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Notre collaborateur Rock André et son camarade Joseph Junior Guerrier ont soutenu hier jeudi 8 mai 2008 au Centre de techniques, de planification et d’économie appliquée (CTPEA), leur mémoire de sortie pour l’obtention du diplôme supérieur en planification au terme de quatre années d’études spécialisées.
Un jury composé du responsable de la planification au CTPEA, M. Théophile Roche, président, M. Daniel Milbin, lecteur critique et M. Frédéric Gérald Chéry, directeur de thèse, ont passé au peigne fin le document intitulé : « Croissance démographique et pauvreté : une analyse de la situation d’Haïti sur la période 1980-2003 ».
Après une présentation du travail par les auteurs, la parole a été accordée au lecteur critique pour ses commentaires, puis au directeur de thèse et au président du jury qui ont apprécié et critiqué le texte dans tous ses compartiments. Ce, disent-ils, dans l’idée de permettre aux nouveaux planificateurs de s’améliorer et de peaufiner le document.
Au terme de la discussion qui a permis aux présentateurs de faire la lumière sur les appréhensions du jury, celui-ci, après délibération, a attribué la note de 76/100 aux anciens étudiants de la promotion 2000-2004.
Les objectifs et hypothèses de l’étude
Une population en nette augmentation, des ressources en très faible quantité, résume un peu l’objet du travail. Résultat : un déséquilibre, avec une balance qui penche d’un côté, telle est bien la situation d’Haïti. Tel est aussi le schéma qui illustre la page de couverture du document qui part du constat qu’entre 1980 et 2003, le taux de croissance de l’économie haïtienne a été globalement négatif: -0,94 % entre 1981 et 1985 ; -0,20 % entre 1986 et 1990 ; -3,84 % entre 1991 et 1995 ; 1,91 % entre 1996 et 2000 et -0,41 % entre 2001 et 2003 (MPCE/PNUD, 2006). Pendant cette même période, la population n’a cessé de croître, passant de moins 5,035 millions d’habitants en 1980 à 8,37 millions d’habitants 2003.
Les auteurs se proposent donc de déterminer les implications de cette croissance démographique sur le niveau de pauvreté en Haïti. Aussi, s’intéressent-ils, à étudier l’impact des politiques nationales de population sur la croissance démographique en Haïti de 1980 à 2003 et à analyser l’évolution de l’accès aux services de base en regard de l’augmentation de la population. Il fallait donc tester l’hypothèse principale selon laquelle, sur la période 1980-2003, la croissance démographique a conduit à une augmentation du niveau de pauvreté en Haïti, en provoquant une déviation des ressources vers la consommation au détriment des investissements.
Sur cette directive de base, se greffait d’autres hypothèses secondaires : Plus il y a de membres dans un ménage, plus difficile est l’accès aux services de base ; l’accroissement rapide de la population haïtienne constitue un obstacle à l’accumulation du capital nécessaire à la croissance économique, les politiques nationales de population n’ont pas contribué à ralentir le rythme de croissance de la population de 1980 à 2003. Pour vérifier cette hypothèse, les auteurs ont utilisé la méthode hypothéticoinductive, l’approche qualitative et quantitative couplée de recherches documentaires, d’observation et d’entretiens.
Un grand écart entre les objectifs fixés et les résultats obtenus
Rock et Joseph ont étudié la tendance démographique en Haïti à travers les indicateurs suivants : natalité, fécondité, mortalité, émigration et urbanisation en supposant que l’évolution des variables démographiques considérées n’est pas influencée par les politiques nationales de population, mais plutôt résulte des comportements individuels pour échapper à la pauvreté.
