Par Gérard Bissainthe
Je n’ai pas voulu intervenir jusqu’à aujourd’hui, 6 avril 2008, date de la réunion sur la constitution de 1987 à laquelle participeront Madame Myrlande Manigat et Mr Michel Soucar, en la présence du Sénateur Rudolph Boulos. Mon intervention aurait pu être interprétée comme une tentative de saboter cette réunion, ce qui ne saurait nullement être mon intention.
Mais je tiens aujourd’hui à faire savoir que désormais je m’inscris en faux contre tout débat que nous pourrons désormais avoir sur cette constitution, puisqu’il est maintenant avéré que ce genre de débat ne peut jamais aboutir qu’aux résultats suivants:
1.- être une manœuvre de diversion qui nous éloigne des vrais problèmes concrets du pays;
2.- entretenir de fausses illusions parmi des citoyens qui s’imaginent que leurs discussions et leurs opinions sur la constitution peuvent avoir une influence sur la manière dont cette constitution est appliquée aujourd’hui et sera appliquée demain;
3.- créer la division parmi ces citoyens qui aujourd’hui n’arrêtent pas de se crêper le chignon sur le sens et la portée des articles de cette constitution, sans que jamais cela n’ait fait avancer d’un millimètre les problèmes posés par une charte nationale qui est devenue la plus grave pomme de discorde de l’histoire haïtienne;
Je regrette beaucoup que Madame Myrlande Manigat et le Sénateur Rudolph Boulos, aient jugé bon de participer à cette initiative. Les connaissant, je pense qu’ils le font de bonne foi. Mais cela suffit-il ?
Après cette conférence rien ne changera, parce que rien ne pourra changer. Les débatteurs sont piégés. Quelles que soient leurs conclusions et leurs vœux, le fond du problème reste immuablement le fait que la Loi qui nous régit n’est pas celle qui s’exprime dans une constitution intrinsèquement bloquée et verrouillée, mais est la loi dictée par la volonté du Prince.
Alors il est tout simplement surréaliste, chimérique et onirique de se mettre à discuter de la “lex” (la loi) du pays, quand la vraie “lex” qui nous régit est la “lex” du Prince, un Prince qui de surcroit est aux ordres d’un César étranger, lui-même difficile à identifier, parce qu’il porte un masque, comme c’était courant jadis chez les chevaliers de l’ombre dans cette Florence de César Borgia où naquit et mourut le célèbre Niccolo Machiavelli.
L’intelligentsia d’un sous pays tutelle n’est rien d’autre qu’une intelligentsia sous tutelle, à moins qu’elle ne se mette tout de suite à planifier systématiquement la fin de cette tutelle dans les meilleurs délais. Il n’y a nul besoin de préconiser la révolte armée contre la Minustah, puisque ce n’est pas elle qui est venue de son plein gré chez nous; mais nous qui sommes allés la chercher. Il n’y a jamais de tutelle sans complicité locale. Les deux jambes de la Minustah sont Préval et Alexis. Ses mille tentacules les mouvements politiques, les consultants et les organisations qu’elle finance et tous ceux dont la tutelle est devenu le gagne-pain.
L’adage “dura lex sed lex” (la loi est dure, mais c’est la loi) est un bel et noble adage, sauf lorsque dans les faits il faut sous-entendre autre chose: “dura lex Caesaris sed lex” (la loi de César est dure, mais c’est la loi).
Messieurs et dames les césaro-légalistes, sortez de vos rêves!
Beaucoup de citoyens haïtiens sont aujourd’hui arrivés à la conclusion qu’une seule solution désormais s’impose: une outre neuve pour notre vin nouveau. Donc élaborer méthodiquement, rationnellement une nouvelle constitution totalement neuve pour notre nouvelle révolution. Inutile de penser à racommoder l’ancienne; elle n’est pas racommodable. Et nous n’avons pas et n’aurons jamais les outils pour la racommonder. Les raccommodeurs de constitution sont à l’œuvre depuis 1987 et ils y seront encore en l’an 3087, car ce ne sont pas les raccommodeurs qui souffrent, mais le peuple.
Madame Myrlande Manigat, Mr Michel Soucar, le Sénateur Rudolph Boulos, des citoyens remarquables, feraient beaucoup mieux de réorienter leurs ressources et leurs énergies vers la construction d’une nouvelle charte nationale qu’une nouvelle assemblée constituante, s’il le faut révolutionnaire, pourra adopter et promulguer.
