jeudi 16 août 2007

Démagogie et argent de Monopoly


Démagogie.-
La Minustah distribue du matériel de bureau aux 140 Communes de la République. Coût de l'opération: US $ 200 000.00, soit environ US$ 1 430.00 en moyenne par commune.
Par ce genre d'actions d'éclat, la Minustah cherche à gagner la sympathie de la population des différentes régions du pays. Ce geste est à classer dans la catégorie des actions à caractère démagogique.

Argent de Monopoly.-
Depuis trop longtemps, le budget de développement de la République n'est dépensé que très partiellement. Les projets annoncés pour l'exercice fiscal, en grande partie, ne sont pas exécutés pour des raisons diverses: a) études non faites ou non complétées; b) l'argent devant provenir de la contre-partie haïtienne n'est pas fourni, faute de recettes internes; en conséquence, le déblocage de la contre-partie externe, conditionnel à l'existence de la contre-partie interne, n'est pas effectué par l'international.
Par exemple, pour les 9 premiers mois de l'exercice fiscal en cours, le ministère de l’Économie et des Finances rapporte que:
1) Seulement 640,41 millions de gourdes ont été dépensées par le ministère des Travaux publics, Transports et Communications (MTPTC) sur un budget total de 11,86 milliards de gourdes.
2) Seulement 386,35 millions de gourdes ont été dépensées par le ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural (MARNDR) sur un budget total de 3,77 milliards de gourdes.
3) Seulement environ un dixième des crédits budgétaires de 9,21 milliards de gourdes ont été utilisés d’octobre 2006 à juin 2007 par le ministère de la Planification et de la Coopération externe.
4) Au ministère de la Santé publique et de la Population, seulement la somme de 909 millions de gourdes a été utilisée, alors que les crédits budgétaires pour l’année se chiffrent à 5,43 milliards de gourdes.

On peut deviner que l'argent du budget de fonctionnement ait été largement dépensé par les ministères et que ce soit essentiellement l'argent du budget d'investissement qui ait été très peu utilisé. On dirait que ce argent soit en quelque sorte de l'argent de Monopoly.

Ce qu'endurent les Communes et les Sections Communales les plus reculées.-

La photo ci-dessous, que m'a fournie, l'année passée, l'ingénieur Lionel Bellevue de New-York, est une vue de la route qui relie la ville de Plaine-du-Nord au village de Grison-Garde dans le Département du Nord. Elle a été prise au voisinage de la rivière Goudin, à Iladan, dans la Commune de Plaine-du-Nord, à environ 17 kilomètres du Cap-Haïtien et à quelque 6 à 7 kilomètres de Milot. Cette photo montre ce que vivent les habitants de Grison-Garde en saisons de pluie. Quand la rivière Goudin est en crue, la route est inondée sur environ 500 mètres, entre carrefour Duty et l'intersection de la rivière avec la route, et alors, faute de pont, la rivière ne peut être traversée ni à pied, ni en camion. Et il arrive que cette région soit, pendant quelques jours consécutifs, coupée du reste du département du Nord en périodes de crue. Cette situation en périodes de crue perdure depuis que ce village existe.


Le budget d'investissement 2006-2007 prévoit un montant de 30 millions de gourdes (plus de US$ 850 000.00) pour la réhabilitation de la route Plaine-du-Nord/Grison-Garde (code du projet: 1114-1-12-63-81). À ma connaissance, il n'y a pas grand chose qui a été fait jusqu'à ce jour, à part quelques interventions mineures d'une petite équipe de la CNE. D'après un ingénieur qui travaille en Haïti dans le domaine des ponts et chaussées, l'enveloppe allouée ne pourrait logiquement servir qu'à réhabiliter seulement les quelques kilomètres de route en terre qui séparent Grison-Garde de la ville de Plaine-du-Nord et ne pourrait inclure le coût du pont à construire sur la rivière Goudin. Je me demande sincèrement si les TPTC ne disposent pas de plaques métalliques de type Armco en quantité suffisante et pouvant constituer une buse géante (culvert) de diamètre adéquat qu'ils pourraient donner en cadeau au village de Grison-Garde, et l'installer à l'intersection de la route avec la rivière Goudin, question de "dépanner" cette communauté pour un bon bout de temps.

