Amies et amis internautes,
Je reproduis pour vous, ci-après, la deuxième partie de l'analyse du professeur Moïse.
La première partie a été reproduite sur ce blog le 17 août dernier.
Je reviendrai une prochaine fois sur ce sujet on ne peut plus important. Mais j'ajouterai aujourd'hui qu'il m'apparaît évident qu'une réflexion profonde soit entreprise par toutes les parties intéressées par la décentralisation (Exécutif, Législatif, élus locaux, société civile) de manière à dégager en bout de ligne, dans un n-ième et ultime document la synthèse de ce qu'il y a lieu de faire dans ce dossier de décentralisation. Ce dossier est trop important pour qu'il soit laissé entre les mains de l'Exécutif seul. C'est un terrain nouveau pour les parties en présence. Donc, il faut également demander de l'aide à ceux qui sont déjà passés par là. À ce propos, je sais que l'ambassadeur Christian Connan (que je ne connais que de nom) a vécu la décentralisation au Mali: ses avis pourraient-ils, peut-être, être hautement considérés par les parties en présence ? De même, les "sages" (les aînés) de ce pays Haïti Thomas devraient être consultés et attentivement écoutés par les parties en cause.
N'oubliez pas de voter au sondage le ou avant le dimanche 26 août (voir au haut de la colonne de droite du blog).
À suivre.
Bonne lecture.
Dr. Pierre Montès
21 août 2007
P.S. Le texte original provient du lien suivant:
//
http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=7856
//
///////////////////////////
Le dilemme de la décentralisation (2ème partie)
Par le Professeur Claude Moïse
Journal Le Matin du 21 août 2007
Depuis le vote de la Constitution de 1987, la décentralisation est l’un des thèmes qui a, peut-être, provoqué le plus de débats. Dans mon dernier éditorial (Le Matin, 16-20 août), j’ai abordé le problème sous l’angle de la conception de la restructuration des pouvoirs locaux comme partie intégrante du nouveau régime politique. J’ai exprimé mes réserves, comme je l’ai déjà fait en plusieurs occasions, quant à l’aménagement institutionnel de ces pouvoirs et au cadre législatif de leur constitution et de leur fonctionnement. À l’une de ces réunions de travail d’un groupe formé à l’initiative de l’Exécutif en vue d’examiner les modalités pratiques de mise en place des pouvoirs locaux, André Lafontant Joseph a fait remarquer que le processus électoral a toujours achoppé sur cette étape finale de formation des organes des collectivités territoriales. Soit que les élections au suffrage universel n’aient pu être complétées ou que les élections indirectes n’aient pu avoir lieu. C’était en fait, non une énième mise en accusation des opposants au nouveau régime de la Constitution de 1987, mais une invitation à réfléchir sur les difficultés réelles de l’opération. Les Casecs, Asecs, délégués de ville attendent de prendre fonction. Où, quand et comment ?« Et les avant-projets de loi en discussion sont confus et tout à fait insatisfaisants »De fait, les élections directes sont complétées. Mais les élections indirectes ne sont pas les plus faciles à organiser dans l’état de flou et de désorganisation du dispositif électoral. De même que le renouvellement du tiers du Sénat à la fin de l’année. Il est question de textes normatifs éparpillés entre les lois, les décrets de 2005 et de 2006, dispositions insuffisantes pour couvrir toutes les exigences constitutionnelles de fonctionnement des différents organes des collectivités. Et les avant-projets de loi en discussion sont confus et tout à fait insatisfaisants selon des spécialistes. Il est question également de compétence du Conseil électoral provisoire en prévision des élections sénatoriales. L’embrouillamini législatif, les déclarations enflammées, les dotations budgétaires démagogiques, les confrontations idéologiques derrière lesquelles se cachent des intérêts inavouables, le repli crispé sur des prés carrés ne favorisent pas une mise en perspective claire de la problématique de la décentralisation.Le fait brutal est qu’il y a des élus qui attendent. Où vont-ils être placés ? Comment vont-ils s’organiser dans les 140 communes