Quelle est l’alternative? Elle ne viendra pas de nous; mais d’ailleurs. Le peuple nous a attendus, et nous n’avons à lui offrir que nos débats, nos ratiocinations, notre logorrhée, nos valses-hésitations, nos subtils distinguos, nos solutions pendulaires ou ondulatoires. J’ai déjà dit que le zinglindisme généralisé agressif et provocateur qui est le nôtre n’attend qu’une étincelle pour devenir une révolution. Si nous ne faisons pas la révolution, elle se fera sans nous ou même contre nous.
En 1957 Cuba comme Haïti attendait une révolution pour changer les conditions de vie du peuple. Haïti a continué à attendre dans le camp de l’Ouest et cinquante ans après elle attend encore, en descendant chaque année d’un degré. Cuba, elle, déçue, s’est énervée et est partie ailleurs. Nous pouvons critiquer Cuba comme nous voulons; mais dans les domaines des sports, de l’éducation, de la santé, des arts, Haïti en face de Cuba mord la poussière. Je ne suis toujours pas convaincu qu’il nous faut la solution cubaine. J’ai toujours dit que nous ne devons pas faire comme Cuba, mais mieux que Cuba. Par contre, si notre idéal de démocratie non marxiste n’aboutit pas, rien ne pourra empêcher la solution que j’appelle de colère et de désespoir qui est celle du latino-marxisme. Ce ne sont pas les vitupérations d’Untel et d’Unetelle qui pourront lui barrer la route. Ce n’est jamais de gaité de cœur que le peuple fait tout sauter, mais quand il y est acculé le peuple le fait.
Comme la musique adoucit les mœurs, le beau concert de la Conférence d’aujourd’hui 6 avril à New York pourra peut-être avoir un effet sédatif sur les éléments qui commencent à se déchaîner en Haïti? I will not hold my breath. Je ne pense pas non plus que les exhortations à la Saint François d’Assise de notre chanteur Wyclef Jean arrivent à changer les loups affamés de nos bidonvilles en doux agneaux, selon le souhait et le songe d’une nuit d’été de la Minustah dont le candeur est sans égale.
Quand on aura fermé les bans de la conférence, je souhaite que les compatriotes qui se sont réunis pour cette grand-messe retrouvent le chemin de nos froides réalités et se mettent au travail pour élaborer une nouvelle constitution d’Haïti.
Gérard Bissainthe
6 avril 2008
Je n’ai pas voulu intervenir jusqu’à aujourd’hui, 6 avril 2008, date de la réunion sur la constitution de 1987 à laquelle participeront Madame Myrlande Manigat et Mr Michel Soucar, en la présence du Sénateur Rudolph Boulos. Mon intervention aurait pu être interprétée comme une tentative de saboter cette réunion, ce qui ne saurait nullement être mon intention.
Mais je tiens aujourd’hui à faire savoir que désormais je m’inscris en faux contre tout débat que nous pourrons désormais avoir sur cette constitution, puisqu’il est maintenant avéré que ce genre de débat ne peut jamais aboutir qu’aux résultats suivants:
1.- être une manœuvre de diversion qui nous éloigne des vrais problèmes concrets du pays;
2.- entretenir de fausses illusions parmi des citoyens qui s’imaginent que leurs discussions et leurs opinions sur la constitution peuvent avoir une influence sur la manière dont cette constitution est appliquée aujourd’hui et sera appliquée demain;
3.- créer la division parmi ces citoyens qui aujourd’hui n’arrêtent pas de se crêper le chignon sur le sens et la portée des articles de cette constitution, sans que jamais cela n’ait fait avancer d’un millimètre les problèmes posés par une charte nationale qui est devenue la plus grave pomme de discorde de l’histoire haïtienne;
Je regrette beaucoup que Madame Myrlande Manigat et le Sénateur Rudolph Boulos, aient jugé bon de participer à cette initiative. Les connaissant, je pense qu’ils le font de bonne foi. Mais cela suffit-il ?
Après cette conférence rien ne changera, parce que rien ne pourra changer. Les débatteurs sont piégés. Quelles que soient leurs conclusions et leurs vœux, le fond du problème reste immuablement le fait que la Loi qui nous régit n’est pas celle qui s’exprime dans une constitution intrinsèquement bloquée et verrouillée, mais est la loi dictée par la volonté du Prince.
Alors il est tout simplement surréaliste, chimérique et onirique de se mettre à discuter de la “lex” (la loi) du pays, quand la vraie “lex” qui nous régit est la “lex” du Prince, un Prince qui de surcroit est aux ordres d’un César étranger, lui-même difficile à identifier, parce qu’il porte un masque, comme c’était courant jadis chez les chevaliers de l’ombre dans cette Florence de César Borgia où naquit et mourut le célèbre Niccolo Machiavelli.
