L'auteur est docteur en économie.
Son livre est publié chez Lattès en 2008. C'est la traduction du livre «Creating a world without poverty».
Dr. Yunus est fondateur et directeur de la Grameen Bank au Bangladesh.
Son livre et ses réalisations peuvent fournir des idées aux compatriotes haïtiens et sortir Haïti des griffes du FMI et de la Banque mondiale, sans cesser de faire des affaires avec ces deux institutions ...sur de nouvelles bases.
Voici un petit extrait du livre:
pp.41-43 : De la Banque mondiale…
« Des campagnes ont été menées en faveur de la fermeture de la Banque Mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). J’y ai toujours été opposé. Ce sont des institutions importantes créées pour servir de très bonnes causes. Plutôt que de les fermer, il faudrait les moderniser de fond en comble…»
« Si on me demandait mon avis sur ce sujet, j’insisterais sur les points suivants :
Une Banque mondiale rénovée devrait être ouverte aux gouvernements comme aux investisseurs privés. Les investissements privés devraient suivre le modèle d’économie sociale que je vais décrire.
Elle devrait travailler avec les gouvernements, les ONG et les organisations d’un genre nouveau dont je propose la création dans ce livre : le social-business.
Le président de la Banque mondiale devrait être choisi par un comité de sélection qui examinerait les candidatures de personnalités qualifiées venant du monde entier.
La Banque mondiale devrait agir au travers de succursales nationales semi-autonomes disposant de leur propre comité consultatif plutôt qu’au moyen de bureaux nationaux dépourvus de pouvoir.
L’évaluation du personnel devrait reposer sur la qualité de son travail et sur l’impact de celui-ci, non sur le volume de prêts négociés. Si un projet échoue ou si ses résultats sont décevants, le membre du personnel qui l’a conçu et mis en œuvre devrait être tenu responsable.
La Banque mondiale devrait évaluer chaque année les projets qu’elle finance sur la base de leurs résultats en matière de réduction de la pauvreté. Chaque bureau national devrait être évalué de la même manière.»
pp. 51-66 : «Ce qu’est le social-business et ce qu’il n’est pas »
« …nous devons introduire un autre type d’activité économique qui prend en compte le caractère multidimensionnel de la nature humaine. Alors que les entreprises traditionnelles ont pour objectif la maximisation du profit, celles dont nous proposons la création se consacreraient au social-business. Les entrepreneurs fonderaient des social-business non pour réaliser des gains privés, mais afin de poursuivre des objectifs sociaux spécifiques.»
«…la liberté de marché ne serait pas menacée si toutes les entreprises ne cherchaient pas à maximiser le profit. Le capitalisme peut certainement être amélioré…En posant que les entreprises doivent nécessairement rechercher un profit maximal, nous avons créé un monde qui ignore le caractère multidimensionnel de la nature humaine. L’activité économique demeure par conséquent incapable de répondre aux problèmes sociaux les plus pressants.»
«…il nous faut créer un nouveau type d’activité économique visant des buts autres que la maximisation du profit – une activité économique totalement dédiée à la résolution des problèmes sociaux et environnementaux.»
«Ces nouvelles entreprises ressemblent par bien des traits à celles que nous connaissons. Mais elles s’en distinguent par leurs objectifs. Comme toutes les entreprises, un social-business emploie des travailleurs, produit des biens et des services, et les propose à ses clients à un prix cohérent avec son objectif. Mais son but ultime – et le critère au moyen duquel l’entreprise sera évaluée – est de créer des bénéfices sociaux pour ceux qui se trouvent à son contact. L’entreprise elle-même peut réaliser des profits, mais les investisseurs qui la soutiennent ne retirent aucun bénéfice de son activité : ils ne font que récupérer leur mise initiale après un certain laps de temps. Un social-business est une entreprise orientée vers une cause davantage que vers le profit; elle a de la sorte la possibilité d’agir comme un vecteur de changement. »
«Un social-business n’est pas une organisation charitable. C’est une entreprise au plein sens du terme. Elle doit couvrir l’ensemble de ses coûts tout en atteignant un objectif social.»
«…Ce que nous savons aujourd’hui nous permet de distinguer deux types de social-business.»