et les 570 sections communales pour siéger, délibérer, élaborer leurs budgets, établir la situation générale de leur communauté, définir une politique à leur mesure, etc. Les moyens financiers et les ressources humaines sont-ils suffisants ? Le cadastre de la République est-il nettement établi ? Où en est le relevé des besoins de ces nouvelles entités ? Qu’a-t-on retenu du fonctionnement des CASEC ? Quelle configuration administrative ? J’ai entendu les impatiences de ceux qui misent sur l’aide étrangère. Il y a, dit-on, des fonds disponibles chez les donateurs. Une formation adéquate destinée aux élus et aux fonctionnaires des collectivités devrait permettre de pallier les faiblesses. Grands Dieux, jusqu’où ira-on avec ces réflexes d’assistanat, avec cette manière d’organiser notre vie collective – et même privée ? La formation nécessaire, quand bien même elle serait accélérée, doit prendre du temps. Certes, dans ce cas-ci, sans aller jusqu’à l’autisme des fondamentalistes de la démocratie participative, une dose de volontarisme est nécessaire. Mais avant tout, il importe de s’en tenir à une parole de raison.« Où se situe la force motrice de la décentralisation ? »La décentralisation ne se réalisera pas par des décrets, ni ne se réduira à un corpus formaliste. Elle est une vision, une politique, de la mobilisation, de l’organisation, de la planification et beaucoup de patience. Elle ne saurait être une vue de l’esprit. Où se situe la force motrice de la décentralisation ? Des organisations sociopolitiques de base, des institutions locales établies par la Constitution ou du pouvoir central ? Elle se situe quelque part dans une combinaison de forces et d’harmonisation de politiques entre l’État central et les collectivités territoriales d’une part, donc dans une articulation des deux niveaux de pouvoir pour atteindre des objectifs clairement définis et réalisables, et d’autre part dans l’engagement actif et éclairé des citoyens. Le problème est précisément de faire naître ces institutions. Les difficultés commencent avec leur mise en place. Ces objectifs ne tiennent pas dans les généralités et le formalisme institutionnel. Il faut dégager l’horizon non pas seulement pour réguler les collectivités territoriales, mais pour savoir comment bien partir.La démocratie, c’est sans doute le cadre institutionnel, le suffrage universel. Quand elle peut se contenter d’être formelle sans résultats palpables et durables pour les citoyens, elle est vouée à l’étiolement. Pour qu’elle se développe, elle doit prendre appui sur une communauté vivante, productive, fructueuse, fécondée par de créations individuelles et collectives, d’initiatives privées et de volontés communes. « Un milieu de vie se développe lorsque sont prises en compte toutes les dimensions ...» Pour que les communes et les sections communales vivent, il faut des hommes et des femmes qui y croient, y trouvent intérêt et raison de vivre. Les conditions de vie doivent être sinon très attrayantes, mais suffisamment attachantes pour qu’ils ne pensent pas à aller chercher la vie ailleurs dans les grandes villes ou les pays du centre. Un milieu de vie se développe lorsque sont prises en compte toutes les dimensions : culturelle et politique, économique et sociale, technique et éducative. Le milieu doit tendre à son auto subsistance, à son auto développement à partir de ses ressources. Pour commencer, il faut un relevé exhaustif des besoins et des moyens. On pense tout naturellement aux besoins se rapportant à l’éducation, à la santé, à la sécurité, aux transports, à l’économie régionale, aux ressources humaines. On pense à la nécessité d’établir une fiche signalétique. Sur cette base prennent naissance des projets, des politiques, de la cohérence et de la continuité dans l’action. Des stratégies de développement.C’est à ce vaste programme que s’attache la décentralisation bien comprise. Par où commencer ? Les élections ? On les a eues. Mais qui ne sait en Haïti que les élections ne suffisent à faire résoudre les problèmes ?
mardi 21 août 2007
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire