vendredi 9 mai 2008

L’agronome Pierre peut-il réussir là où l’agronome Alexis a échoué ?

Par Kesner Pharel
kesnerpharel@lematinhaiti.com

Un agronome, Jacques Édouard Alexis, laisse le Bureau du Premier ministre pour céder sa place à un autre au cas où le Parlement haïtien ratifierait le choix fait par le Président René Preval de M. Ericq Pierre comme Premier ministre désigné. M. Pierre n’est pas à son coup d’essai dans la quête de la ratification du Parlement pour occuper le poste de Premier ministre. Lors du premier mandat de René Préval, les Parlementaires avaient rejeté le choix du Président, en raison de l’incapacité de M. Pierre à présenter l’acte de naissance de sa grand’mère. Le contexte est certainement différent, mais le coup n’est pas gagné d’avance, connaissant le fonctionnement du Parlement haïtien.

Si la ratification d’Ericq Pierre apparaît plus probable quelques dix années plus tard, la situation politique, économique et sociale est devenue toutefois plus difficile et plus complexe. Il hériterait d’un bilan très lourd après les violentes manifestations enregistrées à travers le pays contre la vie chère au début du mois d’avril, qui ont forcé le départ de M. Alexis. Pourquoi ferait-il mieux que son prédécesseur, s’interrogent plusieurs analystes ? Différents observateurs croient que l’échec d’Alexis est dû particulièrement à son incapacité à gérer le problème de la vie chère, ou plus particulièrement à faire face à la hausse des prix des produits alimentaires. Ceci a certainement pesé dans la balance, mais l’on doit reconnaître que d’autres facteurs doivent être pris en considération.

Le futur locataire de la Villa d’accueil devrait analyser en profondeur le cas de l’administration Alexis pour éviter de commettre les mêmes erreurs et renforcer ce qui était positif. En effet, la gestion de M. Alexis pourrait être analysée comme un cas d’étude de « public management ». On est unanime à reconnaître et, ceci même M. Alexis, la faiblesse de communication du gouvernement sortant. Le Premier ministre sortant parlait en début d’année de déficit de communication qui a causé un manque de compréhension du grand public concernant les activités gouvernementales. En plus de ce déficit, il y avait certains dérapages, avec certaines déclarations de M. Alexis très mal interprétées par l’opinion publique et les Parlementaires.

Des analystes ont questionné le leadership exercé par Jacques Édouard Alexis sur son équipe gouvernementale. D’aucuns disaient que certains ministres n’étaient pas sous son contrôle et défiaient son autorité. On entendait également que d’autres ministres avaient leur propre agenda et ignoraient royalement M. Alexis. Toutes ces informations font comprendre qu’il n’y avait aucun esprit d’équipe au sein du gouvernement partant. Il était donc extrêmement difficile sinon impossible d’exécuter efficacement un plan d’action dans ces conditions si ce dernier existait réellement.

En dehors de son équipe gouvernementale, M. Alexis n’a pas pu apporter du sang neuf dans l’administration publique. Très peu de changements ont été réalisés en effet au niveau des délégations dans les différentes régions du pays et des ambassades à l’extérieur. Ceci a grandement limité sa marge de manœuvre dans l’implémentation des mesures gouvernementales. Sa grande ambition d’assurer la « ré-architecture » de l’État qu’il ambitionnait durant son second mandat n’a jamais pu être concrétisée.

Le texte sur la gouvernance publié cette semaine par la Ministre de la Condition féminine, Madame Marie Laurence Lassègue, pour expliquer les causes de l’échec du gouvernement Alexis affiche clairement ses principales faiblesses, mais fait ressortir également les graves problèmes interinstitutionnels qui empêchent le pays d’être gouverné de façon rationnelle et efficace. Son courage de discuter publiquement les profonds problèmes de gouvernance confrontés par le pays ne peut qu’aider les différents acteurs politiques (Président, Premier ministre, Parlementaires…) à comprendre la nécessité de modifier radicalement le modèle de gestion publique pratiqué actuellement dans le pays. Ceci représente une condition indispensable pour établir une culture de résultats devant permettre l’amélioration des conditions de vie de la population. Au cas où les conseils de Madame Lasègue seraient totalement ignorés, on peut déjà prévoir que M. Pierre est voué au même sort que son confrère Alexis.
vendredi 9 mai 2008
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