vendredi 17 août 2007

Le dilemme de la décentralisation (1ère partie)

Amies et amis internautes,

Je reproduis pour vous, ci-après, une profonde analyse du professeur Moïse.

Bonne lecture.

Dr. Pierre Montès
17 août 2007
P.S. Le texte original provient du lien suivant:
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http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=7822
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Le dilemme de la décentralisation (1ère partie)

Par le Professeur Claude Moïse
Journal Le Matin du 16 au 20 août 2007

Les élections directes en vue de la formation des organes des collectivités territoriales ont eu lieu depuis longtemps. Les conseils municipaux sont constitués. Restaient les Casecs et les Asecs. Les résultats ont été finalement proclamés et on annonce pour aujourd’hui 16 août la prestation de serment des élus dans les sections communales. Il y a encore quelques étapes à franchir avant de mettre fin au long processus de normalisation institutionnelle de la Constitution de 1987. Des élections indirectes organisées par l’actuel Conseil électoral provisoire devront conduire successivement à la formation des assemblées municipales, départementales, des conseils départementaux et du conseil interdépartemental. Et tout au bout de ce parcours la constitution du Conseil électoral permanent. On devrait pousser un ouf de soulagement. Mais toute cette architecture ne représente que le cadre formel, l’enveloppe institutionnelle de la décentralisation. Nous ouvrons la voie sur une grande inconnue.Certes, les critiques n’ont pas manqué contre cette multiplicité de pouvoirs qui s’emboitent, se croisent et risquent de s’embrouiller. Au-delà de ce maillage institutionnel, il y a le concept fondamental de la décentralisation et la volonté de mettre les citoyens en situation de participer aux décisions se rapportant à la gestion de leur communauté. C’est là une avancée considérable dans le mouvement de démocratisation de la société haïtienne. On ne reviendra pas en arrière. Le problème est que les constituants et, par la suite, ceux qui ont conçu le cadre légal des organes des collectivités, ont voulu trop en mettre. Par exemple, le surnombre des institutions (Asec, Casec, assemblées municipales, départementales, assemblée interdépartementale), la dissociation des pouvoirs (entre une assemblée et un conseil) au sein des organes des collectivités territoriales ne paraissent pas nécessaires à la réalisation des objectifs de la décentralisation. Outre le fait que les conditions matérielles, techniques et humaines peuvent être très coûteuses, les risques de confusion et de conflit de pouvoir pourraient se multiplier en dépit des précautions normatives.Il y a encore plus redoutable. Entre 1996 et 2006 des dispositions législatives ont été élaborées (loi du 4 avril 1996, les décrets de 2006) de telle sorte que les Asec constituent le point de départ de la formation des assemblées territoriales, donc de toute l’architecture du régime. En effet, en partant de l’Asec on aboutit aux assemblées municipales et départementales en court-circuitant le Casec et le Conseil municipal, deux entités principales qui assurent la gestion des sections communales et des communes et pour lesquelles les constituants ont pris la peine de définir les modalités de leur formation. Il nous a semblé donc que la commune constitue le pivot de la gestion et de l’animation des collectivités territoriales, que le conseil municipal en est la cheville ouvrière. La commune est, constitutionnellement, la seule à bénéficier de l’autonomie administrative et financière (article 66). Ce qui n’est pas le cas du département défini simplement comme personne morale et entité autonome. Encore moins de la section communale, partie intégrante de la commune et entité représentée au conseil municipal. Or, les concepteurs des décrets de 2006, enthousiastes et peu préoccupés des contraintes, de la pauvreté en ressources humaines, des traditions de luttes de pouvoir et de clientèle, ont surajouté en accordant à la section communale et au département l’autonomie administrative et financière. En termes pratiques, cela signifie que chacune de ces entités plus la commune peut taxer pour faire face aux exigences des budgets que leurs administrateurs auront établis en toute autonomie. Le reste à l’avenant. Qu’il s’agisse de la police, des services divers, des compétences de la délimitation des territoires, etc. Il faut consulter les « tableaux comparatifs entre les différentes dispositions légales régissant les collectivités territoriales et les élections indirectes », tableaux publiés par le CEP en mai 2007 pour avoir une idée de la complexité de la mise en place des organes de ces collectivités. Autant de situations compliquées et confuses qui, plus que l’action des détracteurs, mettent en péril, la décentralisation elle-même et hypothèquent le développement local.
À suivre…
vendredi 17 août 2007

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