Le journal Le Matin a décidé d'appuyer ouvertement le choix de M. Ericq Pierre, par le Président René Préval, comme candidat au poste de Premier ministre. Nous comprenons très bien ce geste, d'autant plus qu'il vient d'un membre prestigieux du quatrième pouvoir qui généralement se garde de prendre parti. Si M. Ericq Pierre est ratifié par le Parlement, nous le verrons à l'oeuvre pour pouvoir le comparer à notre unique étalon: l'ingénieur Frantz Merceron.
S'il est ratifié, nous l'observerons à distance, donc autant que faire se peut, pour constater comment se développera la dynamique au sein du Pouvoir Exécutif bicéphale: La Présidence et la Primature.
Cette donnée dans l'équation du problème politique haïtien n'a pas été considérée dans l'analyse de l'éditorial du journal Le Matin.
M. Ericq Pierre, du point de vue du Coin de Pierre, serait comme une pièce de rechange neuve que l'on aurait installée dans une minoune (« bogota », en créole). À un moment donné, le propriétaire de la minoune aurait à prendre la décision de changer la minoune pour un véhicule neuf.
L'autre comparaison qui nous vient à l'esprit est celle-ci: M. Ericq Pierre serait comme une auto neuve que l'on utiliserait sur une route défoncée. Cette comparaison-ci se retrouve à peu près en des termes différents dans l'éditorial du journal Le Matin. À un moment donné, il faudrait reconstruire la route; mais cette fois il faudrait faire reposer cette nouvelle route sur une base solide et la doter d'une surface de roulement présentant uni excellent, de sorte que la nouvelle route ne serait pas la cause principale de la détérioration prémauturée de l'auto neuve.
La nouvelle route, ce serait, en autres choses, une nouvelle constitution qui établirait un régime parlementaire fort d'où sortirait le Premier ministre (Député (ou Sénateur), chef du parti majoritaire au Parlement).
Tant que le Premier ministre est choisi par le Président de la République, conformément à la constitution actuelle, il sera:
a) ou bien comme une pièce neuve placée dans un vieux moteur,
b) ou bien comme une auto neuve placée sur une route défoncée.
Changer la constitution actuelle, en écrire une nouvelle plus simple qui instituerait un régime parlementaire fort, qui créerait un poste de Président de prestige non électif, et qui permettrait à quelqu'un comme Ericq Pierre, par exemple, chef d'un parti politique, élu député (ou sénateur) à la tête son parti majoritaire au Parlement, de devenir ipso facto Premier ministre. Alors, et alors seulement, on verrait Haïti sortir progressivement, mais définitivement de son enfer pavé de crises politiques qui se succèdent continuellement, depuis 1804 !
Le Matin du 2 au 5 mai 2008
C’est à la formule de sa chronique au Matin « …. Et nous » que nous avons pensé spontanément lorsque nous avons appris la décision du président de la République de désigner Éricq Pierre comme Premier ministre conformément à la Constitution. Ce n’est pas seulement à l’attrait du jeu de mots que nous avons cédé en intitulant cet éditorial « Éricq Pierre et nous », mais à la qualité de la contribution de notre collaborateur dont les chroniques ont retenu l’attention dans divers milieux pour la justesse et la profondeur de ses idées et analyses. Réunie avec les éditorialistes et les responsables de la rédaction, la Direction du Matin a pour la première fois proposé de débattre du soutien à apporter à la candidature d’une personnalité à un poste politique. Certes, sous la plume de ses éditorialistes, notre quotidien a, en d’autres circonstances (transition du gouvernement intérimaire, accord politique et électoral du 28 novembre 2005), exposé l’orientation générale de ses interventions et la nécessité de soutenir telle initiative politique. La proposition d’aujourd’hui a suscité des débats éclairants entre nous. Toutes les nuances de positions ont été exprimées et les conséquences de la décision évaluées. Le Matin apporte son appui à la proposition du chef de l’État de ratifier la désignation d’Éricq Pierre comme Premier ministre.
Ericq Pierre, Premier ministre désigné (photo Le Matin, 2 mai 2008)
Les défis qui attendent le nouveau gouvernement sont énormes. Ne nous illusionnons pas, les plus difficiles ressortent de la gouvernance dans la mesure où l’institutionnalisation du régime politique est loin d’être achevée, dans la mesure où les défaillances de l’État, en tant que prestataire de services et référence d’autorité, hypothèquent considérablement la solution des graves problèmes qui assaillent le pays. Les plus criants, de ces défis, portent, on le sait, sur les réponses immédiates à apporter aux demandes d’une population démunie face à une conjoncture économique et sociale dramatique. Les plus éprouvants consistent à réunir des gestionnaires compétents, des dirigeants responsables, gens de terrain et têtes pensantes, dotés de ces grandes qualités politiques et morales que sollicitera à tout moment une situation particulièrement difficile et complexe. Les plus arides tournent autour de la cohésion de l’équipe dont le succès dépendra de sa capacité à demeurer à l’écoute du peuple et à maintenir ouverts les canaux de communication. Rude tâche pour un chef de gouvernement qui aura à faire montre de tact, de hauteur de vue et de détermination.
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