lundi 3 mars 2008

« LE PARIA …» du professeur Pierre Saint-Sauveur

NDCDP.-
Nous venons de recevoir de notre ami, l'ingénieur Jean-Pierre Moïse Pierre-Louis, basé en Haïti, un beau texte du professeur Pierre Saint-Sauveur, basé au Québec, mais se trouvant en hiver, tel un «sow bird», au chaud en Floride.
Après "Pépé sou dlo", "L'île imaginaire" et tant d'autres oeuvres, l'artiste nous livre aujourd'hui ses réflexions dans "Le Paria". Nous prenons plaisir à publier son texte sur Le coin de Pierre.
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N.B Exceptionnellement, si un ami internaute a des relations avec « Alter Presse », je vous permets de leur soumettre ce texte. C’est pourquoi, je me suis identifié complètement contrairement à mon habitude en écrivant seulement : Pierre.


LE PARIA…

Vous avez entendu comme moi, je suppose, la situation indescriptible dans laquelle s’embourbe ce coin de terre dénommée affectueusement par moi : « ce petit cadeau de l’océan ».

La famine sévit à visière levée. On patauge dans la noirceur et rien n’indique qu’une quelconque amélioration se pointe à l’horizon puisque personne n’est responsable de rien.

Dans l’hémicycle appelé autrefois « Le grand corps », un débat sans fin, pourtant, se déroule autour d’un sénateur qui, parait-il détiendrait une « double nationalité ».

Le but de ce texte n’est pas pour « tendre une main secourable » à ce pauvre homme pris dans un dilemme ou un pétrin dont la fin n’est pas prévisible. Vous me connaissez assez pour vous douter de ma bonne foi si je vous signal que je ne porte pas les politiciens de quelque pays ou de quelque parti soient-ils dans mon cœur.

Je profite donc de cette circonstance pour mesurer ma condition de « Paria ».

J’ai laissé la « Perle des Antilles » comme beaucoup d’autres à une époque où un choix crucial s’imposait : rester dans une prison à ciel ouvert ou déménager.

Malgré mon amour infini et inconditionnel pour ce pays auquel j’offrais mon humble participation à ce « grand rêve » soit: « le bâtir », j’ai pris quand même le grand oiseau d’acier.

Au fur et à mesure que l’avion qui m’enfermait dans son ventre et dont je ne pouvais m’en échapper, prenait de l’altitude, je regardais le cœur serré les vagues de cette tumultueuse mer des caraïbes s’élancer à l’assaut de l’engin comme pour lui reprocher de chiper ses enfants avec leur rêves inachevés.

Pour retourner à ces années 50 où la jeunesse vivace et vivante de Port-au-Prince imaginait ce pays qui devait donner le ton au monde antillais, je n’aurais jamais pensé qu’un jour certains des leurs qui n’ont pas trouvé la mort dans les années 60-70-80 seraient considérés comme ...« parias ».
Parias?

Oui monsieur! Oui madame! Forcés qu’ils étaient, pour gagner leur croûte ou continuer la profession qu’ils avaient embrassée en Haïti (pour moi l’enseignement public au Québec) d’accepter une citoyenneté étrangère.

Et voilà! Pour parodier le fabuliste : « le pelé, le galeux » de qui vient tout le mal de ce pays.
J’ai écouté sur des ondes de radios ici (en Floride) et avec beaucoup de tristesse et de résignation, ces « Haïtiens authentiques » déverser leur indignation et surtout se muer en « fin limier » pour débusquer si « monsieur le sénateur » serait effectivement ce « vil individu à double nationalité qui oserait mentir pour occuper ce prestigieux poste ».

Au même moment, m’apparaissent en images tous ces amis et connaissances (entre autres ces jeunes gens, tous diplômés universitaires, qui ont débarqué à Cazal et qui ont été pour la plupart massacrés et sont tombés dans l’oubli total) tous ces individus donc qui ont succombé parce qu’ils aspiraient à un pays, peut être, imaginaire mais porteur d’espoir.
Je revois encore tous ces jeunes gens dans ce genre de forum qui se tenait devant le palais de justice. Personne n’envisageait son avenir dans un quelconque pays étranger.

Que savent-ils du passé vrai, ces nouveaux « haïtiens authentiques » qui, au grand jamais, n’oseraient TRAHIR leur patrie en prenant une citoyenneté étrangère? C’est bizarre qu’ils n’aient jamais demandé de ventiler la part des « apatrides » pour leur retourner leur obole quand plus d’un milliard de dollars viennent soulager la misère insupportable de ce peuple.

« Haïtiens authentiques » d’aujourd’hui, je m’excuse d’avoir avili votre pays fort de ma double nationalité.
Ma seule fierté, même si vous avez vu en image mon Haïti de 1950 à 1956, VOUS NE SEREZ JAMAIS L’AUTHENTIQUE HAITIEN QUE NOUS ÉTIONS.
POURQUOI?
VOUS NE POURRIEZ JAMAIS PLUS RÊVER D’UN PAYS….

Pierre SAINT-SAUVEUR.
18 février 2008

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