mercredi 14 novembre 2007

HAITIEN UN JOUR, HAITIEN TOUJOURS

par Gérard Bissainthe

Plusieurs de mes compatriotes affirment que la question de la double nationalité est un "faux problème". Néanmoins, au lieu de considérer qu’en tant que faux problème il faut l’ignorer, ils tombent dans la contradiction de le poser quand même, ce qui les conduit inévitablement à proposer des solutions incomplètes. La Diaspora ne pourra pas se contenter, par exemple, d'avoir, comme on l’a écrit récemment, "UN représentant au Sénat", ce qui serait vu comme une sorte de faveur qu'on lui fait. Il faut, et c’est la politique des pays ouverts et réalistes, tout un système de représentations qui permette aux nationaux vivant à l'étranger de participer pleinement et activement, où qu’ils soient, à la vie de la nation. Je joins en note, comme un exemple entre plusieurs et dont nous pourrons nous inspirer, l’adresse d’un site éclairant sur le vote des Français de l'Etranger (1).

Un faux problème est un problème qu'il ne faut pas poser. Car dès qu'on le pose, on s'enferre. Pour le pays intérieur, il ne doit pas exister d’Haïtiens binationaux ; un point c’est tout. Il faut qu’il soit entendu que tout Haïtien en Haïti n’a qu’une seule nationalité, la nationalité haïtienne.

Les internautes haïtiens se rappellent, sans doute, que j'avais été invité à prononcer le discours inaugural d'une grande rencontre de la Diaspora qui devait avoir lieu (et qui finalement eut lieu, d'ailleurs) devant le Président Préval, des représentants de notre fonction publique et le corps diplomatique. J'avais accepté. Mais le Président Préval de passage à Paris crut bon de déclarer qu'il ne pouvait rien faire sur la question de la double nationalité et que les Haïtiens dits binationaux étaient des étrangers. J'aime être logique. Si ces binationaux sont pour lui des Etrangers, ils ne relèvent donc pas de sa juridiction. Et tout s'arrête là. Il aurait pu et aurait dû dire: « Écoutez, je suis le Président de TOUS les Haïtiens. Dès que quelqu'un devant moi a pu ou peut faire la preuve qu'il est haïtien, je suis son Président. Maintenant, si par ailleurs il est américain, français ou esquimau, c'est lui qui le sait et c'est son problème, pas le mien. D'ailleurs comment par les temps qui courent savoir qui a ou non une nationalité étrangère? "Quand les maringouins volent, qui peut savoir qui est mâle et qui est femelle ? " Je ne peux même pas vous garantir que parmi mes Ministres et mes collaborateurs il n'y ait pas de "binationaux". Je n'ai pas les moyens d'installer à nos services d’immigration et dans les consulats haïtiens des dispositifs sophistiqués de détection de nationalité étrangère. Il s'agit d'un faux problème et comme tout faux problème, il ne faut pas le poser. Dès qu'on le pose, on s'enferre et on s’enferme dans un cul-de-sac. Mesdames et messieurs, ouvrons les fenêtres! Plus de lumière ! »


Ce ne fut pas son langage. Quel aurait pu être alors le sens de mon discours inaugural, parlant au nom de TOUS les Haïtiens de la Diaspora, devant un Président pour qui les Haïtiens dits binationaux ne sont ni plus ni moins que des étrangers? Devais-je implorer sa clémence pour les Binationaux et lui dire: “Tanpri souplé, fè pa yo. Ba yo yon ti moceau nationalité haïtienne.” Non, la question me paraissait plus simple: “S’ils sont des étrangers, Monsieur le Président, ils ne relèvent pas de votre juridiction. Et j’ai le regret de vous faire savoir, parlant en leur nom, qu’aussi longtemps qu’ils seront pour vous des étrangers, si je dois parler en leur nom, nous n’avons rien à nous dire. Et le dialogue, sans même avoir commencé, est clos.” Je n’allais tout de même pas me rendre à Port-au-Prince pour dire cela au Président Préval. Je dus donc décliner l’invitation de ce groupe de patriotes et d’amis. Et je n’ai pas fait le déplacement. J’estime jusqu’à aujourd’hui qu’ils ont eu tort d’aller parler au Président Préval, sans avoir au préalable obtenu de lui qu’il considère les “Binationaux” comme des Haïtiens à part entière. Personnellement je ne veux toujours pas pour un Haïtien, quel qu’il soit, dès qu’il est prouvé qu’il est haïtien, une petit place à l’arrière de l’autobus. Il doit être assis dans l’autobus. C’est à prendre ou à laisser. FREEDOM NOW!

