vendredi 10 août 2007

Couronnement d'un chef de parti: le mot du Professeur Gérard Bissainthe

Amies et amis internautes,

À ma demande, le professeur Gérard Bissainthe a accepté de m'envoyer le texte intitulé: "LE VRAI PROBLÈME". Je prends plaisir à le publier ici.

Bonne Lecture.

Dr. Pierre Montès
10 août 2007

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LE VRAI PROBLEME
par Gérard Bissainthe

Dans le ciel serein des principes toutes les indignations devant le mode de "sélection" des dirigeants de nos partis politiques sont parfaitement correctes. Il est incontestable que nos partis politiques ne fonctionnent pas de manière démocratique. Mais en s'indignant contre ce fait, on s’en prend à l'arbre et non à sa racine. Et la racine est le fait non moins incontestable que nos partis politiques ne sont pas de vrais partis politiques, tels qu'ils sont conçus dans des nations comme les Etats-Unis, la France, l'Allemagne et bien d'autres, mais sont seulement des “clientèles”, autrement dit des groupes de personnes regroupées autour d'un leader qui finit par avoir tout d'un "autocrate” ou d'un roi, si l'on préfère.

La raison profonde est simple: le mode de financement de nos partis politiques. Le dirigeant d'un parti politique haïtien est tout-puissant, parce c'est lui qui trouve l'argent qui fait marcher la machine. Et, sauf dans le cas très rare où il a une grande fortune personnelle, il trouve l'argent, en général, par ses contacts. Et ses contacts sont dans la grande majorité des cas, des instances (ou parfois des personnalités) étrangères. J'ai déjà depuis longtemps dénoncé ce fait qui est un des principaux obstacles à l'établissement de la vraie démocratie en Haïti, en soulignant que ces financements étrangers aboutissent chez nous à ce que j'appelle la "xénocratie" (xénos=étranger).

Nous arrivons ainsi à la contradiction suivante: les instances étrangères qui financent nos partis politiques nous rendent le plus mauvais service qui soit, bien qu'en ce qui les concerne, cela leur permette de nous garder indirectement sous tutelle.

Les grands "fundraisers" de nos partis politiques étant leurs dirigeants, ceux-là en tenant les cordons de la bourse tiennent aussi les rênes du pouvoir dans ces partis.

Le jour où nous aurons des partis politiques basés strictement sur les cotisations et les différents modes de participation des membres , nous aurons des partis politiques vraiment démocratiques.

Or, en fait, les membres bien souvent, au niveau de ses masses, entrent dans un parti politique chez nous non pour "apporter", mais pour "prendre", pour y trouver un "roulement", de quoi envoyer un enfant à l'école ou payer une ordonnance du médecin, tous les cas archi classiques que nous connaissons. C'est cela le système de la "clientèle romaine". Je suis convaincu que Leslie Manigat est parfaitement conscient de ce fait. Pragmatique, il fait avec. Il se dit: “For the moment, that’s the best we can get.” Homme cultivé, il pourra même nous citer Bacon: “On ne domine la nature qu’en lui obéissant.”

Qui dit mieux? Tous les théoriciens qui n’ont jamais mis la main à la pâte. Qui fait mieux? Je n’ai encore vu personne. Ce n’est pas (ou pas encore) la "nouvelle génération", brillante souvent, prometteuse certes, mais qui pour le moment n’est riche que de ses épures et de ses rêves et en tout cas ce n’est pas la “Gauche” qui n’a pas un seul sou vaillant indigène et qui tire ses ficelles grâce à l’argent qui vient de toutes les banques étrangères, avec un remarquable esprit œcuménique.

Comment en sortir? Ça, c’est une longue histoire, dont au moins j'ai déjà exposé le canevas: faire voter le peuple AVEC SES PROPRES MOYENS même artisanaux (en interdisant les financements étrangers) dans les cellules de base du pays, puis monter ainsi par étapes jusqu’au sommet. La graisse du cochon cuit le cochon; si le cochon est maigre, ce n’est pas grave, puisqu’il s’agit d’un “repas pays”. On aboutira ainsi à une vraie démo-cratie. Bien sûr, c’est une théorie, mais elle vient de quelqu’un qui a déjà mis la main à la pâte. Lorsque pour les élections de 1987 j’ai dirigé les travaux du Bureau Politique du FNC qui présentait Gérard Gourgues, j’ai eu l’occasion d’observer à la loupe les entrailles du système, de ce système qui n'a fait que se perfectionner depuis.

Autrement, aussi longtemps que le roi est (ou même est acculé à être) son vrai ministre des finances, on dira toujours: “le roi est mort, vive le roi !” Quitte, bien sûr, à ce que ce soit une reine.

Gérard Bissainthe
9 août 2007

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