À noter qu’un document de politiques de population publié en 1986 par l’État haïtien fixait un certain nombre d’objectifs à atteindre à l’horizon 2000, concernant les variables démographiques. Il fallait faire passer le taux brut de natalité de 36 pour 1000 en 1986 à 20 pour 1000 en l’an 2000 et le nombre moyen d’enfants nés vivants de 5,48 à 3 enfants par femme, augmenter d’ici l’an 2000 l’espérance de vie à la naissance de 48 ans à 65 ans et le taux brut de mortalité de 17 pour 1000 à 8 pour 1000, réduire la croissance de la population rurale, stabiliser le taux d’accroissement de la population de l’aire métropolitaine, accélérer la croissance des quatre plus grandes villes régionales, développer les villes moyennes, accélérer la croissance de tous les autres chefs-lieux de commune, de sorte que leur population ne soit pas inférieure à 2000 habitants en l’an 2000. Le programme visait également à faire passer le taux de migration de 5 pour 1000 à 0 pour 1000 en l’an 2000. Et parmi les mesures à appliquer pour aboutir à ces résultats, on comptait le programme de protection materno-infantile et de planification familiale en vue de faire passer le pourcentage de femmes utilisant la contraception de 25 % à 60 % en l’an 2000, la promotion de l’allaitement maternel, l’amendement de la loi sur l’avortement, le développement de la médecine préventive, la promotion d’un développement régional équilibré sur le territoire, la maîtrise de la croissance de Port-au-Prince et une meilleure occupation de l’espace et l’augmentation de la production nationale et l’amélioration de la répartition du revenu national.
Au 12 janvier 2003, 8 373 750 habitants vivaient en Haïti où l’on enregistrait un taux de croissance annuel de 2,5 % l’an, un taux brut de natalité de 28 naissances vivantes pour 1000 habitants en 2003, un indice synthétique de fécondité de 4 enfants par femme et un taux de mortalité infantile qui est passé de 101 pour 1000 en 1987 à 74 pour 1000 en 1994, pour remonter à 80 pour 1000 en 2000. Ce qui a poussé, au cours du débat, certains membres du jury à avouer qu’aucune politique de population n’a été jusqu’ici appliquée, en dépit de l’élaboration de divers documents.
La pauvreté haïtienne revêt, aux yeux des présentateurs, une dimension multiple. Cette dernière se traduit à travers un certain nombre de manques et de besoins non satisfaits, qui touchent à des domaines divers, dont les fondamentaux sont l’accès à la santé, l’accès à l’éducation, l’alimentation, l’accès au logement et l’accès à l’eau potable. L’ensemble des insuffisances par rapport à ces différents besoins donne l’ampleur de la pauvreté en Haïti. Selon les différentes enquêtes et recensement de l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI), ces indicateurs dénotent un déni d’accès de la population haïtienne à ces services sociaux de base. D’où la conception d’Amartya Sen de la pauvreté. En ce sens, on est tenté de croire que la croissance de la population conduit à la pauvreté. Mais, eu égard au poids du capital humain dans le processus de croissance qui demeure l’élément fondamental de lutte contre la pauvreté, la relation devient donc moins évidente. D’ailleurs, contrairement à Thomas Robert Malthus, Jean Bodin disait il n’y a de richesse que d’hommes. Le processus de développement doit donc se faire par l’homme et pour l’homme. La croissance démographique constitue-t-elle une opportunité ou une menace pour la croissance économique ? La réponse n’est pas toujours évidente. La croissance démographique, selon Rock et Joseph, demeure sans conteste un défi majeur que la société haïtienne se doit d’affronter en vue d’y trouver des solutions appropriées. Les quelques initiatives entreprises dans le passé n’ont pas abouti à des résultats satisfaisants, puisque les problèmes liés à l’accroissement de la population demeurent entiers. Selon l’IHSI, la population haïtienne atteindra le nombre de 17 millions de personnes en 2030, si le rythme actuel de croissance de la population se maintient. Quand on considère que l’économie haïtienne n’est pas en mesure de procurer un niveau de bien-être acceptable à 8 millions de personnes, il y a de quoi s’inquiéter pour l’avenir.
vendredi 9 mai 2008//
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