Sources : AFP/Le Monde et Le Matin du mardi 8 avril 2008
Manifestations contre « la vie chère » au quatre coins de l’Afrique. La rue africaine ne parle que de cela : les prix des denrées quotidiennes sont devenus fous. En quelques mois, la conjonction des hausses du blé, du riz, de l’huile sur les marchés mondiaux, de médiocres récoltes locales et l’absence de contrôle des prix, a accru les tensions sociales et compromis la stabilité politique.
L’ Afrique, piégée par la flambée des prix des aliments de base
Spectaculaire dans les villes africaines mais prégnante aussi en Asie, la flambée des prix a confirmé les propos de Jacques Diouf, le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) prophétisant, dès octobre 2007, des « émeutes de la faim » alors que le prix moyen d’un repas de base a augmenté de 40 % en une année. « Beaucoup de gens ne mangent plus qu’un plat par jour », entend-on à Dakar. « Avec 1.500 francs CFA (3,55 dollars) pour nourrir ma famille, je ne sais plus quoi faire », dit une ménagère sur un marché de Bamako, au Mali.
De Douala (Cameroun) à Abidjan (Côte d’Ivoire) et du Caire (Egypte) à Dakar (Sénégal), les manifestations de rues secouent les capitales africaines et contraignent les gouvernants à prendre des mesures pour contrôler les prix. « Gbagbo, marché est cher », «Gbagbo, on a faim », clamaient des femmes d’Abdidjan à l’adresse du président ivoirien. Des affrontements avec la police ont causé la mort d’au moins deux personnes. De fait, le prix du kilogramme de riz est passé de 250 à 650 francs CFA (de 0,35 à 1,53 dollar) au cours de l’année ; celui de l’huile a augmenté de plus de 40 %. Le savon, le lait, la viande ont suivi, ce dont ne rendent pas compte les chiffres officiels (8 % d’inflation en 2007 pour l’ensemble du continent noir).
« Dans les pays de la zone CFA, la hausse serait encore plus importante si le franc CFA n’était pas accroché à l’euro, une devise forte. Le coût des importations en est diminué d’autant. Les pays dont la monnaie est accrochée au dollar souffrent davantage », assure un économiste de l’Agence française de développement (AFD).
Suppression des droits de douane et baisse de la TVA : le chef de l’Etat ivoirien, comme ses homologues camerounais, sénégalais ou égyptien confrontés eux aussi à la rue, s’est engagé à faire baisser les prix en jouant sur les rares leviers que l’Etat maîtrise encore. La recette n’est pas de celles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale préconisent car elle pèse sur les finances publiques.
Seule la gravité de la situation a amené les institutions financières à se montrer plus accommodantes vis-à-vis des pays en développement. Le gouvernement égyptien a ajouté une mesure plus radicale : l’interdiction temporaire d’exporter le riz produit localement.
Aucun pays n’est à l’abri de troubles. A Dakar, une manifestation interdite « contre la vie chère » a dérapé dimanche 30 mars, trois mois après l’annonce de mesures pour contenir l’inflation : suppression de taxes sur le riz, création de « magasins témoin» exemplaires par la modération de leurs prix, diminution du traitement des ministres et même du chef de l’Etat. Les mesures n’ont pas produit l’effet escompté. « Les commerçants n’ont pas joué le jeu et l’Etat n’a plus les moyens de contrôler », constate Mamadou Barry, de l’ONG sénégalaise Enda.
Le Maroc, la Mauritanie, le Burkina Faso se préparent … à la catastrophe!
Au Maroc, secoué lui aussi par des manifestations « contre la vie chère », des rassemblements sont prévus en avril. La marge de manoeuvre du gouvernement est réduite. Cas rare en Afrique, une « caisse de compensation », prend partiellement en charge, au Maroc, la hausse des produits de première nécessité mais son enveloppe, augmentée dans le budget 2008, sera épuisée cet été.
En Mauritanie où l’autosuffisance alimentaire ne dépasse pas 30 %, la situation est encore plus dramatique. Incapable de financer l’importation de denrées agricoles, le pays va connaître « une crise alimentaire sérieuse en 2008 », a prévenu le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies.Au Burkina Faso, une commission parlementaire « contre la vie chère » a été installée après les manifestations de la mi-mars dans plusieurs villes. Les syndicats appellent à une « grève générale » les 8 et 9 avril pour réclamer des augmentations de salaires, le contrôle des prix et la réduction des taxes sur les carburants.
Conseiller pour l’Afrique au Fonds monétaire international (FMI), Eugène Nyambal estime que la situation est le résultat des politiques prônées par les institutions financières internationales. Depuis des décennies elles ont encouragé les cultures d’exportation comme le coton, au détriment des cultures vivrières qu’il était plus avantageux d’acquérir, à bas prix, sur le marché international. Elles ont aussi poussé au démantèlement des structures de contrôle des prix. « La plupart de ces pays attendent des solutions de la Banque mondiale ou du FMI qui sont eux-mêmes dépassés par les évolutions récentes », ajoute-t-il, insistant sur les conséquences des troubles actuels sur les régimes en place qui n’ont pas développé de politique de soutien à l’agriculture locale. Jeudi soir, à l’occasion de la fête de l’indépendance, le président sénégalais Abdoulaye Wade a ainsi annoncé la relance d’un « programme national d’autosuffisance » agricole.
