reliant Ouanaminthe à Cap-Haïtien. À coté de cela, il sera aménagé dans cette région, l’une des plus grandes infrastructures industrielles du pays. Tout d’abord, dans le site de la plantation Dauphin sera installé un complexe moderne de production d’eau potable et d’électricité à partir de l’eau de mer. Ce complexe alimentera la région en eau potable et en électricité et servira à l’approvisionnement des zones résidentielles et du parc industriel de la région. Il y aura dans le parc des entreprises agro-industrielles engagées dans la préparation des semences agricoles, la plantation de fleurs pour l’exportation, la préparation des produits à base de manioc, des conserveries de légumes, de fruits, de poissons ; des industries qui exploiteront le souffre, le cuivre, et enfin celles qui feront le montage de matériel électroménager, d’appareils mécaniques, de petits équipements agricoles, d’équipement électronique, d’ameublement etc.

On pourra trouver un parc analogue à celui de Fort-Liberté au Cap-Haïtien. Ici, le développement touristique et l’agro-industrie seront prioritaires. En outre, il sera développé un artisanat de métaux précieux qui trouvera un débouché sur le marché touristique de la région. Le Cap-Haïtien est une région immensément riche en possibilités naturelles et en ressources humaines. L’orgueil régional sera dans cette région un facteur important pour l’accélération du développement économique. La région du Cap-Haïtien porte en elle-même une grande promesse d’avenir.

Gonaïves n’est pas une région très favorisée du point de vue sol. Mais le marbre et le sable calcaire du sous-sol assureront à cette région des revenus importants. L’installation dans la région d’une industrie de ciment qui trouvera une matière première abondante dans la région élargira considérablement le marché de l’emploi. Ensuite, la perspective de trouver des débouchés à l’extérieur pour le sable calcaire fait prévoir que la région pourra tirer bientôt d’importants revenus de ses immenses carrières de sable. Gonaïves a aussi de vastes possibilités pour le développement agro-industriel et artisanal. Les principales productions agricoles pourront devenir le coton, les haricots, et le millet qui servira à la production de l’alimentation pour le bétail, grace à l’irrigation des zones désertiques.

Port-de-Paix est pratiquement isolée des grands axes routiers du pays. Le gouvernement fédéral aura à intervenir pour aider cette région à améliorer ses voies de communication. L’industrie d’assemblage fleurira dans toute la péninsule sitôt que les infrastructures adéquates seront mises en place. De l’autre cote, l’industrie de pêche connaîtra un essor, bien qu’elle sera maintenue à un niveau technologique proche de l’artisanat afin de protéger la flore aquatique des cotes de cette région. La capitale régionale de la péninsule du Nord-ouest sera le siège de la Société Nationale de pêche et de transport Maritime. Cette société, qui sera créée par l’Etat en partenariat avec le secteur privé, aura sous sa direction un chantier de réparation navale au Mole St. Nicolas. En fait, le commerce maritime restera le secteur d’activité économique le plus important à Port-de-Paix.

Hinche sera développée sur la richesse de sa potentialité agricole. La multiplication de fermes d’élevage dans cette région sera l’une des priorités du budget fédéral de développement. Cela entraînera la création de nombreuses entreprises engagées dans la préparation du lait et des produits dérivés. Une attention particulière sera accordée également à l’industrie de la viande. L’important sera d’aider cette région à développer une ligne complète de transformation de matières premières agricoles qu’elles possèdent en grande quantité. Des petites unités de production d’articles à partir de l’argile participeront activement au développement de l’économie de la région. Les produits de ces petites entreprises trouveront un débouché important sur le marché local. Les articles décoratifs intéresseront les touristes, et les nouvelles normes de construction définies pour l’habitat haïtien, en appellera à une utilisation intensifiée de briques, tuiles et claustras d’argile. La région sera alimentée par une centrale hydroélectrique qui sera construite en coopération avec la république voisine.

Mirebalais est placée sur la route des grands centres de production et du commerce du pays. Elle se spécialisera dans les activités de commerce et de services. Par exemple, le service médical hospitalier sera développé au point d’attirer une clientèle internationale. On prévoit la création de centres d’accueil pour étudiants, et des maisons de retraite pour vieillards, desservant une clientèle locale et étrangère. Cette région sera strictement protégée contre toute forme de pollution. Les produits alimentaires et fruitiers occuperont l’essentiel de l’activité agricole de la région. C’est dans la région de Mirebalais que seront placées l’université Autonome d’Haïti et le Centre Olympique Fédéral. Et les principaux édifices de l’Institut de Recherche et de Technologie.

Croix-des-Bouquets sera équipée des plus grandes infrastructures industrielles et commerciales du pays. Des industries légères, des chaînes de montage, d’assemblages et des usines de transformation s’étaleront de la Zone de Fonds Parisien à Fonds Verrettes. Une zone commerciale franche sera établie à Malpasse. À l’extrême Ouest de la ville de la Croix-des-Bouquets sera construit un supermarché régional moderne équipé de nombreux bureaux centraux de service public tels que Banques, Poste, Téléphones et Télégraphes, Services d’impôts et taxes, d’état civil, des Entrepôts, des Maisons de consignations, Services d’incendie, Salle de Cinéma, Clinique, Service de Garages et une multiplicité de larges magasins. Enfin, il aura toutes les facilités nécessaires qui devront permettre à ce centre de mériter sa position nationale. Ce centre aura également, une gare routière centrale et un local pour recevoir des foires nationales et inter caribéennes

St. Marc, L’île de la Gonâve et Petit-Gôave auront un développement assez identique bien qu’on pourra dénombrer de grandes différences. Sur le plan agricole par exemple, en raison des communes de la plaine de l’Artibonite, St. Marc restera la première région de production rizicole du pays. Elle sera placée très haut dans la production maraîchère et vivrière également. Tandis que dans l’Ile de la Gonâve, la plantation forestière sera très poussée et fournira une fraction importante des revenus de la région. Pour sa part, la région de Petit-Gôave donnera pour l’essentiel dans la plantation fruitière avec un développement moindre en agriculture maraîchère et en élevage. Toutefois, les trois régions développeront une infrastructure touristique moderne pour répondre aux exigences du marché national et international. La région de St. Marc, partant de la zone de Délugé jusqu’à Source Puante sera construite comme une mégalopole. Les communes côtières aménageront des villages touristiques intégrés. À L’île de la Gonâve, il y aura également un nombre important de ces villages touristiques et l’aménagement d’un parc national pour la conservation de la faune et de la flore de L’île. La base militaire qui sera aménagée dans la région, ajoutée au parc national, seront des lieux d’attractions très prisés des visiteurs. La région de Petit-Gôave, qui partira de la Rivière-Froide jusqu’aux confins de la région de Miragoâne, aura également des villages touristiques côtiers.

Dans la mesure où des gisements miniers de carbonate de calcium et de marbre de la région pourraient être mis en exploitation dans la zone de Miragoâne, il se dégagera suffisamment de ressources pour financer la renaissance de la région. Les communes de cette région ont de vastes possibilités pour le développement agricole également. Par exemple, le climat de la région de Pierre Payen est très propice à l’épanouissement de l’agriculture maraîchère et de l’élevage laitier. Ensuite, des industries florales seront installées dans la zone. Il existe un certain nombre de sites où seront exploitées des plantes aromatiques et médicinales pour approvisionner l’industrie des parfums et de pharmacologie. En allant vers l’Ouest du coté des Baradères, une incitation sera fournie pour encourager les plantations forestières et celles du café. L’élevage et l’artisanat apporteront également des revenus importants à l’économie de la région. En fait, le désenclavement par terre de la région de Miragoâne qui sera reliée à la région de Jérémie, en passant par Baradères, revitalisera les communes isolées en raison du transport routier. Dans cette zone, un parc agro-industriel jouera un rôle important comme débouché pour les produits fruitiers, agricoles et de la mer.

Jérémie et les Cayes seront deux régions sœurs qui partageront en commun beaucoup de fonctions. La coopération entre ces deux régions fera leur force, de sorte qu’à deux elles représenteront la plus grande source d’alimentation pour le pays. Ce sera également une lourde responsabilité assignée à ces régions. Le ministère de l’équipement appuiera l’exécution de grands travaux d’infrastructure dans ces régions. Aux environs de la ville des Cayes, il sera construit un complexe de production d’eau potable et d’énergie électrique similaire à celui de Fort-Liberté. Deux autoroutes, l’une passant par Tiburon et l’autre suivant le tracé de la voie actuelle par Camp-Perrin, relieront la région des Cayes à celle de Jérémie. Cette dernière sera le siège d’une université d’Etat spécialisée dans les sciences agricoles et alimentaires. La base des revenus de cette région sera l’agriculture. Les Cayes intensifiera l’élevage et Jérémie mettra l’accent sur les vivres alimentaires. La SOGI et le CAP aideront à l’implantation de petits parcs agro-industriels dans les deux régions. L’industrie laitière et celle de la viande seront très développées grace à des dizaines de petites unités de transformation qui seront disséminées dans les communes. Les communes seront équipées aussi de petites entreprises de conserverie semi-artisanale pour la préparation du café, du cacao et la conservation des fruits et légumes. L’élevage des écrevisses sera très répandu dans les zones où il existe des cours d’eau qui descendent vers la mer. En somme, malgré l’essor que connaîtra le transport routier, ces régions resteront des centres importants de transport maritime, et la plupart des villes côtières seront équipées d’un wharf de cabotage. Finalement, dans les hauteurs du massif de la Hotte l’Institut de Reforestation et d’Entretien de l’Environnement (IREE) maintiendra la plus grande forêt du pays.

PERSPECTIVES.-

Le pays apparaîtra plus grand quand toutes les activités et toutes les ressources du pays ne seront plus concentrées à Port-au-Prince. Dans le cas où aucun effort systématique n’est entrepris pour permettre aux provinces de renaître et faire face aux besoins de la population, deux choses sont à prévoir : La première, c’est que dans moins de dix ans presque toute la terre arable du pays s’en ira vers la mer. La seconde, la population des campagnes connaîtra une dégénérescence totale, car tout moyen de subsistance aura presque disparue. Déjà, en 1982, une étude de la FAO concluait que l’équivalent de 6.000 ha de terre arable était emporté par les eaux de pluie tous les ans. Et compte tenu de l’évolution croissante du drame, en 1992 le pays, ou ce qu’il en restera sera hideux et horrible. Certainement, une issue aussi sombre ne concorde pas à l’esprit du 7 Février. Nous misons que ceux qui croient qu’aucun sacrifice n’est trop grand pour assurer le bien être de notre communauté comprendront ce message. Nous savons qu’il y a parmi nous des hommes qui aiment charnellement ce pays. L’amour est la plus grande force du monde, rien ne pourra nous arrêter! La mission d’inventer un avenir à notre peuple appartient, au premier chef, à nous les jeunes. Car, nous devons assurer la responsabilité d’inaugurer l’ordre des choses nouvelles et donner sa chance à notre pays, puisque notre avenir en dépend. Cependant, jeunes et vieux auront à travailler ensemble. Les différentes régions du pays auront besoin d’hommes politiques animés de bonne volonté et de cadres compétents, pour mettre en route le développement. Chacun de nous aura quelque chose à offrir afin que le progrès devienne une réalité.