L’intelligentsia d’un sous pays tutelle n’est rien d’autre qu’une intelligentsia sous tutelle, à moins qu’elle ne se mette tout de suite à planifier systématiquement la fin de cette tutelle dans les meilleurs délais. Il n’y a nul besoin de préconiser la révolte armée contre la Minustah, puisque ce n’est pas elle qui est venue de son plein gré chez nous; mais nous qui sommes allés la chercher. Il n’y a jamais de tutelle sans complicité locale. Les deux jambes de la Minustah sont Préval et Alexis. Ses mille tentacules les mouvements politiques, les consultants et les organisations qu’elle finance et tous ceux dont la tutelle est devenu le gagne-pain.
L’adage “dura lex sed lex” (la loi est dure, mais c’est la loi) est un bel et noble adage, sauf lorsque dans les faits il faut sous-entendre autre chose: “dura lex Caesaris sed lex” (la loi de César est dure, mais c’est la loi).
Messieurs et dames les césaro-légalistes, sortez de vos rêves!
Beaucoup de citoyens haïtiens sont aujourd’hui arrivés à la conclusion qu’une seule solution désormais s’impose: une outre neuve pour notre vin nouveau. Donc élaborer méthodiquement, rationnellement une nouvelle constitution totalement neuve pour notre nouvelle révolution. Inutile de penser à racommoder l’ancienne; elle n’est pas racommodable. Et nous n’avons pas et n’aurons jamais les outils pour la racommonder. Les raccommodeurs de constitution sont à l’œuvre depuis 1987 et ils y seront encore en l’an 3087, car ce ne sont pas les raccommodeurs qui souffrent, mais le peuple.
Madame Myrlande Manigat, Mr Michel Soucar, le Sénateur Rudolph Boulos, des citoyens remarquables, feraient beaucoup mieux de réorienter leurs ressources et leurs énergies vers la construction d’une nouvelle charte nationale qu’une nouvelle assemblée constituante, s’il le faut révolutionnaire, pourra adopter et promulguer.
Quelle est l’alternative? Elle ne viendra pas de nous; mais d’ailleurs. Le peuple nous a attendus, et nous n’avons à lui offrir que nos débats, nos ratiocinations, notre logorrhée, nos valses-hésitations, nos subtils distinguos, nos solutions pendulaires ou ondulatoires. J’ai déjà dit que le zinglindisme généralisé agressif et provocateur qui est le nôtre n’attend qu’une étincelle pour devenir une révolution. Si nous ne faisons pas la révolution, elle se fera sans nous ou même contre nous.
En 1957 Cuba comme Haïti attendait une révolution pour changer les conditions de vie du peuple. Haïti a continué à attendre dans le camp de l’Ouest et cinquante ans après elle attend encore, en descendant chaque année d’un degré. Cuba, elle, déçue, s’est énervée et est partie ailleurs. Nous pouvons critiquer Cuba comme nous voulons; mais dans les domaines des sports, de l’éducation, de la santé, des arts, Haïti en face de Cuba mord la poussière. Je ne suis toujours pas convaincu qu’il nous faut la solution cubaine. J’ai toujours dit que nous ne devons pas faire comme Cuba, mais mieux que Cuba. Par contre, si notre idéal de démocratie non marxiste n’aboutit pas, rien ne pourra empêcher la solution que j’appelle de colère et de désespoir qui est celle du latino-marxisme. Ce ne sont pas les vitupérations d’Untel et d’Unetelle qui pourront lui barrer la route. Ce n’est jamais de gaité de cœur que le peuple fait tout sauter, mais quand il y est acculé le peuple le fait.
Comme la musique adoucit les mœurs, le beau concert de la Conférence d’aujourd’hui 6 avril à New York pourra peut-être avoir un effet sédatif sur les éléments qui commencent à se déchaîner en Haïti? I will not hold my breath. Je ne pense pas non plus que les exhortations à la Saint François d’Assise de notre chanteur Wyclef Jean arrivent à changer les loups affamés de nos bidonvilles en doux agneaux, selon le souhait et le songe d’une nuit d’été de la Minustah dont le candeur est sans égale.
Quand on aura fermé les bans de la conférence, je souhaite que les compatriotes qui se sont réunis pour cette grand-messe retrouvent le chemin de nos froides réalités et se mettent au travail pour élaborer une nouvelle constitution d’Haïti.
Gérard Bissainthe
6 avril 2008
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