La Banque mondiale a fait amende honorable dans son dernier rapport annuel et mis l’accent sur la renaissance des cultures vivrières. Il faudra des années pour modifier le modèle de développement.
mardi 8 avril 2008
//L'article ci-dessus provient de:
http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=12117
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Manifestations contre « la vie chère » au quatre coins de l’Afrique. La rue africaine ne parle que de cela : les prix des denrées quotidiennes sont devenus fous. En quelques mois, la conjonction des hausses du blé, du riz, de l’huile sur les marchés mondiaux, de médiocres récoltes locales et l’absence de contrôle des prix, a accru les tensions sociales et compromis la stabilité politique.
L’ Afrique, piégée par la flambée des prix des aliments de base
Spectaculaire dans les villes africaines mais prégnante aussi en Asie, la flambée des prix a confirmé les propos de Jacques Diouf, le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) prophétisant, dès octobre 2007, des « émeutes de la faim » alors que le prix moyen d’un repas de base a augmenté de 40 % en une année. « Beaucoup de gens ne mangent plus qu’un plat par jour », entend-on à Dakar. « Avec 1.500 francs CFA (3,55 dollars) pour nourrir ma famille, je ne sais plus quoi faire », dit une ménagère sur un marché de Bamako, au Mali.
De Douala (Cameroun) à Abidjan (Côte d’Ivoire) et du Caire (Egypte) à Dakar (Sénégal), les manifestations de rues secouent les capitales africaines et contraignent les gouvernants à prendre des mesures pour contrôler les prix. « Gbagbo, marché est cher », «Gbagbo, on a faim », clamaient des femmes d’Abdidjan à l’adresse du président ivoirien. Des affrontements avec la police ont causé la mort d’au moins deux personnes. De fait, le prix du kilogramme de riz est passé de 250 à 650 francs CFA (de 0,35 à 1,53 dollar) au cours de l’année ; celui de l’huile a augmenté de plus de 40 %. Le savon, le lait, la viande ont suivi, ce dont ne rendent pas compte les chiffres officiels (8 % d’inflation en 2007 pour l’ensemble du continent noir).
« Dans les pays de la zone CFA, la hausse serait encore plus importante si le franc CFA n’était pas accroché à l’euro, une devise forte. Le coût des importations en est diminué d’autant. Les pays dont la monnaie est accrochée au dollar souffrent davantage », assure un économiste de l’Agence française de développement (AFD).
Suppression des droits de douane et baisse de la TVA : le chef de l’Etat ivoirien, comme ses homologues camerounais, sénégalais ou égyptien confrontés eux aussi à la rue, s’est engagé à faire baisser les prix en jouant sur les rares leviers que l’Etat maîtrise encore. La recette n’est pas de celles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale préconisent car elle pèse sur les finances publiques.
Seule la gravité de la situation a amené les institutions financières à se montrer plus accommodantes vis-à-vis des pays en développement. Le gouvernement égyptien a ajouté une mesure plus radicale : l’interdiction temporaire d’exporter le riz produit localement.
Aucun pays n’est à l’abri de troubles. A Dakar, une manifestation interdite « contre la vie chère » a dérapé dimanche 30 mars, trois mois après l’annonce de mesures pour contenir l’inflation : suppression de taxes sur le riz, création de « magasins témoin» exemplaires par la modération de leurs prix, diminution du traitement des ministres et même du chef de l’Etat. Les mesures n’ont pas produit l’effet escompté. « Les commerçants n’ont pas joué le jeu et l’Etat n’a plus les moyens de contrôler », constate Mamadou Barry, de l’ONG sénégalaise Enda.
Le Maroc, la Mauritanie, le Burkina Faso se préparent … à la catastrophe!
Au Maroc, secoué lui aussi par des manifestations « contre la vie chère », des rassemblements sont prévus en avril. La marge de manoeuvre du gouvernement est réduite. Cas rare en Afrique, une « caisse de compensation », prend partiellement en charge, au Maroc, la hausse des produits de première nécessité mais son enveloppe, augmentée dans le budget 2008, sera épuisée cet été.
En Mauritanie où l’autosuffisance alimentaire ne dépasse pas 30 %, la situation est encore plus dramatique. Incapable de financer l’importation de denrées agricoles, le pays va connaître « une crise alimentaire sérieuse en 2008 », a prévenu le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies.Au Burkina Faso, une commission parlementaire « contre la vie chère » a été installée après les manifestations de la mi-mars dans plusieurs villes. Les syndicats appellent à une « grève générale » les 8 et 9 avril pour réclamer des augmentations de salaires, le contrôle des prix et la réduction des taxes sur les carburants.
Conseiller pour l’Afrique au Fonds monétaire international (FMI), Eugène Nyambal estime que la situation est le résultat des politiques prônées par les institutions financières internationales. Depuis des décennies elles ont encouragé les cultures d’exportation comme le coton, au détriment des cultures vivrières qu’il était plus avantageux d’acquérir, à bas prix, sur le marché international. Elles ont aussi poussé au démantèlement des structures de contrôle des prix. « La plupart de ces pays attendent des solutions de la Banque mondiale ou du FMI qui sont eux-mêmes dépassés par les évolutions récentes », ajoute-t-il, insistant sur les conséquences des troubles actuels sur les régimes en place qui n’ont pas développé de politique de soutien à l’agriculture locale. Jeudi soir, à l’occasion de la fête de l’indépendance, le président sénégalais Abdoulaye Wade a ainsi annoncé la relance d’un « programme national d’autosuffisance » agricole.
La Banque mondiale a fait amende honorable dans son dernier rapport annuel et mis l’accent sur la renaissance des cultures vivrières. Il faudra des années pour modifier le modèle de développement.
mardi 8 avril 2008
//L'article ci-dessus provient de:
http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=12117
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