«J’ai déjà décrit le premier: il s’agit d’entreprises qui cherchent à produire des avantages sociaux plutôt qu’à maximiser le profit revenant à leurs propriétaires. Elles sont détenues par des investisseurs désireux de contribuer à procurer des bénéfices sociaux comme la réduction de la pauvreté, les soins médicaux pour les pauvres, la justice sociale, le développement durable, etc. Ces investisseurs renoncent à une rémunération financière au profit de satisfactions psychologiques, émotionnelles et spirituelles. »
«Le second type de social-business fonctionne de manière assez différente. Ce sont des entreprises cherchant classiquement à maximiser le profit, mais détenues par des pauvres ou par des personnes défavorisées. Dans ce cas, l’avantage social découle du fait que les dividendes et la valorisation de l’entreprise bénéficieront aux pauvres, les aidant de ce fait à lutter contre la pauvreté et même à y échapper.»
«Notez les différences qui séparent ces deux sortes de social-business. Dans le premier cas, c’est la nature des produits, des services ou du mode d’exploitation de l’activité qui crée le bénéfice social. Ce type de social-business peut fournir des produits alimentaires, des logements, des soins médicaux, de l’éducation et d’autres biens susceptibles d’aider les pauvres ; il peut dépolluer, réduire les inégalités sociales, ou travailler à soulager des maux comme la toxicomanie ou l’abus d’alcool, les violences conjugales, le chômage ou le crime. Toutes les entreprises qui réussisent à couvrir leurs coûts en vendant des produits ou des services et ne versent pas de dividendes à leurs investisseurs peuvent être qualifiées de social-business.»
«Dans le cas des social-business du second type, les biens et les services produits pourront ou non créer un bénéfice social. Le bénéfice social issu de ces entreprises viendra de leur mode de détention. Car les actions de l’entreprises appartiendront aux pauvres ou aux défavorisés (satisfaisant à des critères précis et transparents développés et appliqués par les directeurs de la société). Tous les bénéfices financiers produits par l’activité de l’entreprise iront aider ceux qui sont dans le besoin. »
«Imaginez qu’une région rurale pauvre soit séparée des principaux centres commerciaux du pays par une rivière trop profonde, trop large et trop sauvage pour être traversée à pied ou en utilisant des véhicules ordinaires. Seul un bac permet de la traverser ; mais il est cher, lent, et n’assure pas un service régulier…nous supposons que les gouvernements nationaux et locaux sont incapables de régler le problème en raison du manque d’argent, de l’indifférence du pouvoir politique, ou d’autres dysfonctionnements.»
«Supposons à présent qu’une société privée soit créée pour construire une nouvelle autoroute ainsi qu’un pont moderne et sûr permettant de relier cette zone rurale au cœur économique du pays. Cette société pourrait être structurée sous forme de social-business, et ce de deux manières. »
«Elle pourrait tout d’abord offrir aux habitants disposant de faibles revenus un accès à tarif réduit, alors qu’elle appliquerait le plein tarif aux habitants appartenant à la classe moyenne ou supérieure ainsi qu’aux grandes organisations commerciales…Les recettes du péage couvriraient les coûts de construction, d’entretien, de maintenance du pont et de l’autoroute ; au-delà elles permettraient de rembourser les fonds initialement fournis par les investisseurs. Ces investisseurs ne participeraient pas aux profits. Si des profits supplémentaires étaient dégagés, ils pourraient servir à financer une infrastructure complémentaire bénéficiant à la communauté rurale : davantage de routes et de ponts, par exemple, ou peut-être des social-business susceptibles de dynamiser l’économie locale et de créer des emplois. »
«La propriété de la société gérant le pont et l’autoroute pourrait en second lieu être attribuée aux habitants à bas revenus de la région rurale. Ce résultat serait obtenu en leur vendant des actions à bas prix ; ils les achèteraient grâce à des prêts émanant d’organisations de micro-crédit ou au moyen de crédits qu’ils rembourseraient ultérieurement avec les profits de l’entreprise. Les profits supplémentaires générés par les péages pourraient être soit investis dans de nouveaux projets d’infrastructures, soit restitués sous forme de dividendes aux détenteurs de la société.»
«La Grameen Bank consent aux pauvres de petits prêts sans garantie et à un coût raisonnable. Ils peuvent ainsi démarrer ou agrandir une petite affaire et, à terme, sortir de la pauvreté. Si elle était détenue par des investisseurs aisés, la Grameen bank serait une entreprise cherchant à maximiser son profit. Mais il n’en est rien. La Grameen Bank est détenue par les pauvres : 94% de ses actions appartiennent aux emprunteurs eux-mêmes. »
«La structure de son actionnariat fait donc de la Grameen Bank un social-business. Si une grande banque comme la Grameen peut être détenue par les femmes pauvres du Bengladesh, n’importe quelle compagnie importante peut appartenir aux pauvres si nous parvenons à développer des modèles concrets de gestion de la propriété. »
«Et oui, un social-business pourrait également combiner ces deux manières de faire bénéficier les pauvres de son activité : il pourrait suivre un modèle économique conçu pour produire des bénéfices sociaux grâce à la nature des biens ou services crées et vendus, et aussi être détenu par des pauvres ou les désavantagés… »
« Des campagnes ont été menées en faveur de la fermeture de la Banque Mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). J’y ai toujours été opposé. Ce sont des institutions importantes créées pour servir de très bonnes causes. Plutôt que de les fermer, il faudrait les moderniser de fond en comble…»
« Si on me demandait mon avis sur ce sujet, j’insisterais sur les points suivants :
Une Banque mondiale rénovée devrait être ouverte aux gouvernements comme aux investisseurs privés. Les investissements privés devraient suivre le modèle d’économie sociale que je vais décrire.