De son côté, l'ingénieur Bellevue, à New-York, épaulé techniquement par deux autres ingénieurs de la Diaspora (à Montréal), aide, sur une base bénévole, le groupe CASEGHA de New-York qui oeuvre dans divers petits projets humanitaires à Grison-Garde, dans l'étude d'un petit pont en béton armé de 20 mètres de portée et dans la recherche du financement de sa construction auprès d'éventuels mécènes américains. Le concours financier de la Diaspora, selon moi, serait très utile à cette petite communauté de Grison-Garde pour ce projet spécifique.

En résumé: la route devrait être surélevée sur une zone d'environ 500 mètres, la surface de roulement construite avec du matériel de qualité (gravier), le drainage longitudial de la route assuré, le pont de débouché suffisant et de longueur adéquate, la brèche de la rivière Goudin colmatée, le curage de la rivière effectué sur une longueur suffisante et suivant un profil adéquat.


La deuxième photo est vieille de quelques années. Elle montre une salle de classe de l'École nationale de garçons du village de Dame-Marie, dans le Département de la Grande-Anse. La photo parle d'elle-même. Depuis l'époque où elle a été prise, il se pourrait que des réparations aient été faites par le ministère de l'Éducation nationale, il se pourrait aussi qu'aucunes réparations n'aient encore été entreprises.

J'ai un échantillon de photos d'écoles, prises en même temps que la précédente, qui étaient dans un état de délabrement inadmissible. Même l'École des religieuses dans une commune de la Grande-Anse nécessitait des réparations urgentes dans sa toiture en tôle; l'une des religieuses était venue jusqu'à Montréal, Canada, pour tenter de trouver de l'aide, il y a quelques années.




Remarques.-

Les photos ci-dessus permettent de comprendre, s'il en était besoin, le Président Préval quand il demande à l'international et à la Minustah en particulier, plus de tracteurs que de tanks.

Au lieu de donner seulement de la papetrie et des articles de bureau aux 140 Communes de la République, la Minustah pourrait, par exemple, aider chacune des 140 Communes à se constituer un parc de matériels de travaux publics, pour commencer à fonctionner de façon autonome: un tracteur, un chargeur, une rétrocaveuse, une niveleuse, des compacteurs à rouleau, des camions; de plus, elle pourrait faciliter chaque Commune dans l'approvisionnement rapide en pièces de rechange en cas de besoin, dans la réquisition sans délai et au besoin des mécaniciens et autres professionnels spécialisés pour l'entretien périodique et la réparation du parc de matériels lourds qui devrait être en bon état de fonctionnement 24 heures par jour et 7 jours sur 7, etc.

Les ingénieurs militaires de la Minustah pourraient aider les TPTC dans l'exécution rapide des projets prévus dans l'exercice budgétaire de l'année prochaine et les suivantes. Sinon, ne devrait-on pas faire appel à des ingénieurs cubains qui seraient, je le devine, on ne peut plus contents d'aider les haïtiens à reconstruire leur pays, pour un coût de main-d'oeuvre quasiment nul ou négligeable.

La même chose pourrait se dire et se faire pour ce qui concerne d'autres secteurs: agriculture, santé publique, électricité, approvisionnement en eau potable, tourisme, enseignement professionnel, alphabétisation, reboisement, etc.

Par ailleurs, le budget 2006-2007 corrigé alloue, rapporte-t-on dans la presse, 1,5 millions de gourdes (US$ 43 000) à chacune des Communes. Il est à souhaiter que ce montant sera vite et bien utilisé. Il est considéré à juste titre comme insignifiant, mais il est 30 fois supérieur au montant correspondant aux matériels de bureau que la Minustah se targue de donner à chacune des Communes.

Dans un processus de décentralisation, on s'attendra à ce que, à l'avenir, un budget substantiel soit accordé à chacune des Communes. Et aux communes les plus pauvres, l'État central devrait ajouter au pourcentage des taxes qui leur revient, une aide additionnelle, pour leur permettre de se développer progressivement de façon autonome, comme les communes les moins pauvres.

De même la Diaspora ne pourrait-elle pas aider chacune des 140 Communes à augmenter un peu leur budget d'investissement ? Par exemple, pourrait-elle permettre qu'un pourcentage des US$ 1,5 milliards qu'elle envoie chaque année sous forme de transferts et autres aux particuliers en Haïti, soit utilisé par l'État ou par toute autre entité qu'elle désignera, dans des dépenses d'investissement dans chacune des 140 Communes de la République ?

Aucun commentaire: