mardi 4 mars 2008

BARACK ALENA

Sources: Le Matin et La Presse
Par Alain Dubuc

La campagne présidentielle américaine passionne les Québécois, et plus particulièrement la lutte que se livrent les deux candidats démocrates. Mais on suit le combat entre Hillary Clinton et Barack Obama comme un match sportif, ou encore une émission de téléréalité, avec une absence troublante d’intérêt pour ce que disent et pensent les candidats.

Et pourtant, dans les derniers milles de cette campagne, un thème qui nous touche de très près a pris une place croissante, l’Accord de libre-échange nordaméricain (Alena) entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. Les deux candidats promettent de renégocier ou de renier l’Alena. C’est également révélateur de quelque chose qui n’est pas toujours visible de l’extérieur, le niveau incroyablement primaire des débats entre des politiciens qui aspirent à diriger le pays le plus puissant au monde. Ce combat, c’est d’abord celui de Barack Obama, le favori qui, depuis plusieurs semaines, multiplie les critiques très virulentes à l’égard de l’Alena. Et cela nous rappelle qu’il y a un revers au populisme. M. Obama a connu un remarquable succès avec son message de changement. Mais derrière, quand on gratte un peu, dans un dossier comme l’Alena, ce qu’il dit est stupéfiant d’ignorance, de mauvaise foi et même de bêtise. La semaine dernière, on lui a demandé ce qu’il ferait avec l’Alena s’il était élu président: «Je téléphonerais immédiatement, a-t-il répondu, au président du Mexique et au président du Canada pour essayer de modifier l’Alena.» Commençons par l’ignorance. On peut comprendre qu’un Américain moyen ne sache pas que le Canada a un premier ministre ou qu’un candidat présidentiel ne maîtrise pas toutes les nuances de la politique étrangère. Mais M. Obama est un sénateur, un sénateur de l’Illinois, un État des Grands Lacs, collé sur le Canada, qui est le principal partenaire des États-Unis. Mais l’important n’est pas là. La vraie question, c’est de savoir ce que le candidat démocrate veut renégocier. Le site web de sa campagne parle «des ententes injustes comme l’Alena», sans préciser la nature des injustices. Mais un discours, prononcé il y a deux semaines dans le Wisconsin nous en dit plus: «Des ententes commerciales comme l’Alena envoient nos emplois outremer et forcent les parents à concurrencer leurs adolescents pour travailler au salaire minimum dans un Wal-Mart.» Avant d’aller plus loin, arrêtonsnous un instant pour admirer la phrase, son élan, sa puissance évocatrice. Mais on peut quand même noter que l’Alena est une entente avec le Canada et le Mexique, des pays d’Amérique, qui ont des frontières terrestres avec les ÉtatsUnis, qui peuvent difficilement être qualifiés d’outremer. D’autre part, on n’observe pas un phénomène d’exode d’emplois, certainement pas vers le Canada, ni même vers le Mexique. À la décharge de M. Obama, il faut dire que son crescendo rhétorique s’explique par le fait qu’il se prépare aux primaires de l’Ohio, la semaine prochaine, un État qui a durement été touché par la perte de 250 000 emplois industriels, beaucoup dans le domaine de l’automobile. Mais on sait que le drame de l’auto ne vient pas de l’Alena, mais des stratégies des géants de l’auto américains. Et que la crise de l’emploi vient bien davantage des économies émergentes. Il se trompe donc de cible. Mais pourquoi attaquer l’Alena, plutôt que la Chine? Je soupçonne deux raisons. La première, c’est le populisme. Cela lui permet d’attaquer le «big business», comme il le laisse entendre quand il parle «des ententes comme l’Alena qui placent les intérêts particuliers avant les intérêts des travailleurs». La seconde, c’est l’opportunisme politique. L’Alena a été signé par le président Clinton, ce qui lui permet d’attaquer Hillary Clinton par association. Cela donne, depuis deux semaines, un débat assez surréaliste où chacun essaie de démontrer qu’il a toujours été contre l’Alena et accuse son adversaire de l’avoir soutenu. À la décharge de Mme Clinton, celle-ci a précisé ce qu’elle voudrait changer à l’Alena. Elle voudrait renforcer les dispositions du traité sur l’environnement et le droit du travail, des allusions directes aux risques de concurrence déloyale du Mexique. Elle voudrait aussi améliorer le mécanisme de règlement des différends. Mais les deux candidats promettent de rouvrir l’entente. Cette surenchère révèle le fond protectionniste du Parti démocrate, qui n’a rien de bon pour le Canada. Encore moins quand il est véhiculé par un candidat présidentiel, parce que c’est d’habitude la Maison-Blanche qui fait contrepoids aux élans protectionnistes du Congrès et du Sénat. Évidemment, il faut faire preuve de patience, et d’une bonne dose de cynisme, en se disant qu’il faut mettre tout cela sur le compte de la dynamique électorale.
lundi 3 mars 2008
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http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=11612
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