Elle devrait travailler avec les gouvernements, les ONG et les organisations d’un genre nouveau dont je propose la création dans ce livre : le social-business.
Le président de la Banque mondiale devrait être choisi par un comité de sélection qui examinerait les candidatures de personnalités qualifiées venant du monde entier.
La Banque mondiale devrait agir au travers de succursales nationales semi-autonomes disposant de leur propre comité consultatif plutôt qu’au moyen de bureaux nationaux dépourvus de pouvoir.
L’évaluation du personnel devrait reposer sur la qualité de son travail et sur l’impact de celui-ci, non sur le volume de prêts négociés. Si un projet échoue ou si ses résultats sont décevants, le membre du personnel qui l’a conçu et mis en œuvre devrait être tenu responsable.
La Banque mondiale devrait évaluer chaque année les projets qu’elle finance sur la base de leurs résultats en matière de réduction de la pauvreté. Chaque bureau national devrait être évalué de la même manière.»
pp. 51-66 : «Ce qu’est le social-business et ce qu’il n’est pas »
« …nous devons introduire un autre type d’activité économique qui prend en compte le caractère multidimensionnel de la nature humaine. Alors que les entreprises traditionnelles ont pour objectif la maximisation du profit, celles dont nous proposons la création se consacreraient au social-business. Les entrepreneurs fonderaient des social-business non pour réaliser des gains privés, mais afin de poursuivre des objectifs sociaux spécifiques.»
«…la liberté de marché ne serait pas menacée si toutes les entreprises ne cherchaient pas à maximiser le profit. Le capitalisme peut certainement être amélioré…En posant que les entreprises doivent nécessairement rechercher un profit maximal, nous avons créé un monde qui ignore le caractère multidimensionnel de la nature humaine. L’activité économique demeure par conséquent incapable de répondre aux problèmes sociaux les plus pressants.»
«…il nous faut créer un nouveau type d’activité économique visant des buts autres que la maximisation du profit – une activité économique totalement dédiée à la résolution des problèmes sociaux et environnementaux.»
«Ces nouvelles entreprises ressemblent par bien des traits à celles que nous connaissons. Mais elles s’en distinguent par leurs objectifs. Comme toutes les entreprises, un social-business emploie des travailleurs, produit des biens et des services, et les propose à ses clients à un prix cohérent avec son objectif. Mais son but ultime – et le critère au moyen duquel l’entreprise sera évaluée – est de créer des bénéfices sociaux pour ceux qui se trouvent à son contact. L’entreprise elle-même peut réaliser des profits, mais les investisseurs qui la soutiennent ne retirent aucun bénéfice de son activité : ils ne font que récupérer leur mise initiale après un certain laps de temps. Un social-business est une entreprise orientée vers une cause davantage que vers le profit; elle a de la sorte la possibilité d’agir comme un vecteur de changement. »
«Un social-business n’est pas une organisation charitable. C’est une entreprise au plein sens du terme. Elle doit couvrir l’ensemble de ses coûts tout en atteignant un objectif social.»
«…Ce que nous savons aujourd’hui nous permet de distinguer deux types de social-business.»
«J’ai déjà décrit le premier: il s’agit d’entreprises qui cherchent à produire des avantages sociaux plutôt qu’à maximiser le profit revenant à leurs propriétaires. Elles sont détenues par des investisseurs désireux de contribuer à procurer des bénéfices sociaux comme la réduction de la pauvreté, les soins médicaux pour les pauvres, la justice sociale, le développement durable, etc. Ces investisseurs renoncent à une rémunération financière au profit de satisfactions psychologiques, émotionnelles et spirituelles. »
«Le second type de social-business fonctionne de manière assez différente. Ce sont des entreprises cherchant classiquement à maximiser le profit, mais détenues par des pauvres ou par des personnes défavorisées. Dans ce cas, l’avantage social découle du fait que les dividendes et la valorisation de l’entreprise bénéficieront aux pauvres, les aidant de ce fait à lutter contre la pauvreté et même à y échapper.»