Beaucoup de sociétés ont modifié leur destin grace à leur détermination. Rien n’est impossible à la volonté humaine. On peut se rappeler que les chinois avaient déplacé une montagne pour faire couler un fleuve jusqu'à une plaine. De leur coté, les Suisses avaient transporté les terres d’une vallée jusqu’au faîte d’une montagne pour y planter des vignes. Et plus près de nous, les Israéliens ont irrigué le désert de sable du Néguev et y ont fait pousser des arbres. Nous ne citons que ces faits, mais il y en a plein d’autres. Car, chaque peuple, à un moment donné de son histoire, s’est trouvé dans une situation critique où il lui a fallu prouver qu’il était formé d’hommes et de femmes qui étaient dignes de l’être. Les ressources de l’être humain sont inépuisables. Dieu nous a créés semblables à lui, si nous avons la foi nous pouvons faire des miracles. Il n’y a aucune raison pour que nous autres, nous baissions les bras, déclarant forfait avant même d’avoir essayé. Une vie ne vaut rien si elle n’a pas été consacrée à quelque tache noble et sublime.

Nous devons sortir notre pays de la nuit et l’amener à la lumière des temps modernes. C’est en se sens que le choix d’une démocratie fédérative est inéluctable. Seul un choix de ce genre peut libérer la force créative du peuple, galvaniser son énergie, lesquelles lui permettront d’inventer un avenir à ce pays. Le pays est le nôtre et nous lui appartenons. Nous devons vouloir ce qu’il peut devenir. Dans quarante ans, la population atteindra douze millions d’habitants. La reforestation du territoire sera complète, et notre faune comme notre flore seront reconstituées. Le pays jouera d’une autosuffisance énergétique et le plus reculé village sera éclairé à l’électricité. Les denrées d’exploitation seront le triple de leur volume d’aujourd’hui, et l’importation des produits alimentaires sera un lointain souvenir. Nous recevrons annuellement au moins un visiteur par habitant et notre balance des échanges sera excédentaire. Ce sera le bénéfice de la foi, de l’amour et de l’effort que nous aurons investi dans notre pays. Qu’il en soit ainsi.

Que Dieu nous bénisse !

A SUIVRE : LE PLAN D’URGENCE

vendredi 28 mars 2008

DOUBLE NATIONALITÉ / SÉNAT / RADIATION / « Le Sénat n’est pas dans son droit et outrepasse ses prérogatives constitutionnelles »

Sources: Le Matin du vendredi 28 mars 2008 et courriel de M. Robert Benodin du 27 mars 2008

Intervention de la sénatrice Edmonde Suplice Beauzile à la séance du mercredi 26 mars 2008 du Sénat de la République

Monsieur le Président,
Chers collègues sénateurs,

Dans ce qui est devenu, selon la grande presse, la saga Boulos, de nombreuses questions sont soulevées qui méritent que nous prenions le temps de la réflexion avant d’aller plus avant dans la prise de décisions graves et lourdes de conséquences qui peuvent entacher durablement la crédibilité du Sénat.

Dans cette affaire il est urgent que tous les protagonistes retrouvent le calme et la sérénité que requiert une situation aussi complexe. Toute précipitation ne peut être que préjudiciable pour nous sénateurs, mais par-delà nos petites personnes, préjudiciable pour le renforcement de cette démocratie que nous tentons péniblement de construire.

L’absence physique des deux collègues sénateurs directement concernés par cette affaire nous donne toute la latitude et tout le temps nécessaires pour réfléchir, écouter, prendre des conseils avisés pour ensuite décider en toute connaissance de cause. Les passions qui se manifestent autour de cette affaire qui semble vouloir créer une véritable crise dans le pays, nous pouvons la transformer en une véritable opportunité pour le renforcement de la démocratie et de nos institutions en adoptant une démarche didactique en faveur du respect de la règle de droit.

Le Sénat de la République est une institution puissante dans le système politique haïtien. Cela implique pour nous l’obligation de montrer l’exemple et de donner le ton. Le principe de base de la séparation des pouvoirs limite notre champ d’intervention et nous impose des normes que nous devons respecter si nous ne voulons pas nous déjuger.

Le Sénat est dans son droit quand il décide de s’autosaisir du dossier et de créer une commission d’enquête pour faire la lumière sur un sujet aussi essentiel que la nationalité de ses membres et de celle des membres du gouvernement. Sur 50 formulaires distribués, seulement quatorze (14) collègues ont répondu et accepté de collaborer avec la commission. Les membres du gouvernement, y compris ceux-là même qui ont fourni les informations sur lesquelles la commission a fondé ses conclusions, l’ont carrément snobée en refusant de remplir un simple questionnaire qui posait des questions banales qu’aucun responsable politique ou gouvernemental ne peut prétendre vouloir cacher.

Le Sénat n’est pas dans son droit et outrepasse ses prérogatives constitutionnelles quand, à partir des faits présentés par la commission, elle tire des conclusions définitives qui constituent une véritable radiation des deux de ses membres. Le Sénat n’est pas une instance de jugement et n’a aucune compétence pour traiter un contentieux électoral ni pour statuer sur la nullité d’un acte ni pour décider sur l’éligibilité d’un individu et encore moins pour constater sa déchéance d’un mandat électif dûment validé par ses soins.

Le rapport de la commission demande au Sénat de se prononcer sur le sort des deux sénateurs sur lesquels il a pu trouver des informations, mais n’a jamais parlé d’usurpation ni d’imposture. Ce sont là des jugements péremptoires que la résolution n’a pas vraiment pris le temps de fonder en droit.

Le Sénat, estimant à tort ou à raison que sa confiance a été bafouée, dans sa volonté de bien faire et de redresser les torts, a choisi de prendre la justice entre ses mains et de dire le droit sur un sujet délicat et complexe sur lequel la loi elle-même n’est pas très claire et suscite des controverses entre spécialistes.

Nous n’avons pas, comme au Bénin ou en France, une Cour constitutionnelle chargée de connaître des contentieux électoraux. Notre loi électorale en son article 123 est formelle et sans équivoque. Elle dit en substance qu’en cas de découverte, après une élection, de faits nouveaux susceptibles de démontrer l’inéligibilité d’un élu, le tribunal électoral compétent sera saisi pour statuer sur l’invalidation de celui-ci.

L’article 197 de la Constitution ne laisse pas non plus de place au doute: toutes les contestations nées à l’occasion de l’application de la loi électorale doivent être portées devant le tribunal électoral. Le Sénat ne peut en aucune façon dessaisir le contentieux électoral et décider sur le sort des deux collègues sans bafouer le principe de la séparation des pouvoirs et sans mettre à mal un fondement essentiel de notre système démocratique.

Imaginez la honte et l’embarras que constituerait pour le Sénat une décision du tribunal électoral qui donnerait raison à l’un ou l’autre des collègues sénateurs incriminés.

Personne ne s’est posé la question de savoir ce qui a jusqu’ici empêché les autorités compétentes du gouvernement de prendre leur responsabilité dans cette affaire. Les ministres de l’Intérieur et de la Justice ont chacun en ce qui le concerne un rôle à jouer dans la détermination de la nationalité des individus. Ils disposent de toutes les données et sont les mieux placés pour prendre les décisions administratives que la loi commande en de telles circonstances. Pourquoi se sont-ils contentés de transmettre des informations sans faire leur devoir ? Serait-ce parce les décisions administratives sont susceptibles de recours et peuvent être contestées en justice ?

Le minimum que le Sénat doit à des collègues dont il a validé l’élection, avec lesquels tous ont collaboré et que plusieurs ont même appréciés au point de les élire majoritairement à différentes fonctions qui dans des commissions permanentes qui au Bureau, le minimum décent est de leur laisser le droit qui est reconnu à tout citoyen ou à tout individu accusé d’un fait quelconque, celui de bénéficier d’un procès juste, équitable et contradictoire devant une instance impartiale. Cette remarque est d’autant plus pertinente que les intéressés ou tout au moins l’un d’entre eux conteste, depuis le début, énergiquement et avec constance, les accusations de détention de passeport étranger portées contre lui.

Le Sénat n’étant pas juge de la nullité des actes ni juge de la nationalité des individus ni juge de leur inéligibilité, il ne peut que constater les faits que la commission a portés à sa connaissance et les transmettre pour appréciation et décision aux instances compétentes. C’est seulement après une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose souverainement et définitivement jugée et confirmant lesdits faits que le Sénat pourra considérer les deux collègues comme ne faisant plus partie du corps. À ce moment seulement, il pourra en tirer toutes les conséquences.

Dans l’intervalle, quoi que les uns et les autres puissent penser, quelles que soient nos opinions individuelles sur le fond de l’affaire, les collègues Boulos et Compère restent et demeurent comme nous tous des sénateurs de la République, jouissant de tous les droits et privilèges attachés à cette prestigieuse fonction.

Il n’est pas normal que, plus de vingt (20) ans après la chute de la dictature, des élus du peuple se sentent obligés de se mettre à couvert sans pouvoir se présenter pour défendre en personne leur cas à cause de rumeurs persistantes d’arrestation arbitraire.

Le Sénat s’est trompé de bonne foi en votant une résolution dont les conséquences dépassent largement ses pouvoirs et, ce faisant, s’est mis dans l’illégalité et l’inconstitutionnalité. Commettre une erreur n’a rien de répréhensible en soi, celle-ci pouvant être corrigée, mais persister dans l’erreur devient tout simplement diabolique.

La précipitation qui caractérise la décision de demander aux collègues concernés de restituer les biens du Sénat mis à leur disposition et la proposition de les remplacer dans l’immédiat, n’est pas une attitude sage. Tout le monde a entendu les informations faisant état des mobilisations populaires en faveur de nos collègues et contre la résolution.

Prendre précipitamment des décisions comme si la cause était définitivement et souverainement jugée, alors que les instances compétentes ne sont même pas saisies, soulève de sérieuses interrogations sur les motivations véritables d’un tel entêtement dans l’erreur. Les deux sénateurs ne siègent pas et il ne faut pas être devin pour estimer qu’ils ne vont pas participer à nos prochaines séances, cela nous donne largement le temps d’attendre l’épuisement des voies de recours.