Et lorsque le Président du Sénat, M. Lambert, se retrouvera bientôt, le 16 de ce mois, devant un aréopage d’Haïtiens de la Diaspora, j’estime qu’à moins d’être des soussous et des sans-manman, la première question que les Binationaux devront lui poser est: “Pour vous, Monsieur le Président du Sénat, les Haïtiens qui ont une seconde nationalité sont-ils des Haïtiens à part entière ou bien des étrangers?” S’il répond: “Ils sont des étrangers”, j’estime qu’alors tous les Haïtiens binationaux présents dans cette salle et tous les autres haïtiens même non binationaux présents dans cette salle, par solidarité avec les Binationaux, devront ou lui demander de quitter la salle, ou eux-mêmes comme un seul homme devront quitter la salle. There is no freedom of tomorrow, messieurs dames. It’s NOW OR NEVER. Si vous acceptez aujourd’hui qu’on vous considère comme des gaçon-la-cou, demain encore on vous considérera comme des gaçon-la-cou et vous serez toujours des gaçon-la-cou.

Ne nous contentons pas de demi-mesures.

D’autant plus qu’il y a urgence. Il y a péril en la demeure. On est en train, comme je l’ai écrit, de nous néantiser, de nous évacuer dans l’évier de la planète. Et comment voulez-vous qu’on ne néantise pas un pays dont 83% des cadres sont rejetés dans les ténèbres extérieures? Sont, de facto, tenus hors d’une maison dont ils paient au moins la moitié de la maintenance? Car c’est aujourd’hui, NOW, qu’on nous met, qu’on nous remet sur le dos le sida de la planète. C’est aujourd’hui, NOW que notre pays est occupé par une bande de minus d’une Minustah dont les membres n’arrivent pas à la cheville de nos cadres intellectuels et professionnels. C’est donc aujourd’hui, NOW, que tous les Haïtiens de naissance doivent se retrouver sans distinction, prêts à servir leur nation, comme des citoyens à part entière, où qu’ils soient.

CONCLUSION
Si le Gouvernement ne veut pas aujourd’hui, NOW, organiser la Diaspora, de la manière dont je voulais l’organiser déjà en 1989 (dix-huit ans de perdus!), c’est à dire la structurer comme non pas comme un dixième “Département” (un mot qui n’exprime pas la complexité de notre Diaspora) , mais plutôt comme une sorte de “volet extérieur parallèle et complémentaire de la République d’Haïti une et indivisible”, si le Gouvernement ne veut pas le faire, c’est à la Diaspora de prendre l’initiative de le faire. Car aussi longtemps que la Diaspora ne sera pas organisée, ce qui suppose une structuration pyramidale analogue à celle qui existe dans le pays intérieur, elle n’aura pas les moyens de tirer profit de ses immenses ressources intellectuelles et matérielles et de les faire fructifier.
Si les Haïtiens binationaux sont des étrangers, ils ne peuvent pas participer à la vie de la nation. Aujourd’hui rejetés, exclus, ils sont acculés pour exister et pour agir à s’organiser eux-mêmes, de manière non point hostile, mais simplement indépendante du Gouvernement intérieur, jusqu’à ce que soit détruit le mur du mépris et de la honte qu’on a élevé pour les exclure et les excommunier. Refusant d’être des gaçon-la-cou ou même des chiens, la Diaspora doit marronner et fonder ce qui sera perçu comme une République de Marrons. L’Histoire nous montre que c’est souvent la voie incontournable de la Liberté.

J’entends: “Sommes-nous vraiment obligés d’en arriver là?”

Vous connaissez, vous, un autre moyen d’inclure les 83% des cadres de notre république qui errent aujourd’hui hors des murs de notre Cité? Vous le connaissez ce moyen? Alors faites vite. Car pour le moment ce sont les vrais Etrangers de la Minustah qui tentent d’apporter leur camelote à un pays privé, vidé des apports multiples d’un trop grand nombre, et des meilleurs, de ses enfants naturels. Aussi longtemps qu’une Michaëlle Jean pourra être Gouverneure de cette grande, fière et prestigieuse nation qu’est le Canada et qu’elle ne pourrait même pas briguer ou occuper officiellement le moindre poste éminent de notre nation maintenant même dans la merde et qui fait la fine bouche, aussi longtemps que nous serons obligés de subir ce genre d’absurdité transcendantale, je pense qu’être occupés par les minus de la Minustah, c’est encore nous faire beaucoup d’honneur, trop d’honneur. Quelques balayeurs des rues suffiraient largement. Et ce serait tellement moins coûteux.

Le Président du Sénat, M. Lambert, qui officiellement veut considérer un Binational comme un étranger, doit venir bientôt rendre visite à la Diaspora. J’attends de voir l’accueil que vont lui réserver ces “étrangers”. Ce sera un test révélateur. Evidemment il sera capable de leur dire sur cette question brûlante: “Ne vous tracassez pas, mes petits enfants, j’y travaille! j’y travaille!”. Ça fait vingt ans qu’on y travaille. Les promesses ont toujours rendu les fous heureux.

Pourquoi être pressé? Il n’y a que dans les bidonvilles qu’on meurt de faim.

Gérard Bissainthe
14 novembre 2007
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http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_votre_service/elections/comment_voter/vote-francais-etranger
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