«Notez les différences qui séparent ces deux sortes de social-business. Dans le premier cas, c’est la nature des produits, des services ou du mode d’exploitation de l’activité qui crée le bénéfice social. Ce type de social-business peut fournir des produits alimentaires, des logements, des soins médicaux, de l’éducation et d’autres biens susceptibles d’aider les pauvres ; il peut dépolluer, réduire les inégalités sociales, ou travailler à soulager des maux comme la toxicomanie ou l’abus d’alcool, les violences conjugales, le chômage ou le crime. Toutes les entreprises qui réussisent à couvrir leurs coûts en vendant des produits ou des services et ne versent pas de dividendes à leurs investisseurs peuvent être qualifiées de social-business.»
«Dans le cas des social-business du second type, les biens et les services produits pourront ou non créer un bénéfice social. Le bénéfice social issu de ces entreprises viendra de leur mode de détention. Car les actions de l’entreprises appartiendront aux pauvres ou aux défavorisés (satisfaisant à des critères précis et transparents développés et appliqués par les directeurs de la société). Tous les bénéfices financiers produits par l’activité de l’entreprise iront aider ceux qui sont dans le besoin. »
«Imaginez qu’une région rurale pauvre soit séparée des principaux centres commerciaux du pays par une rivière trop profonde, trop large et trop sauvage pour être traversée à pied ou en utilisant des véhicules ordinaires. Seul un bac permet de la traverser ; mais il est cher, lent, et n’assure pas un service régulier…nous supposons que les gouvernements nationaux et locaux sont incapables de régler le problème en raison du manque d’argent, de l’indifférence du pouvoir politique, ou d’autres dysfonctionnements.»
«Supposons à présent qu’une société privée soit créée pour construire une nouvelle autoroute ainsi qu’un pont moderne et sûr permettant de relier cette zone rurale au cœur économique du pays. Cette société pourrait être structurée sous forme de social-business, et ce de deux manières. »
«Elle pourrait tout d’abord offrir aux habitants disposant de faibles revenus un accès à tarif réduit, alors qu’elle appliquerait le plein tarif aux habitants appartenant à la classe moyenne ou supérieure ainsi qu’aux grandes organisations commerciales…Les recettes du péage couvriraient les coûts de construction, d’entretien, de maintenance du pont et de l’autoroute ; au-delà elles permettraient de rembourser les fonds initialement fournis par les investisseurs. Ces investisseurs ne participeraient pas aux profits. Si des profits supplémentaires étaient dégagés, ils pourraient servir à financer une infrastructure complémentaire bénéficiant à la communauté rurale : davantage de routes et de ponts, par exemple, ou peut-être des social-business susceptibles de dynamiser l’économie locale et de créer des emplois. »
«La propriété de la société gérant le pont et l’autoroute pourrait en second lieu être attribuée aux habitants à bas revenus de la région rurale. Ce résultat serait obtenu en leur vendant des actions à bas prix ; ils les achèteraient grâce à des prêts émanant d’organisations de micro-crédit ou au moyen de crédits qu’ils rembourseraient ultérieurement avec les profits de l’entreprise. Les profits supplémentaires générés par les péages pourraient être soit investis dans de nouveaux projets d’infrastructures, soit restitués sous forme de dividendes aux détenteurs de la société.»
«La Grameen Bank consent aux pauvres de petits prêts sans garantie et à un coût raisonnable. Ils peuvent ainsi démarrer ou agrandir une petite affaire et, à terme, sortir de la pauvreté. Si elle était détenue par des investisseurs aisés, la Grameen bank serait une entreprise cherchant à maximiser son profit. Mais il n’en est rien. La Grameen Bank est détenue par les pauvres : 94% de ses actions appartiennent aux emprunteurs eux-mêmes. »
«La structure de son actionnariat fait donc de la Grameen Bank un social-business. Si une grande banque comme la Grameen peut être détenue par les femmes pauvres du Bengladesh, n’importe quelle compagnie importante peut appartenir aux pauvres si nous parvenons à développer des modèles concrets de gestion de la propriété. »
«Et oui, un social-business pourrait également combiner ces deux manières de faire bénéficier les pauvres de son activité : il pourrait suivre un modèle économique conçu pour produire des bénéfices sociaux grâce à la nature des biens ou services crées et vendus, et aussi être détenu par des pauvres ou les désavantagés… »
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