Il y aurait beaucoup à dire sur l’interprétation et l’application des textes traitant de la nationalité. Mais la question est complexe et trop controversée pour être débattue comme il convient ici. Il est plus sage de laisser les juges compétents faire leur travail.

Il faut savoir raison garder. La thèse qui veut que «nou fèl nou fèl nèt » n’a pas sa place dans une assemblée comme la nôtre. Ce n’est pas l’état d’esprit dans lequel nous devons aborder la question et travailler. La situation nous oblige à la sagesse, à la sérénité et à la pondération dans nos comportements. Il est urgent d’attendre, d’attendre que le mot du droit soit dit par qui de droit, d’attendre que les collègues aient pu faire valoir leur droit et produit leur défense, d’attendre avant de prendre toute autre décision.

Même si le Sénat avait raison dans son appréciation de la situation, nous aurions l’impérieuse obligation d’intégrer une culture de respect de la loi et des procédures établies. Ce n’est que comme cela que nous pourrons instaurer un véritable État de droit. La raison nous commande de mettre en veilleuse la dernière résolution adoptée en attendant le mot du droit. Il faut absolument éviter de fragiliser le Sénat en procédant immédiatement au remplacement de nos collègues dans le Bureau et dans les commissions où ils occupent des fonctions où nous les avons placés.

Edmonde Suplice Beauzile
Sénateur
vendredi 28 mars 2008
//Le document ci-dessus provient du lien ci-dessous:
http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=11944
//

mercredi 26 mars 2008

La DEA de nouveau lancée à la recherche de l’ancien chef rebelle Guy Philippe

Source: Le Matin du mercredi 26 mars 2008
Par Sylvestre Fils Dorcilus
dsylvestre@lematinhaiti.com

Guy Philippe

Une unité de l’Agence fédérale américaine de lutte contre le trafic de drogue « Drug enforcement administrator (DEA) » , accompagnée d’un agent du Bureau haïtien de lutte contre le trafic des stupéfiants (BLTS), a mené une opération musclée dans la nuit de lundi à mardi, à Pestel (Grand’Anse), dans la résidence privée de Guy Philippe, ancien chef rebelle et ex-candidat du Front de reconstruction nationale (FRN) à la présidence. L’information a été confirmée par le maire de Pestel, Lavilet Trézil.

« Après leur arrivée à bord d’hélicoptères, de véhicules, de bateaux, vers 2 heures du matin, des tirs puissants ont été entendus dans la zone où réside habituellement Guy Philippe. Personne ne savait de quoi il s’agissait. Toutefois, après quelques heures, nous avons appris que c’était une opération conjointe des agents de la DEA et du BLTS en la résidence privée du leader du FRN, Guy Philippe », a déclaré Lavilet Trézil à une station de radio de la capitale.

Le maire a dit déplorer cette opération qui, selon lui, n’a pas respecté les normes légales. « Il n’est pas possible qu’en pleine nuit, des agents spécialisés des forces étrangères et de la PNH puissent intervenir avec tant de fracas dans une localité sans informer quiconque de la nature de leur intervention », a-t-il dénoncé, tout en demandant aux dirigeants du pays d’apporter des précisions sur cette opération.

Ronald Jean-Charles, directeur de la mairie de Pestel a, pour sa part, indiqué que les agents de la Drug enforcement administration (DEA) ont perquisitionné dans plusieurs maisons dont celle des parents de Guy Philippe. « Ils sont intervenus avec beaucoup d’hostilité et ont mis à sac les maisons, brutalisant plusieurs personnes dont un frère de Guy Philippe, le Dr Sénèque Philippe », a-t-il précisé.Selon Ronald Jean-Charles, pendant le déroulement de l’opération le nommé Laplanche Joseph Junior, qui se trouvait dans la maison ciblée principalement, a été atteint de plusieurs projectiles ; toutefois, il est hors de danger. « Toutes les personnes trouvées dans les entourages de la résidence de l’ex-candidat à la présidence ont été sévèrement maîtrisées par les agents de la DEA, mais n’ont pas été arrêtées », a affirmé Ronald Jean-Charles. Sous couvert d’anonymat, un haut cadre de l’institution policière contacté au téléphone par Le Matin, a confirmé que des agents de la DEA, accompagnés d’un agent du BLTS à titre de traducteur, se sont effectivement rendus à Pestel à la recherche de Guy Philippe dans la nuit du lundi à mardi.

Selon la même source, le haut commandement de la PNH ne se prononcera pas sur l’opération, estimant qu’elle concerne directement le gouvernement qui a autorisé la DEA à mener ces types d’opérations sur tout le territoire national, suite à l’accord signé entre les ÉtatsUnis et Haïti au cours du premier mandat du président René Garcia Préval. Hier mardi, dans la matinée, des dizaines de citoyens de la société civile ont manifesté dans les rues de Pestel pour protester contre l’intervention des commandos de la DEA considérée comme une violation flagrante de la souveraineté nationale.

Après celle du mois de juillet 2007, c’est la deuxième opération de la DEA menée dans la résidence privée de Guy Philippe. Comme la première, la deuxième opération s’est révélée sans succès, car l’ancien chef rebelle, qui a joué un rôle important, à la tête de ses troupes armées, dans la chute du gouvernement de Jean-Bertrand Aristide, n’a pu être appréhendé.

mercredi 26 mars 2008

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http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=11885

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mardi 25 mars 2008

Ecole Polytechnique d'Haïti: Section d'Architecture en 1950

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Source: Université d'Haïti, Bulletin no. 1, volume I, juin 1950

Au-delà de l’Affaire Boulos

Source: Le Matin du mardi 25 mars 2008
Par Claude Moise
claudemoise@lematinhaiti.com

Trop d’institutions et de secteurs nationaux sont concernés pour que les réactions provoquées par ce qu’il faut désormais appeler l’Affaire Boulos ne se répercutent dans tous les compartiments de la société. S’il faut se fier à tout ce qui se dit et se répète, il y a lieu de redouter qu’elle ne donne lieu à une véritable bataille rangée. J’avais relevé, dans mon éditorial du 26 février dernier, que toutes les fois que la controverse sur la double nationalité est soulevée en se rapportant à un cas litigieux, elle provoque des réactions passionnées. J’abordais justement le problème posé par l’étude en commission sénatoriale de la bi nationalité des deux sénateurs incriminés. Le rapport présenté par ladite commission et la résolution sénatoriale qui s’ensuivit, plutôt que d’ouvrir sur la recherche d’une solution sereine, ont enflammé le débat. Boulos se rétracte – il a annoncé verbalement sa démission au cours de la séance du Sénat et décide d’aller devant les tribunaux. Partisans et détracteurs se déchaînent.

Les propos désobligeants, les accusations virulentes, les interventions d’une agressivité accusée, de tous bords, à commencer par la teneur même du rapport et de la résolution, incitent à se demander quels intérêts inavouables, quelles haines charrie ce flot d’opinions. Horreur! Le texte du Sénat invoque la clameur publique, l’une des formes les plus pernicieuses contre les libertés individuelles et que Mirlande Manigat a eu le bonheur de dénoncer. Le sénateur Fortuné, de son côté, non content d’avoir obtenu que ses collègues disposent des accusations portées contre les deux sénateurs, se répand en déclarations fracassantes dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles s’apparentent à de la persécution. Ce qui conforterait M. Boulos dans sa conviction qu’il est ciblé par un secteur politique – du côté du palais, dit-il – qui veut le détruire.

Ce n’est pas la première fois que, dans cette page éditoriale, nous abordons la question de la double nationalité, de ses incidences sur la vie nationale, du problème de la gouvernabilité et des failles constitutionnelles. Je rappelle que l’affaire Boulos n’est qu’un épisode de plus. Avant elle, il y eut l’affaire Siméus qui s’est terminée par un coup de force politique après que la Cour de Cassation se fut prononcée en faveur de ce dernier. Le sénateur Boulos avait établi clairement sa ligne de défense au vu et au su de tout le monde : il est né haïtien aux États-Unis et n’avait jamais renoncé à sa nationalité haïtienne. Le traitement de son affaire révèle que, malgré les prétentions du Sénat, il n’existe pas d’instance pour statuer d’autorité sur la question. Il a donc raison de vouloir pousser jusqu’au bout pour que soit dit le mot du droit. En cela nous le soutenons, tout en refusant de le suivre dans ses accusations.

Ici, au Matin, nous voulons demeurer fidèle à notre ligne éditoriale définie tout au début. Notre contribution à la clarification des enjeux et au développement de la pensée critique nécessaire à dissiper les confusions est notre raison d’être. Nous considérons que l’Affaire Boulos dépasse la personnalité du sénateur. Il s’agit d’une question essentielle qui va au-delà du vacarme politicien et porte sur une multitude de problèmes et de tracasseries auxquels sont exposés des dizaines de milliers d’Haïtiens et d’Haïtiennes émigrés (de petites gens) qui ont acquis une autre nationalité et qui maintiennent d’étroites relations avec la patrie d’origine. Formalités de séjour, acquisition de propriétés, liquidation de biens, etc., autant de solutions que prétend apporter la loi de 2002, mais qui constitue une conquête fragile puisqu’elle peut être attaquée en inconstitutionnalité à l’occasion d’un litige entre tiers.

En vérité, si l’on veut être sérieux, il faut profiter de ce débat pour aller au fond de nos problèmes de société. Et je conclue par les mêmes propos de mon éditorial du 26 février dernier sur la double nationalité :
«Quant à la mutation que l’ampleur de la migration a fait connaître à notre pays au cours des cinquante dernières années, il s’agit bien là d’une donnée sociétale qui conditionne l’importance de notre diaspora dans le devenir d’Haïti. On peut soulever autant de tempêtes que l’on veut, recourir à toutes sortes d’arguties quand ce n’est pas au dénigrement, il y a là un choix de société à faire
mardi 25 mars 2008
//L'article ci-dessus provient du lien ci-dessous
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jeudi 20 mars 2008

La démission de Rudy Boulos: un jour pour le chasseur, un jour pour le gibier

Par Gérard Bissainthe

Une note de presse annonce la démission du sénateur Rudy Boulos.

Ceux qui s’appellent les constitutionnalistes ou les légalistes vont y voir une victoire. Pour moi cette démission confirme que nous sommes toujours en plein tohu-bohu juridique et que nous tentons d’en sortir avec des solutions que j’appelle politico-émotionnelles et non point rationnelles.

Nous ne faisons d’ailleurs que ça depuis 1987. Notre constitution n’a jamais été rien d’autre qu’une sorte d’extincteur d’incendie que chacun (individu ou groupe), en position de force, se met à actionner dès qu’il se sent atteint ou même menacé par le feu, avec la complicité ou active ou tacite du secteur de la classe politique que cette solution arrange. Un jour pour le chasseur, un jour pour le gibier.


1.- Lavalas arrive au pouvoir et proclame: “L’élu du 16 décembre a reçu du peuple un mandat qui dépasse la constitution.” Il se comporte en conséquence.
Je suis un des rares, très rares à protester.
Je signale qu’à l’époque Boulos n’avait pas protesté.
La gifle à la constitution est passée comme une lettre à la poste.

2.- Quelque temps après, Lavalas dissout l’Armée. C’est totalement inconstitutionnel. Il ne fallait pas dissoudre l’Armée. Il fallait la réformer, ce qu’on fait dans tous les pays du monde qui n’utilisent pas comme nous la thérapeutique de détruire le malade pour détruire le mal.
Un très large secteur de la classe politique, à commencer par tous les stratiaphobes non seulement ne proteste pas, mais applaudit avec frénésie.
Leslie Manigat, qui depuis longtemps réservait à l’Armée un chien de sa chienne, sourit dans sa barbe.
La violation flagrante de la constitution est passée comme une lettre à la poste.

3.- En 1994 Aristide renversé donne son accord pour une invasion du pays par une armée étrangère. Il avait lui-même reconnu pendant longtemps que c’était totalement inconstitutionnel. On finit par lui faire voir la lumière sous un autre jour; il cède. Une armée étrangère occupe alors le pays de manière totalement inconstitutionnelle.
Un très large secteur de la classe politique, Boulos en est, non seulement ne proteste pas, mais applaudit avec frénésie. Cette occupation pour “ramener la démocratie” est un échec total. Le pays s’enfonce encore plus dans le chaos.
La violation flagrante de la constitution est passée comme une lettre à la poste.

4.- Plus tard, devant une chimérisation croissante du pays, les “184” déclenche une opération GNB pour faire tomber le chef de l’Etat. Cette opération est dirigée, selon toutes les apparences, par un secteur très actif de la société haïtienne, que j’appelle les “Levantino-Haïtiens”. Un “Conseil des Sages” est alors mis sur pied; il fait la pluie et le beau temps. Mais il n’en existe aucune trace dans notre Constitution.
La violation flagrante de la constitution est passée comme une lettre à la poste.

5.- Quelque temps plus tard, le président Aristide est de nouveau renversé. C’est totalement inconstitutionnel. Pour le renverser les esprits très démocratiques de l’heure qui n’arrêtent pas de jurer par la constitution ont fait appel à qui? Mais voyons, aux membres de l’Armée qui avait été dissoute par Aristide. Cependant juste avant la victoire, on a fait comprendre aux membres de cette Armée que s’ils étaient bons pour se battre, il n’était pas question qu’ils aient une entrée triomphale à Port-au-Prince. Leur “licenciement” nous fallut une mise à sac épouvantable de Port-au-Prince: plus d’un milliards de dollars US de dégâts. Plutôt la mort que la souillure. Depuis, le “show constitutionnel ondulatoire” continue.
La violation flagrante de la constitution est passée comme une lettre à la poste.


Nous pouvons donc constater que depuis la promulgation de la constitution en 1987 jusqu’à nos jours, le pays avance de violations constitutionnelles en violations constitutionnelles comme un moteur à explosion.

Mais il avance en marche avant ou en marche arrière? That’s the question.

La dernière explosion est le processus maintenant engagé de purification civique du Corps Législatif et du Corps Exécutif.

Ma position clairement exprimée avait été et est toujours que toute campagne de purification civique pour traquer et exclure les “Bi-Nationaux” est une impasse juridique et une impasse politique.

Impasse juridique. Les arguments contre la Binationalité ne valent pas mieux que ceux pour la Binationalité. Ceux qui prônent un amendement de la constitution oublient que cet amendement ne pourra pas prendre effet avant 2011. Qu’est-ce qu’on fait entretemps? Guili guili ?

Impasse politique. Lorsqu’on a exclu Siméus et Mourra, lorsqu’on exclut aujourd’hui Boulos, il est évident, messieurs les Purs, que c’est parce qu’on en a contre la Diaspora. Et dans le cas de Boulos, il est plus qu’évident que de surcroit on veut se payer la tête d’un “Arabe”, je préfère, moi, dire un Levantino-Haïtien, en soulignant par là qu’ils sont haïtiens. Si je suis celui qui a dénoncé ouvertement la prédominance des Clairs (Euro- et Levantino-Haïtiens) dans notre pays, j’ai toujours dit qu’ils ont leur place dans un pays où ils ont beaucoup fait, où ils ont accumulé certes de grandes réussites, mais aussi des erreurs et même des fautes graves, que ma solution est que l’on donne aux Noirs les moyens pratiques (éducationnels surtout) d’aller entrer en compétition avec eux, pour éventuellement même les battre, puisqu’ils sont majoritaires. L’arme du progrès social est la structuration mentale et technologique. Ce n’est pas avec des expédients juridico-émotionnels qu’on va sauver le pays. Ce n’est pas avec la lettre mille fois bafouée, balafrée, écartelée, écrabouillée, assassinée de la constitution qu’on va sauver le pays. Un jour pour le chasseur (les 184 avaient gagné il y a quelque temps); un jour pour le gibier (aujourd’hui les autres –mais qui sont les autres?-- ont leur revanche). Misérable et débile politique pendulaire qui nous livre tous, pitites-soyètes, arabes, pas arabes, clairs, noirs, pieds et mains liés aux Etrangers.

Vous me faites rire, si vous ne me donniez pas envie de pleurer, messieurs les Purs, lorsque vous me parlez de pureté civique, lorsque vous me parlez de votre peur que les étrangers ne viennent diriger le pays avec l’aide des Binationaux, pendant qu’aujourd’hui, à votre demande, avec votre complicité à tous, une Minustah d’Etrangers pur sang occupe le pays et fait (avec une incompétence notoire et scandaleuse) un travail de maintien de l’ordre et de la sécurité que vous n’avez ni l’intelligence, ni la force, ni le courage de faire vous-mêmes. Vous êtes aveugles ou inconscients? Le mur que vous voulez élever laborieusement, dispendieusement entre les Monotionaux et les Binationaux est un Mur de la Honte et de l’Indécence, messieurs les Purs

Il est maintenant grand temps d’arrêter les frais. Il est grand temps d’arrêter notre guerre picrocholine entre le camp des Gribouilles et le camp des Bouquis. A moins d’installer à nos frontières des détecteurs puissants de Binationalité, je ne vois vraiment pas comment nous allons barrer la route à nos plus d’un million de Binationaux qui vivent aujourd’hui principalement aux Etats-Unis et en République Dominicaine. Vous pensez à des subtilités du genre: les Binationaux peuvent faire partie de l’Exécutif pas du Législatif? Finesses de gourmet. Puisque notre pays n’a pas de pain économique, nous pouvons toujours tenter de le nourrir avec la brioche juridique. Aux yeux du monde entier nous aurons l’air si distingués.

Je rappelle encore à ceux qui s’acheminent vers un amendement de la constitution pour résoudre la question de la double nationalité, que d’après l’article 284-2 ( va-t-on le trucider? ) cet amendement ne pourra pas prendre effet avant 2011. Qu’allons-nous faire entretemps, cet entretemps pendant lequel nous avons l’air de nous amuser si follement avec la Minustah?

En attendant évidemment nous pourrons toujours continuer à nous crêper le chignon, nous pourrons toujours continuer à traquer cette Diaspora qui s’obstine à vouloir s’intégrer, s’investir dans le pays, corps et âme, à part entière, pour lui apporter ses ressources, du travail, ses idées, au coude à coude et de plain pied avec toute la population, sans qu’elle soit ostracisée, sans que l’on continue à lui dire: “On n’a que faire de vous. On a seulement besoin de votre argent.”

Evidemment entretemps, de 2008 à 2011, le peuple pourra toujours manger un peu de terre. C’est le fonds qui manque le moins.

Je sais que je vais à contre-courant et que, pour ne pas changer, le C.P.P. (le Chœur des Pleureurs et des Pleureuses) va me décerner toutes sortes de noms d’oiseaux, lorsque je dis que notre Sénat ne sera pas mieux, ne vaudra pas mieux sans Boulos. Je ne dois rien à Boulos; il ne me doit rien. Bien longtemps avant lui un Président m’avait offert le poste de Premier Ministre et j’avais refusé; plus tard quatre sénateurs étaient venus chez moi pour me faire la même proposition et j’avais encore refusé. Boulos, et c’est pour cela que je m’attarde à son cas, est un de ces citoyens haïtiens qui au lieu de prendre le large et d’aller se faire voir ailleurs, alors qu’il aurait pu, et que cette solution aurait été bien plus confortable pour lui, a choisi de s’intéresser toujours au sort d’un pays auquel il veut donner un peu de lui-même. Je souhaite que son échec provisoire ne le décourage pas lui-même, ni ne décourage ceux qui viennent d’ailleurs ou dont les parents viennent d’ailleurs. Je souhaite qu’au lieu de se retirer sous sa tente, il essaie une autre voie que “la voie parlementaire”, en laquelle moi je n’ai jamais cru. Notre pays ne peut refuser, doit même accueillir à bras ouverts, ceux qui lui apportent leurs ressources ou leur esprit ou même simplement leur cœur.
19 mars 2008

mercredi 19 mars 2008

Prospectives Pour Une Renaissance Haïtienne - (Pages retrouvées V)

Par Paul G. Magloire
(c) 1986, 2008

NDCDP.- Nous publions la deuxième partie du texte de 1986 écrit par Monsieur Paul G. Magloire. La première partie a été postée sur ce blog le dimanche 16 mars 2008. Bonne lecture. N'hésitez pas réagir après lecture et réflexion; vous pouvez facilement écrire vos remarques à l'endroit spécifié sur le blog, à la fin du texte: il suffit de cliquer sur "commentaires" pour ensuite être en mesure de taper sur le blog votre texte.

EN GUISE D’AVANT PROPOS.- (03/18/08)

(AVANT QU’IL NE SOIT TROP TARD-V!)


Plus nous avançons dans le texte de 1986, plus nous mesurons le temps perdu. Après 1986, ceux qui sont arrivés au pouvoir, en général, ont cherché surtout à combattre leurs potentiels compétiteurs et à régler leur compte à leur adversaire, réel ou imaginaire, pour faire place nette et perdurer à leur poste, même sans rien produire de valable. Et, à chaque fois, le même théâtre se répétait. L’un ou l’autre qui ce croyaient choisis par Dieu perdaient le pouvoir dans la honte et l’ignominie avec leur petitesse, vraie ou fausse, étalée au grand jour. Est-ce qu’on a vraiment gagné en sagesse après ces derniers 20 ans qui sont censés représenter la fin d’une transition qui ne voulait pas finir ? Ou bien, on aura à revenir encore à la case de départ, par suite d’une série d’erreurs, comme quoi nous n’avions pas bien appris de ces dernières années tumultueuses. L’odieux spectacle dont le parlement est le théâtre actuellement semble exprimer le contraire. Non, nous n’avons pas bien appris.

