Source: Le Matin du mardi 25 mars 2008
Par Claude Moise
claudemoise@lematinhaiti.com
Trop d’institutions et de secteurs nationaux sont concernés pour que les réactions provoquées par ce qu’il faut désormais appeler l’Affaire Boulos ne se répercutent dans tous les compartiments de la société. S’il faut se fier à tout ce qui se dit et se répète, il y a lieu de redouter qu’elle ne donne lieu à une véritable bataille rangée. J’avais relevé, dans mon éditorial du 26 février dernier, que toutes les fois que la controverse sur la double nationalité est soulevée en se rapportant à un cas litigieux, elle provoque des réactions passionnées. J’abordais justement le problème posé par l’étude en commission sénatoriale de la bi nationalité des deux sénateurs incriminés. Le rapport présenté par ladite commission et la résolution sénatoriale qui s’ensuivit, plutôt que d’ouvrir sur la recherche d’une solution sereine, ont enflammé le débat. Boulos se rétracte – il a annoncé verbalement sa démission au cours de la séance du Sénat et décide d’aller devant les tribunaux. Partisans et détracteurs se déchaînent.
Les propos désobligeants, les accusations virulentes, les interventions d’une agressivité accusée, de tous bords, à commencer par la teneur même du rapport et de la résolution, incitent à se demander quels intérêts inavouables, quelles haines charrie ce flot d’opinions. Horreur! Le texte du Sénat invoque la clameur publique, l’une des formes les plus pernicieuses contre les libertés individuelles et que Mirlande Manigat a eu le bonheur de dénoncer. Le sénateur Fortuné, de son côté, non content d’avoir obtenu que ses collègues disposent des accusations portées contre les deux sénateurs, se répand en déclarations fracassantes dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles s’apparentent à de la persécution. Ce qui conforterait M. Boulos dans sa conviction qu’il est ciblé par un secteur politique – du côté du palais, dit-il – qui veut le détruire.
Ce n’est pas la première fois que, dans cette page éditoriale, nous abordons la question de la double nationalité, de ses incidences sur la vie nationale, du problème de la gouvernabilité et des failles constitutionnelles. Je rappelle que l’affaire Boulos n’est qu’un épisode de plus. Avant elle, il y eut l’affaire Siméus qui s’est terminée par un coup de force politique après que la Cour de Cassation se fut prononcée en faveur de ce dernier. Le sénateur Boulos avait établi clairement sa ligne de défense au vu et au su de tout le monde : il est né haïtien aux États-Unis et n’avait jamais renoncé à sa nationalité haïtienne. Le traitement de son affaire révèle que, malgré les prétentions du Sénat, il n’existe pas d’instance pour statuer d’autorité sur la question. Il a donc raison de vouloir pousser jusqu’au bout pour que soit dit le mot du droit. En cela nous le soutenons, tout en refusant de le suivre dans ses accusations.
Ici, au Matin, nous voulons demeurer fidèle à notre ligne éditoriale définie tout au début. Notre contribution à la clarification des enjeux et au développement de la pensée critique nécessaire à dissiper les confusions est notre raison d’être. Nous considérons que l’Affaire Boulos dépasse la personnalité du sénateur. Il s’agit d’une question essentielle qui va au-delà du vacarme politicien et porte sur une multitude de problèmes et de tracasseries auxquels sont exposés des dizaines de milliers d’Haïtiens et d’Haïtiennes émigrés (de petites gens) qui ont acquis une autre nationalité et qui maintiennent d’étroites relations avec la patrie d’origine. Formalités de séjour, acquisition de propriétés, liquidation de biens, etc., autant de solutions que prétend apporter la loi de 2002, mais qui constitue une conquête fragile puisqu’elle peut être attaquée en inconstitutionnalité à l’occasion d’un litige entre tiers.
En vérité, si l’on veut être sérieux, il faut profiter de ce débat pour aller au fond de nos problèmes de société. Et je conclue par les mêmes propos de mon éditorial du 26 février dernier sur la double nationalité :
«Quant à la mutation que l’ampleur de la migration a fait connaître à notre pays au cours des cinquante dernières années, il s’agit bien là d’une donnée sociétale qui conditionne l’importance de notre diaspora dans le devenir d’Haïti. On peut soulever autant de tempêtes que l’on veut, recourir à toutes sortes d’arguties quand ce n’est pas au dénigrement, il y a là un choix de société à faire.»
mardi 25 mars 2008
//L'article ci-dessus provient du lien ci-dessous
http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=11841
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