vendredi 24 août 2007

Dur réveil pour l’Amérique, par Joseph Stiglitz

Amies et amis internautes,

Voici une analyse intéressante du professeur Joseph Stiglitz de Columbia University sur la crise immobilière aux États-Unis.

Bonne lecture.

Dr. Pierre Montès
24 août 2007

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Sources: Les Echos et Le Matin
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ÉTATS-UNIS/CRISE IMMOBILIÈRE / Dur réveil pour l’Amérique
Par Joseph Stiglitz*

Les faits semblent finalement donner raison aux pessimistes qui prévoyaient de longue date une crise de l’économie américaine. Certes, il n’y a pas de quoi se réjouir de voir la Bourse s’effondrer à cause des nombreux non-remboursements des prêts immobiliers. C’était pourtant prévisible, de même que les conséquences probables pour les millions d’Américains qui vont être confrontés à des difficultés financières, ainsi que pour l’économie mondiale.L’histoire a commencé avec la récession de 2001. Avec l’aide du président de la Réserve fédérale, Alan Greenspan, le président Bush mène alors une politique de baisse d’impôts qui bénéficie aux Américains les plus riches, mais ne permet pas à l’économie de sortir de la récession provoquée par l’éclatement de la bulle Internet. Après cette bourde, la Fed n’avait guère d’autre choix pour atteindre son objectif de maintien de la croissance et de l’emploi que de baisser les taux d’intérêt. Ce qu’elle a fait d’une manière totalement inédite en descendant jusqu’à 1 %.La manoeuvre a réussi, mais de manière inhabituelle pour une politique monétaire. Généralement, des taux d’intérêt faibles conduisent les entreprises à emprunter davantage pour investir davantage, le supplément d’endettement étant compensé par des actifs plus productifs.Mais le fort surinvestissement des années 1990 ayant été l’une des causes de la récession, la baisse des taux n’a pas tellement stimulé l’investissement. L’économie a prospéré, mais essentiellement parce que les familles américaines ont été incitées à s’endetter davantage en négociant de nouveaux crédits immobiliers dont elles ont aussitôt dépensé une partie. Aussi longtemps que l’immobilier était à la hausse en raison des faibles taux d’intérêt, les Américains pouvaient se permettre d’ignorer leur endettement croissant.Mais cela n’a pas été suffisant pour stimuler l’économie. Pour que davantage de gens empruntent plus d’argent, les critères d’attribution du crédit ont été progressivement assouplis, ce qui a entraîné l’augmentation des prêts immobiliers à risque (« subprime »). Et de nouveaux produits sont apparus, qui ont encore limité les apports d’argent comptant, permettant aux particuliers de contracter des dettes de plus en plus importantes.Certains crédits immobiliers avaient même un amortissement négatif : les remboursements ne couvraient pas les intérêts, aussi, chaque mois, la dette se creusait. Des crédits à taux fixe de 6 % étaient remplacés par des crédits à taux variables liés au taux d’intérêt le plus bas des bons du Trésor à court terme. Des prêts à taux d’appel « attrape-nigauds » permettaient des remboursements très faibles lors des premières années. Ils étaient attrape-nigauds, car ils jouaient sur le fait que beaucoup d’emprunteurs ne connaissaient pas grand-chose à la finance et ne comprenaient pas réellement où ils mettaient le doigt.Et Alan Greenspan a poussé à cette prise de risque en encourageant ces prêts à taux variable. Le 23 février 2004, il déclarait que « beaucoup de propriétaires auraient économisé des dizaines de milliers de dollars lors de la dernière décennie s’ils avaient souscrit un crédit à taux variable plutôt qu’à taux fixe ». Mais s’attendait-il réellement à ce que les taux d’intérêt restent en permanence à 1 %, ce qui correspond à un taux d’intérêt réel négatif ? Prenaitil en compte ce qui allait arriver aux Américains peu fortunés lorsque les taux d’intérêt variables allaient quasi inévitablement augmenter ? Son comportement signifiait qu’avec lui au gouvernail, l’économie allait réaliser des prouesses. Pourtant, ce n’était qu’une affaire de temps, avant que la croissance ne soit plus soutenable.Heureusement, la plupart des Américains n’ont pas suivi son conseil. Mais même alors que les taux d’intérêt à court terme commençaient à monter, la prise de conscience du danger ne se faisait pas, car les nouveaux emprunteurs pouvaient obtenir des crédits à taux fixe qui n’étaient pas à la hausse. Il était étonnant de voir que si les taux à court terme étaient à la hausse, les taux à moyen et long terme ne bougeaient pas. Cela a intrigué. On pouvait imaginer que les banques centrales étrangères qui accumulaient des milliers de dollars ont réalisé qu’elles allaient sans doute conserver ces réserves durant les années à venir et qu’elles pouvaient se permettre d’en placer une partie dans des bons du Trésor à moyen terme qui rapportaient bien davantage (en tout cas au début) que les bons à court terme.La bulle immobilière a fini par éclater, et, les prix baissant, certains acquéreurs ont découvert que le montant de leur emprunt était bien supérieur à la valeur de leur maison. D’autres se sont aperçus qu’avec la hausse des taux d’intérêt, ils ne pouvaient tout simplement plus faire face au remboursement. Trop d’Américains n’ont pas prévu de marge de sécurité dans leur budget et les sociétés de crédit immobilier, motivées par les gains qu’elles espéraient retirer des nouveaux contrats, ne les ont pas encouragés dans ce sens. L’éclatement de la bulle immobilière était prévisible, mais ses conséquences le sont aussi : les nouvelles constructions sont à la baisse et les maisons en vente trouvent difficilement acquéreur. Selon certaines estimations, plus des deux tiers des créations d’emploi au cours des six dernières années étaient liées à l’immobilier, conséquence à la fois du regain d’activité dans la construction et des emprunts gagés sur le logement souscrits par les ménages pour entretenir leur frénésie de consommation. La bulle de l’immobilier a incité les Américains à vivre au-dessus de leurs moyens, avec une épargne nette négative au cours des deux dernières années. Sans le moteur de la croissance, l’économie américaine va probablement subir un ralentissement. Un retour à l’équilibre budgétaire serait une bonne chose à long terme, mais réduira la demande totale à court terme.Il y a un vieil adage au sujet des erreurs que les gens commettent et qui leur survivent très longtemps. C’est sûrement vrai pour Greenspan. Dans le cas de Bush, nous ne faisons que commencer à supporter les conséquences de sa politique avant même qu’il ne soit parti.*Joseph Stiglitz est prix Nobel d’économie. Son dernier livre s’intitule « Making Globalization Work ».
Source : Les Échos
vendredi 24 août 2007

Voici les liens conduisant au journal Le Matin et au journal Les Echos, d'où proviennent la copie et l'original de l'article en question:
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http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=7978
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http://www.lesechos.fr/info/analyses/4611867.htm
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1 commentaire:

Anonyme a dit…

This is great info to know.