En fait, servir son pays à une haute fonction de l’Etat est beaucoup plus qu’un privilège; c’est un honneur, et en ce sens il faut faire de son mieux pour le mériter. Le pays n’a plus beaucoup de temps à perdre. Donc, il faut se demander pourquoi un effort, pour amener tous les secteurs à travailler ensemble pour le bien du pays, n’est pas entrepris de façon très sérieuse ? Car, nos différences, loin de nous diviser et nous affaiblir, devraient plutôt être une richesse capable de dynamiser le processus de notre jeune démocratie. Les compromis vaillent bien mieux que ces luttes intestines sans fin pour des peccadilles et des platebandes qui ont largement contribué à réduire la nation à vivre de la mendicité internationale.
La politique de création de commissions qui a été suivi pendant le régime intérimaire a permis de traiter des sujets très difficiles. C’était le cas pour les coopératives qui réclamaient qu’une attention soit donnée à leurs revendications ; ou celui des militaires démobilisés dont les fonds de pension avaient été galvaudés. Ces commissions étaient une façon d’établir un minimum de dialogue en absence d’un parlement. Les bonnes volontés ne manquent pas, probablement, mais ce qui fait défaut, grandement, c’est le savoir-faire. Continuons avec le texte de 1986.


PROSPECTIVES POUR UNE RENAISSANCE HAITIENNE
(suite)

MINISTERE DE LA PRODUCTION.

Les quarante prochaines années seront consacrées à la production. La production traditionnelle est tombée à un niveau très bas. Et jusqu’à présent, la majorité des biens nécessaires à la collectivité nous viennent de l’étranger. Il y a là un défi que nous devons relever.

Le Ministère de la Production embrassera la Direction de l’Agriculture, de l’Elevage, de la Pêche, de l’Industrie, des Mines, de l’Artisanat, et du Centre d’Appui à la Production (CAP). Ce ministère sera le grand catalyseur pour activer le développement de la production nationale. Cependant, la tache sera ardue, parce que les élites économiques Haïtiennes sont formées d’une proportion plus importante d’hommes d’affaires que d’entrepreneurs. Si les entrepreneurs sont intéressés à fabriquer des marchandises, les hommes d’affaires eux-mêmes ne s’intéressent pas à fabriquer des objets, mais à faire de l’argent. Le risque de la production effraie cette classe à part d’individus. L’approche du ministère sera principalement d’optimiser les investissements dans la production, dans le but d’inciter le déplacement des investissements du secteur d’affaires vers le secteur de production. À cet effet le CAP sera créé comme l’institution que l’entrepreneur trouvera derrière lui au moment des difficultés.

Le CAP ne sera pas une institution classique avec une rigidité cadavérique, qui propose des solutions toutes faites. Elle aura une structure suffisamment souple et agile pour secourir l’entrepreneur dans les situations les plus imprévisibles et étudier, de concert avec lui ou elle, les moyens à mettre en œuvre pour sortir d’un mauvais pas. L’action du CAP sera discrète et confidentielle; et elle travaillera avec un entrepreneur à l’insu du ou des institutions financières ou de toute autre administration ayant à voir avec les affaires de l’entrepreneur. Les brigades du CAP seront entraînées dans des domaines variés, allant de la planification d’entreprise à l’expertise comptable. Leurs grandes spécialisations seront la stratégie de pénétration de marché et la recherche de financement. Si l’esprit d’investissement anime la classe économique, l’initiative privée s’étendra à la population et le nombre d’entrepreneurs ira en se multipliant. Le CAP aura pour mission d’accompagner l’entrepreneur et elle fera son possible afin que cette mission se manifeste dans la réalité.

La potentialité minière du pays est faible et insuffisante pour porter la charge de financement de nos besoins en équipement et payer le coût du support que l’Etat fournira au secteur privé. Mais, notre sous-sol n’est pas entièrement vide. Certaines ressources minières comme le marbre, le sable calcaire, et l’or sont suffisamment importantes pour être orientées vers l’exportation. Elles seront des sources de devises et de recettes budgétaires pour l’Etat. Dans ce même objectif, l’or, le cuivre et le marbre transformés par l’artisanat local pourront trouver un débouché intéressant sur le marché touristique local qui se développera.

Pour l’essentiel, la production nationale sera tournée vers le marché domestique. Certainement le pays continuera à exporter les denrées traditionnelles et à en augmenter la quantité. Certainement nous aurons à prendre avantage de l’opportunité de l’industrie de la sous-traitance. Car, il faudra rapidement fournir du travail à près de deux millions de chômeurs ou de chômeurs déguisés des zones rurales et urbaines. Néanmoins, ce sera à l’industrie nationale de bénéficier de l’avantage de la croissance du pouvoir d’achat sur le marché local. Il ne sera pas question d’adopter une politique de portes ouvertes aux produits étrangers. Les portes seront entrebâillées. On peut se demander pourquoi cela ? La réponse est simple.

Il y a une longue liste de pays qui avaient adhéré à la politique de développement basée sur la théorie des avantages comparatifs. En termes clairs, cette théorie avait prescrit aux pays sous-développés de se spécialiser dans la production des biens qu’ils pouvaient fabriquer à moindre coût et d’importer des pays développés, à des coûts moindres, les autres biens dont ils avaient besoin. Le résultat de l’adoption de cette théorie a été pour les pays sous-développés une figure grimaçante qui traduit qu’ils ont été l’objet d’une farce cynique de la part de ceux qui avaient inventé cette théorie dans leur propre intérêt. Les statistiques de la Banque Internationale de Développement (BID) sont très claires là-dessus. Entre 1980 et 1985 le volume des importations de l’Amérique Latine avait augmenté de 7,2% par an. Parallèlement, la valeur des exportations des pays de cette région est tombée de 6,6% à 4,6% par an dans l’intervalle de 1981 à 1985. Donc, cette théorie des avantages comparatifs ne profite qu’aux pays industrialisés qui achètent les produits agricoles des pays sous-développés et les leur retournent dans les boites en fer-blanc et sous du papier plastic, en réalisant des marges de bénéfices substantiels. Car ce qu’on peut voir, c’est que les prix des produits des pays sous-développés baissent, tandis que ceux des pays industriels montent. En somme, il faut en conclure que la théorie des avantages comparatifs est une morgue de pays riches pour maintenir les pays pauvres dans leur sous-développement. Le petit producteur de riz de la Vallée de l’Artibonite est très conscient de ce marché de dupes. Il peut vous dire que naguère il vendait un baril de riz pour acheter une belle robe à sa femme et se procurer personnellement un très beau costume. Aujourd’hui quand il vend un baril de riz, il arrive à peine à payer une pacotille à sa femme et un « pépé » à son fils. C’est cela que les économistes appellent, dans leur jargon, la détérioration des termes de l’échange. En outre, l’espoir de trouver dans les pays développés les portes grandes ouvertes aux produits agricoles venants de notre pays est un leurre. Car ces pays, étant des démocraties, ont des associations privées de producteurs qui mettent des barreaux solides derrière les portes officielles, afin d’empêcher que les produits importés viennent concurrencer la production locale. Récemment, l’expérience des producteurs d’agrumes de la Jamaïque a donné un éloquent exemple de la manière de faire et de la position des associations de producteurs dans les pays développés. Dans le cadre du plan Américain d’Initiative dans le Bassin des Caraïbes (CBI) les agriculteurs Jamaïcains se sont lancés dans la production d’agrumes visant le marché Américain. À la grande déconvenue de ces agriculteurs, les barrières douanières Américaines ne se sont pas ouvertes aux juteuses oranges Jamaïcaines, car, le cartel des producteurs de la Californie et celui de la Floride se sont opposés farouchement à l’entrée de produits concurrents sur leur marché. En fait, «charité bien ordonnée commence par soi-même». Cela n’est certes pas un principe biblique, mais un principe économique de pays riches.

Le fait de privilégier le marché domestique sur celui de l’exportation portera le ministère de la production à consacrer le gros de son appui à inciter la création de petites unités industrielles et artisanales tournées vers le consommateur Haïtien. En ce sens, une grande importance sera accordée au fonctionnement des coopératives. Le CAP fournira à celles-ci une assistance technique et des garanties de financement à long terme à faible taux d’intérêt. Pour offrir un excellent service, le CAP cherchera à trouver l’aide de l’organisation des Nations Unies pour le développement Industriel (ONUDI) et utilisera les informations et l’expérience de cette agence internationale en matière de projets industriels.

En somme, des industries de faible capacité de production sont favorables au développement d’une économie intégrée. Les petites usines ont l’avantage d’offrir des produits de qualité supérieure et utilisent une proportion de main d’œuvre plus élevée que les grosses unités industrielles. D’ailleurs, chez nous, ces dernières sont toujours en difficulté en raison de l’étroitesse du marché national et de la faiblesse des standards de qualité de leur production qui freine leur pénétration sur le marché extérieur. À telle enseigne que la majorité des grosses unités de production qui tournent actuellement dans le pays, le fait à moins de 50% de leur capacité installée. Cependant, il sera dans l’intérêt de la nation d’étudier la situation de certains gros investissements et de trouver des moyens pour ne pas les laisser mourir de dépérissement.

DU MINISTERE DU COMMERCE.

L’appui de l’Etat au secteur privé ne sera pas gratuit. Le consommateur Haïtien devra être récompensé par le secteur privé de cette preuve de bonne foi des institutions publiques en faveur des producteurs. Le Ministère du Commerce veillera à ce que le droit du consommateur soit respecté et que le support de l’Etat aille uniquement aux méritants.

Toutes les activités de production et de services, sans exception, seront répertoriées et soumises à une licence d’établissement et de fonctionnement. Et les contrevenants seront rigoureusement sanctionnés par les instances compétentes en la matière. Le Ministère du Commerce traquera systématiquement tous ceux qui voudront se déroger à leur obligation. Par exemple, l’extension de la contrebande a pris dans le pays des proportions inquiétantes. L’Etat sévira contre ces malfaiteurs, car la contrebande est incompatible avec une société démocratique qui prescrit une égale opportunité pour tous. Parmi le train de mesures qui seront adoptées pour enrayer le mal de la contrebande, il faut mentionner la formation d’une brigade spéciale anti-corruption. Les biens entrés illégalement dans le pays seront confisqués par cette brigade quelque soit l’endroit où ils se trouveront. Ils seront ensuite transférés au Bureau National des Etats d’Urgence (BNEU) qui versera 25% de leurs valeurs monétaires sur le marché local à la brigade anti-corruption, 25% au syndicat des douaniers et les 50% restants, au trésor public. Les contrebandiers et leurs complices coupables de tels forfaits seront passibles de peines de prison augmentées d’amendes très fortes selon le cas.

Le Ministère du Commerce n’aura pas pour autant une fonction répressive. Il jouera essentiellement un rôle d’animateur de l’activité économique et de la libre circulation des biens et des richesses. Pour aider le secteur industriel à atteindre un haut standard de performance, ce ministère créera un Institut de Contrôle de la Qualité (ICQ). Le rôle de cet organisme consistera principalement à vulgariser dans le secteur économique les standards de qualité atteints dans les industries d’outre-mer et les procédures utilisées. Il fera des comparaisons avec les performances locales et vulgarisera les améliorations obtenues par l’Institut de Recherche Technologique, l’IRT. L’Institut de Contrôle de la qualité portera un accent particulier sur l’effort qui sera fait dans le domaine de l’emballage, du marketing et du développement des produits et de leur multiplication en rapport aux besoins et exigences des consommateurs locaux et étrangers. C’est une institution qui collaborera étroitement avec le secteur privé et sera ouverte à des recommandations généralement quelconques venant de tous les horizons. Toutefois, il sollicitera des producteurs le respect des performances moyennes obtenues dans la production locale et informera l’Etat sur les industries et les entreprises où aucun effort pour le progrès n’est ressenti. En cela, il sera pour le consommateur local l’investigateur des produits sur le marché et un œil avisé de leur valeur marchande.

En général, le Ministère du Commerce aura un regard très large en matière de services aux clients, fournis par le commerce, et aidera ce secteur à améliorer la qualité physique de la présentation des produits, et l’entraînement du personnel affecté à la vente. La vérité est qu’actuellement, l’accueil au client, que ce soit dans le privé ou dans le public, est une tristesse. C’est effrayant de voir dans une banque un caissier chasser un client sous prétexte qu’il l’ennuie. Et, le pire, c’est que ce genre de scène est courant. Dans certaines entreprises, la rebuffade est une règle dont le personnel se félicite de connaître toutes les ficelles. Et ce qui n’a pas de nom, c’est que ces déplorables manières sont souvent sélectives. Le client qui est rabroué peut se voir automatiquement suivre par un autre qui est reçu avec le grand sourire. Quelle affaire! Le Ministère doit aider à un changement d’approche dans le secteur de la vente et du service en général. Car, quand une entreprisse périclite, même quand cela est du à sa propre incompétence, c’est la nation toute entière qui perd quelque chose aussi infime soit-elle. Il faudra encourager l’adoption dans le pays du principe que le client est roi. A tous les niveaux, la qualité devra être notre force. De toutes les façons, les Haïtiens qui viennent de l’extérieur n’accepteront pas ces procédés, après avoir connu autre chose ailleurs. Ce sera un facteur important de changement d’attitude de la part des services qui voudront attirer cette nouvelle catégorie de clients.

Nous devons envisager d’avoir des structures exports-imports assez flexibles, afin de rendre l’échange des biens et des services avec l’étranger compatible avec notre effort de production et la demande du marché local. En fait, à proprement parler, il n’y aura pas de barrières douanières, mais l’application d’un système de taxation sélective et temporaire affectant certains produits. Ce système sera établi en mettant l’accent sur l’amélioration de la qualité des services au niveau des douanes, et par le droit qui sera reconnu aux usagers de poursuivre l’Administration des Douanes en cas d’insatisfaction et de frustration découlant de mauvais service.

La direction du commerce extérieur aidera largement les exportateurs à pénétrer le marché extérieur. Il prendra, en grande partie, la responsabilité de créer un climat d’affaire favorable dans les pays où il existe une concentration de population Haïtienne. Ces haïtiens ont un important pouvoir d’achat, dans certains cas, très supérieur à celui du marché local. En fait, une campagne publicitaire sera entreprise pour positionner des produits –leader sur ces marchés. Ces produits serviront de tremplin pour atteindre des segments plus larges du marché international. Cela marchera mieux dans les pays où la fraction de la population Haïtienne est importante et active.

DU MINISTERE DE L’INTERIEUR.

Le rôle d’un ministère comme celui de l’Intérieur sera réduit dans la société fédérale démocratique, mais sera très important sous l’aspect de cohésion politique. Ce ministère aura sous sa tutelle des agences fédérales telle que le Service Anti-drogue (SAD), et la Direction des Affaires Régionales (DAR). Cette dernière, par exemple, aura en particulier le rôle de coordonner et de superviser les polices communales, celles de la circulation, des forets et d’autres services auxiliaires, et de veiller à ce qu’elles accomplissent, sans bavure, leur tache de protection de la communauté civile. Ce ministère sera aussi responsable de la sécurité du territoire et en cette matière travaillera en étroite collaboration avec les gouverneurs et les forces armées.

MINISTERE DE LA DEFENSE.

Les Forces Armées du pays seront placées sous la tutelle du ministère de la défense. Mais, les trois armées, la marine, l’armée de l’air et l’infanterie seront des institutions autonomes ayant une direction générale commune, le Haut Etat Major des Forces Armées d’Haïti. Les Forces Armées redeviendront un corps professionnel et leur dignité sera rétablie devant la population. « La sécurité nationale étant tributaire du niveau de développement de la nation concernée, la première tache de défense nationale ne sera pas de fortifier une position mais de faire la chasse au sous-développement et à ses séquelles. Suivant ce concept, l’Armée, tout en protégeant les vies et les biens, aura rendez-vous dans les classes d’alphabétisation, dans l’érection des cités ouvrières, dans les champs à irriguer, sur les voies de pénétration à percer, dans les dispensaires et les hôpitaux à construire, sur les terrains de sport, partout où le bien-être du citoyen nécessitera ses connaissances, ses lumières, son courage moral et physique, son patriotisme. C’est le prix à payer pour une totale imperméabilité dans la structure de défense du territoire Haïtien. » (Col. Himmler Rebus, Directeur de l’Académie Militaire)

Des dispositions spéciales seront adoptées afin de faciliter le recrutement des femmes par les Forces Armées, et leur intégration dans les différents Corps Militaires. Les Forces Armées seront légalement protégées contre les interventions politiques des gouvernements et se consacreront à la protection du territoire national. Les corps militaires seront logés dans des casernes modernes, et ils seront équipés de matériel adéquat qui devra leur permettre d’accomplir leur devoir, le cas échéant, avec le plus haut niveau de professionnalisme et d’efficacité, Il y aura des installations militaires dans les principales zones stratégiques du pays. Et en retour du service que le pays attendra des militaires, l’état garantira du simple recru au plus haut gradé de l’Armée, une excellente condition de vie et d’épanouissement. C’est ainsi qu’il sera envisagé de construire des hôpitaux, des écoles, des centres sportifs et de loisirs pour les militaires et leur famille. Ensuite, le salaire des militaires sera ajusté sur le niveau de vie. Et après un état de service normal, le militaire aura droit pour sa retraite à une pension égale à la totalité de son dernier salaire. En plus, il sera envisagé des mesures spéciales visant à améliorer les conditions de vie des militaires à la retraite, et de ceux qui vivent actuellement dans la gêne.

Parmi les premières mesures, la base Navale Hamilton KILLICK de Bizoton sera déplacée sur l’Ile de la Gonâve. Cette nouvelle base militaire hébergera également un corps d’élite d’infanterie et une brigade aéroportée. Ce sera également le siège de l’Ecole Militaire Charlemagne PERALTE. Dans cet établissement, les futurs officiers des différents corps de l’armée recevront une formation qui les préparera à l’exercice de leur tache civique. Le corps de génie apportera sa collaboration à l’œuvre de réaménagement territorial et des unités de l’armée seront entraînées à la tache de protection civile au cours de désastres. Dans une société démocratique, un militaire est respecté, non en raison de la force qu’il incarne, mais du fait que son métier de soldat est pour le civil un exemple de civisme, de discipline et d’un amour de la patrie qui va jusqu'au sacrifice suprême. Toutefois, la création d’une armée forte ne vise pas à préparer la guerre, mais à s’en protéger.

lundi 17 mars 2008

dimanche 16 mars 2008

Prospectives Pour Une Renaissance Haïtienne - (Pages retrouvées IV)

NDCDP.- Le Coin de Pierre, avec l'accord de l'auteur, publie ci-dessous le fruit des ses mûres réflexions. Bien qu'il date de 1986, le texte est d'actualité. L'auteur a tenu à le faire précéder d'un avant-propos, datant d'aujoud'hui, qui, tout en introduisant le texte de 1986, constitue, un document riche en idées, en expériences et en leçons pour ceux qui luttent pour bâtir un avenir meilleur aux fils et aux filles du pays d'Haïti.
Félicitations, M. Paul G. Magloire.

Dr. Pierre Montès
dimanche 16 mars 2008

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PROSPECTIVES POUR UNE RENAISSANCE HAITIENNE
(Pages retrouvées IV)

Par Paul G. Magloire
(c) 1986, 2008



EN GUISE D’AVANT PROPOS.- (03/16/2008)

(AVANT QU’IL NE SOIT TROP TARD-IV)


Nous sommes très content de l’intérêt suscité par la publication de ce texte de 1986 sur Internet. Mais, notre grande surprise c’est de voir que beaucoup de nos lecteurs ne remarquent pas que ces écrits sont déjà vieux de plus de vingt-ans. Ce qui voudrait dire, qu’après vingt ans, les choses n’ont pas beaucoup changé. Certains de nos lecteurs, toutefois, nous on dit qu’ils ont pu retracer les origines du programme de la déconcentration que nous avions lancé lors de notre passage, (Juin 2005-Juin 2006) au Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT). Nous avons fait ce que nous avions pu, dans ce laps de temps très court, pour prouver que ce que nous avions écrit était réalisable. Bien sûr, pour essayer de faire un peu plus que ce que nous aurait permis le cadre du MICT, nous avions signé des protocoles d’accords avec la plupart des autres ministères afin d’intervenir dans beaucoup d’autres domaines déjà articulés dans ce texte.

Notre grande fortune, c’est d’avoir eu cette opportunité d’aider à mettre en place un système électoral qui a délivré les élections les plus démocratiques de l’histoire du pays, avec l’équipement le plus moderne. Et il était même question de faire d’avantage, si on avait le temps et les moyens.


Tom Désulmé, qui était un leader et un homme d’Etat avec une vision claire de l’avenir, nous avait dit, bien avant Hernando de Soto, l’économiste péruvien, que «Haiti commencera sa marche réelle sur la voie du développement quand un cadastre et un régime d’état civil seront bien établis dans le pays, et au point, qu’il n’y aura plus de débats sur l’appartenance du capital foncier; quand chaque citoyen aura une pièce d’identification qui ne pose pas de confusion ; et quand le peuple pourra, enfin, voter dans une élection libre, honnête et démocratique, ceux et celles qu’il veut choisir pour gérer le pays ». Lui aussi, fils de paysan, qui a réussi comme un capitaine d’industrie, et dans son pays natal et à la Jamaïque, voulait voir ces choses-là, mieux que toute autre chose ; même si cette autre chose était un poste de président qui ne lui aurait pas permis de travailler au progrès réel du pays... A la vérité, nous avions, par nos actes, cherché à honorer la mémoire de ce Grand Haïtien, et celle de tous ceux-là aussi qui ont fait le sacrifice ultime avec l’espoir que leur sacrifice pour la patrie aura servi à quelque chose. Mais, il y a, certes bien plus encore à faire pour le développement du pays. Et un élément important du mélange, c’est d’apprendre à vivre ensemble, sans malice, et sans croire que les autres sont des Bouquis. Comme quoi, ils regardent, mais ne comprennent pas. Et au-dessus de tout, nous devons régler la question de la DECENTRALISATION du pays.

Dans cette partie du texte, les lecteurs auront l’opportunité de voir que, depuis 1986, nous avions énoncé clairement notre position sur la question de la double nationalité. Et notre position n’a jamais changé depuis. Cependant, en tant que grand commis de l’Etat, nous avions toujours respecté la Loi Mère, et dans son texte et dans son esprit.
Continuons avec le texte de 1986.

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PROSPECTIVES POUR UNE RENAISSANCE HAITIENNE
Par Paul G. Magloire
Décembre, 1986


DU MINISTERE DE LA SANTE ET DE LA POPULATION

D’ici quarante ans (2026) les statisticiens prévoient que la population Haïtienne sera le double de ce qu’elle est aujourd’hui, soit un peu plus de douze millions d’habitants. Ce chiffre doit faire frissonner, car le pays n’est pas préparé à recevoir une telle affluence. Tel qu’il est maintenant, la situation est déjà exécrable. Nous sommes, par exemple, très peu exigeants sur le plan sanitaire. Les lieux publics de nos villes sont de véritables foyers de malheurs. Dans les marchés sauvages qui germent au hasard des quartiers, nous achetons de la viande et toutes sortes de nourriture souillée, lesquelles sont présentées dans des conditions malsaines et répugnantes. Nous ne faisons pas trop grand cas d’être servi dans les bars, les restaurants et autres lieux de détente par un personnel ignorant des notions élémentaires d’hygiène et qui est, par conséquent, artisan involontaire de propagation de maladies. Il y a aussi les maisons dites de tolérance qui dépravent la dignité de la femme et de l’être humain en général. Elles sont si répandues dans nos villes qu’elles concurrencent en nombre nos établissements scolaires. Elles sont de véritables greniers à maladie. Et quoique nous soyons placés à l’index de la société internationale qui nous accuse d’être porteurs et propagateurs du Sida, nous restons complaisamment à regarder empirer la situation sanitaire du pays. Il est temps que nous apportions un vigoureux changement à tout cela. Les enfants de demain devront hériter d’un monde plus propre.

Le Ministère de la Santé Publique et de la Population prendra des mesures pour suppléer à cette carence de contrôle sanitaire dans les lieux publics. Un programme d’urgence de construction de lieux d’aisance et de bains publics sera envisagé à l’échelle nationale. Beaucoup de mesures classiques, telles que campagne d’information audio-visuelle, application d’amende aux contrevenants, accompagneront et renforceront les mesures administratives.

Ce ministère aura aussi pour responsabilité d’aborder le grand problème du déficit de l’alimentation des couches nécessiteuses de la population. Le déficit calorifique de 14% et protéique de 32% en moyenne par habitant, s’il persiste pourra entraîner une dégénérescence biologique du peuple Haïtien ; la taille moyenne par habitant pourrait régresser dans le cas ou aucune mesure systématique ne viendrait rectifier cette faiblesse.

Jusqu'à présent les soins de santé atteignent une portion très faible de la population haïtienne. Bien que l’échelle des revenus et de l’éducation en s’améliorant doivent parallèlement contribuer au progrès de la généralisation des soins de santé, un effort de démocratisation traversera le secteur médical pour faciliter cette généralisation. Tout d’abord, un financement sur vingt cinq ans à faible taux d’intérêt sera offert à des médecins Haïtiens pour les aider à créer des centres hospitaliers dans les villes communales. Chacun de ces centres sera équipé d’unités de cliniques mobiles et d’ambulanciers pour desservir les sections communales avoisinantes. Pour sa part, l’état fera des investissements importants dans la recherche pharmacologique et subventionnera la vente des médicaments pour les rendre accessibles à la masse des consommateurs à faibles revenus. Dans cette optique, il n’est pas à écarter que l’Etat pourra envisager de nationaliser le secteur des produits pharmacologiques, dans le cas où il se formerait des zones de résistance hostiles à la politique de l’abaissement général des frais de santé pour la population du pays.

De toute façon, les différents services des centres hospitaliers de l’Etat seront équipés de matériels adéquats. Les médecins de service dans les centres de l’Etat auront trois types de statut. Il y aura les résidents en contrat temporaire. Les médecins engagés à plein temps dans des termes prévus par un contrat à terme. Et ceux qui offriront un quota de travail que cette dernière catégorie du personnel médical doit fournir, afin qu'en contrepartie il puisse bénéficier d’une réduction de 50% du taux de l’imposition sur le revenu. Il y aura aussi des médecins qui pourront offrir des services détachés à un hôpital ou à la santé publique. Les médecins de cette catégorie pourront recevoir un quota mensuel de patients identifiés par l’Etat, dans des cliniques privées, à des coûts prévus légalement, où ils seront payés sur la base salariale des services hospitaliers publics. Le Ministère de la Santé recevra les obligations payées par le secteur privé comme frais de couverture sanitaire aux salariés. Ces fonds serviront à payer les soins médicaux fournis aux salariés dans les cliniques privées, et le surplus sera affecté au budget de fonctionnement des hôpitaux.

Le Bureau National des Etats d’Urgence (BNEU) relèvera du Ministère de la Santé. Ce bureau en dehors des problèmes occasionnés par les désastres aura d’autres fonctions importantes. Entre autres, il aura la tache de stabiliser les prix des produits agricoles et des autres produits de première nécessité; il s’occupera, en outre, de la réception de toute aide en nature venant de l’étranger. Il échangera les dons en nature destinés à d’autres organismes contre leur valeur monétaire sur le marché local. Il pourra entreposer ces produits et en faire, quand il y a lieu, des dons en nature à des zones sinistrées ou nécessiteuses, procéder à des ventes ou à des achats de marchandises des coopératives commerciales des communes. C’est le BNEU qui sera appelé à approvisionner en produits les réfectoires des établissements scolaires des trois premiers cycles en accord avec le Ministère de l’Education Nationale. Ce mécanisme sera adopté dans le but de protéger la production domestique contre les flots de produits, qui par le circuit de l’assistance étrangère, arrivent sur le marché local.

L’Institut de Contrôle de la Pollution sera également placé sous la tutelle du Ministère de la Santé et de la Population. Cet institut (ICP) aura à livrer à toute entreprise en activité sur le territoire, un certificat de contrôle qui lui permettra de trouver la licence communale d’autorisation de fonctionnement. L’objectif de l’ICP sera d’empêcher aux activités polluantes de se répandre dans le pays. C’est l’ICP qui aura aussi le contrôle de la pollution par le bruit. En fait, il envisagera des mesures appropriées afin d’empêcher que les agglomérations urbaines deviennent le siège de sons bruyants que pourraient répandre les avertisseurs d’automobile, les dancings, les sectes religieuses et autres, aux heures tardives de la nuit.

DU MINISTERE DE LA JUSTICE

L’une des institutions les plus décriées est l’Administration de la Justice. Il n’en saurait être autrement dans un pays comme le notre qui porte une longue tradition de dirigisme étatique reposant sur l’arbitraire. Dans l’optique démocratique, le Ministère de la Justice devra veiller à ce que tous les citoyens soient égaux devant la loi et qu’aucune personne ne puisse se sentir privilégiée par rapport à une autre. Dans notre démocratie le mot « Justice » retrouvera sa crédibilité et impliquera le même principe pour tous. Ainsi, la loi garantira à tout citoyen le droit de porter plainte devant un tribunal compétent pour toute affaire dans laquelle il se jugera lésé, et d’obtenir réparation quand il y a lieu. La loi garantira aussi la liberté d’expression, de religion, d’opinion, d’association, de libre adhésion à un parti politique ou à un groupement quelconque. Et l’habeas corpus sera acquis à tous les citoyens indistinctement. De sorte que le système ancien sera révisé. Les conditions de détention dans les prisons du pays relève de la barbarie pure et simple. Elles sont incompatibles à un système démocratique qui reconnaît des droits même aux prisonniers condamnés. Le principe de l’incarcération est punitif, mais ne vise pas à dégrader l’être humain ou à détruire l’estime de soi chez un individu, en le soumettant à un régime carcéral avilissant. Et, l’horreur, les mesures les plus terribles sont appliquées contre des individus emprisonnés pour des délits d’opinion. La désaffectation des prisons centrales - qui sont actuellement situées au centre de la capitale et des villes de provinces - dans le but de créer des centres d’activité culturelles pour les jeunes, nous portera à envisager la construction de centres de détention plus adéquats en dehors des villes pour recevoir les personnes condamnées selon les lois du pays. Des centres de pré-détention pour accusés et prévenus seront également aménagés dans les commissariats de police communale.

Etre Haïtien doit devenir un fait sacré. Aucune disposition légale ne pourra plus jamais proscrire un citoyen ou le priver de sa nationalité. Ensuite, il faut mentionner que tout enfant dont l’un des parents est Haïtien sera et demeurera Haïtien quelque soit le lieu de sa naissance. De même la citoyenneté haïtienne pourra être attribuée à un enfant de parents étrangers né sur le sol haïtien. Mais, il sera réclamé que cet enfant, arrivé à l’âge de majorité produise une demande de confirmation de sa citoyenneté haïtienne pour faire valoir pleinement et entièrement ses droits.

La reconnaissance de la double nationalité sera également allouée sans restriction à tout haïtien. La nationalité d’option viendra se greffer à la nationalité haïtienne sans la supprimer. La possibilité pour un citoyen avec une double nationalité de se déclarer candidat à un poste électif quelconque existera, pourvu qu’il renonce à sa nationalité d’option trois mois avant la date des élections.

Le Ministère de la Justice envisagera de moderniser les fonctions d’officiers d’état civil, de notaires et d’arpenteurs, afin de les rendre plus aptes à répondre aux besoins d’une société démocratique. Ensuite, les anciens actes d’états civils seront revus, dans le but d’apporter de nécessaires corrections et de constituer des archives normalisées. Finalement les actes d’état civil seront désormais imprimés en français et en créole (Recto Verso) pour faciliter la compréhension des dispositions et la lecture des textes à la totalité de la population.

DU MINISTERE DE L’EQUIPEMENT ET DE L’AMENAGEMENT.

Le Ministère de l’Equipement et de l’Aménagement regroupera plusieurs organismes qui auront à agir de concert pour doter le pays d’une infrastructure moderne et appropriée. On trouvera sous la tutelle de ce Ministère la Direction de l’Aménagement Territorial (DATE), la direction de l’Energie, la direction des Télécommunications, celle du logement, du transport et des organismes autonomes. Il y aura aussi l’Institut de Recherches Technologiques (IRT) et une institution de financement, la Société Générale des investissements (SOGI) qui joueront un rôle important dans le développement du pays. Une autre agence importante de ce Ministère sera l’Institut de Reforestation et d’Entretien de l’Environnement (IREE).

Le Ministère de l’Equipement et de l’Aménagement sera la pièce maîtresse dans la décentralisation des équipements du pays et la répartition équitable des infrastructures à l’échelle du territoire. Il y a beaucoup de régions qui sont très défavorisées en matière d’équipement et certaines sont même totalement oubliées. Ce ministère s’empressera de prendre des dispositions favorables au développement de quatorze villes pour les rendre capables de jouer leur rôle de capitales régionales. En outre, ce ministère aura à repenser l’armature urbaine de Port-au-Prince, reconditionner ses infrastructures et à en créer de nouvelles. Cela sera nécessaire pour arriver à loger décemment la population de la capitale fédérale. Le plan d’aménagement territorial prendra en considération le découpage juridique fédéral. La fédération Haïtienne sera divisée en quinze régions ; les régions seront divisées en communes et les communes en sections. Les régions ne seront pas la reproduction des coupures départementales. Les nouvelles délimitations juridiques seront des ensembles géographiques dont l’unité sera basée sur des critères d’affinité, de vocation et de complémentarité tant du point de vue social qu’économique. Ainsi, ce découpage se fera sur la base de réalités concrètes. Il ne tiendra pas compte de considérations abstraites qui échapperaient, en général, au grand nombre et deviendraient une source de querelle et de nuisance. On peut mentionner qu’il existera la région de Fort-Liberté, du Cap-Haïtien, des Gonaïves, de Port-de-Paix, de Hinche, de Croix-des-Bouquets, de Mirebalais, de St Marc, de la Gonâve, de Petit-Gôave, de Jacmel, de Miragoâne, des Cayes, de Jérémie et de la capitale fédérale qui sera Port-au-Prince. L’un des objectifs du réaménagement territorial sera d’arriver à une distribution équilibrée de la population haïtienne pour les quarante prochaines années.

L’indice de la répartition démographique qui est prévue pour l’an 2026 sera une moyenne de trois cent mille habitants par capitale régionale, trente mille par ville communale et de sept mille personnes par village en dehors de la capitale fédérale.

Le Ministère de l’équipement est appelé à participer largement à la restructuration de la communauté rurale et urbaine à coté des instances régionales et locales. L’objectif de cette restructuration sera l’intégration harmonieuse de la communauté nationale à son environnement naturel.

L’Institut de Recherches et de Technologie (IRT) sera habilité à établir les normes et standards en matière de construction civile et d’habitat urbain et rural. Il fera des recherches en matière de matériaux locaux pour trouver ceux qui sont susceptibles d’être substitués à ceux qui sont importés ou en voie d’épuisement. En exemple, le développement de la fabrique de briques d’argile pourrait amener ce matériau à remplacer le bloc de ciment dans la construction des maisons, ou sa substitution à l’asphalte pour le pavage des rues à faible circulation etc. En fait, l’IRT aura des qualifications étendues à d’autres domaines de recherches tels que les méthodes et procédures et les standards d’évaluation dans plusieurs types d’activités, le développement de l’énergie solaire et d’autres énergies non conventionnelles à usage industriel ou domestique, l’inventaire de la pharmacologie traditionnelle, etc…

La direction du logement de ce ministère interviendra pour abaisser le coût du logement et améliorer les conditions et le style de l’habitat en milieu rural et urbain. Parce que la composante architecturale est un aspect important du logement, du fait que le comportement humain est intimement dépendant de son environnement. C’est en ce sens que le ministère de l’aménagement devra présenter aux mairies des recommandations en matière d’urbanisation. Par exemple, il y a un manque navrant d’espaces verts et d’agréments naturels dans l’espace urbain du pays. Il nous faudra construire beaucoup de jardins publics. Ces éléments indispensables à la vie humaine ont une fonction paysagère; et ils contribuent à la beauté des villes en offrant aux citadins l’avantage de précieuses possibilités de détente et de repos après les tracasseries journalières de la vie.

L’un des assesseurs du maire sera nommé commissaire du conseil foncier et d’aménagement de la commune (CFA). Ce fonctionnaire et ses services feront respecter les règlements, les normes et standards en matière de répartition, d’occupation de terrain, et de tenure de l’espace communal de sa juridiction. Il sera exigé à tout constructeur de soumettre au CFA de la juridiction concernée le plan d’un bâtiment avant sa construction. Toute habitation en milieu urbain devra être équipé d’électricité. L’électricité domestique sera payée sur une base forfaitaire, mensuellement, dépendant de l’importance des installations. Les compteurs électriques seront installés uniquement dans les bâtiments commerciaux et industriels. Le coût de l’électricité dépendra de la région, de la zone et du quartier. Les petites unités de boulangeries et de blanchisseries installées dans les parcs industriels recevront l’électricité à un prix modéré. Pour inciter ces types d’entreprises à se déplacer dans les parcs industriels, elles seront financées par la SOGI à des taux d’intérêts véritablement bas. Ces petites entreprises pourront utiliser des concessionnaires ou de petits comptoirs d’affaires dans les centres urbains. En fait, il sera très avantageux pour une blanchisserie de s’établir à si bon compte dans un parc industriel, de recevoir et livrer le linge à travers une chaîne de comptoirs disséminés à travers la ville. L’énergie représentant le secteur numéro un du gouvernement fédéral, d’importants investissements seront faits dans ce domaine pour doter le pays d’un réseau électrique desservant toutes les villes.

Les dispositions antécédentes faciliteront ou rendront possibles les objectifs de l’Institut de Reforestation et d’Entretien de l’Environnement. En effet, la principale cause de la déforestation du pays est la forte demande en bois de chauffage. Les plus grands consommateurs de charbon de bois sont les familles qui vivent en milieu urbain ! Des enquêteurs estiment que chaque famille consomme l’équivalent d’un arbre par semaine soit à peu près soixante arbres par an. Les blanchisseries, les boulangeries, les fabricants de chaux vive forment la deuxième catégorie de consommateurs. A part son utilisation en tant que combustible, le bois est également très demandé en tant que matériau de construction. Le paysan use le bois pour le treillage de sa cahute, et il y a une grande utilisation de bois dur et de planches de fabrication locale dans les constructions urbaines.

On ne pourra freiner la destruction de la couverture verte du pays sans offrir d’alternatives aux besoins de combustibles et de matériaux traditionnels de construction. La Direction de l’Energie envisagera d’importer pendant un certain temps, dans le port de Miragoâne, le bois brut et le charbon en vrac, des Etats-Unis et des pays de l’Amérique Latine. Le bois brut sera vendu à des scieries, et le charbon mis en sac, sera vendu à des grossistes déjà établis dans ce commerce. Le prix de ces produits sera subventionné, et le prix aux consommateurs finals sera fixé à un niveau très inférieur par rapport aux produits locaux. En outre, les projets forestiers sporadiques sont tout à fait insuffisants. Il faut un programme systématique qui vise à mettre des structures intégrées de reforestation, de protection et d’entretien des forêts. Le déficit à combler pour atteindre une couverture forestière acceptable pour le pays porterait sur la plantation de cent cinquante millions d’arbres sur une superficie d’à peu près trois cent milles hectares. On aura à atteindre ce palier sur une période raisonnable de quinze ans, à raison de dix millions d’arbres plantés à l’année. Ce sera l’occasion de lancer des programmes de repeuplement des vastes zones inoccupées actuellement. Il sera établi dans ces zones des unités d’exploitations forestières et d’élevage domestique. De telles unités, subventionnées au départ, dégageront par la suite suffisamment de revenus pour s’auto-entretenir. L’IREE sera un organisme doté de sources de revenu autonome. Son budget sera alimenté par les taxes sur les actes civils, d’une taxe à l’aéroport, et d’une taxe sur les factures douanières.

La priorité des priorités de ce ministère sera d’équiper le pays d’un réseau électrique touchant toutes les villes. Avec l’aide de l’Institut de Recherches et de technologie, l’énergie solaire finira par devenir la plus importante des sources alimentant ce réseau. La politique d’exploitation de petites centrales hydro-électriques continuera à se développer pour alimenter les petites localités et les villages. A la longue on arrivera à réduire considérablement la dépendance vis-à-vis du pétrole en introduisant dans le circuit urbain des unités de transport alimentées par l’énergie électrique.

La SOGI sera un organisme de financement placé sous tutelle du ministère de l’équipement pour lui donner une autonomie d’action financière dans les secteurs qu’elle juge prioritaires selon les critères de son Ministère. La SOGI absorbera la ci-devant appelée Société d’Equipement National (SEN). Elle investira, de concert avec le secteur privé, pour équiper chaque capitale régionale d’un parc industriel. Cet organisme servira également à faciliter l’implantation au moins d’une unité industrielle dans chaque commune. Les entreprises financées par la SOGI seront de petites unités à haute utilisation de main d’œuvre. Elle privilégiera celles qui transformeront les produits locaux ou la matière première locale, et celles qui seront engagées dans l’assemblage dans les parcs industriels des villes. Les entreprises créées avec l’appui de la SOGI bénéficieront d’un ensemble de soutien de cet organisme durant une certaine période, afin de les amener au seuil de rentabilité. En contrepartie, la SOGI contrôlera le tiers des droits qu’elle cédera progressivement à la commune tout en réservant 10% des parts de propriété aux salariés de l’entreprise. Donc, ce seront des entreprises mixtes à participation salariale.
A SUIVRE…