mardi 8 avril 2008

Haïti/ÉMEUTES DE LA FAIM: COMMUNIQUE DU RDNP

Sources: Haiti-Nation et courriel de Robert Benodin


Le RDNP n’est pas surpris par les manifestations qui se déroulent tant dans les villes de province, particulièrement aux Cayes, mais aussi dans la capitale.
Nous assistons à ce que l’on appelle des “émeutes de la faim”, évènements classiques lorsque dans un pays la population voit ses moyens et sa qualité de vie se dégrader en raison de la cherté du coût de la vie et que, face à la misère du plus grand nombre, le gouvernement en place démontre son incapacité, son manque de responsabilité qui confinent à une indifférence quant au sort du plus grand nombre.
Ces manifestations tant qu’elles demeurent pacifiques, le RDNP les trouve compréhensibles et justifiables et, de ce fait, il les appuie, car il s’est toujours montré réceptif aux revendications et à la colère de la population exprimés sur tous les tons et depuis trop longtemps. “Nou grangou !!” tel est le cri lancé par les foules et on ne saurait ne pas les entendre! Ce sont des expressions de frustration, d’impuissance et de désespoir. La voix du peuple est poignante et cette image de manifestants mangeant des feuilles devant le Palais National est hautement significative. Lorsqu’une population est réduite à ce stade de privations et de pauvreté, il est normal et prévisible qu’elle recoure aux manifestations publiques et pacifiques. Et tout en gardant la tête froide face aux débordements possibles et surtout en prévision des dérives probables et d’une exploitation politique indue d’une situation qui interpelle la conscience citoyenne, le RDNP attire l’attention sur un certain nombre de points.

1. Tout d’abord, il exprime son émotion devant la mort violente de 5 citoyens dont certains n’étaient même pas concernés par les manifestations et il adresse ses condoléances à leurs familles doublement frappées par les privations et par la mort irrémédiable d’un proche. Il déplore aussi les blessés dont le nombre est incertain. Lorsqu’une situation s’engage dans des actes de violence, il y a lieu de craindre une spirale incontrôlable pouvant déboucher sur le pire.

2. Les causes des manifestations sont évidentes et il est pour le moins audacieux, irresponsable et inutilement offensant de la part du gouvernement et de ceux qui l’appuient de dénoncer des boucs émissaires. Il est probable que certains secteurs aient infiltré les manifestants, mais ces soulèvements sont dus, fondamentalement, à la misère et à la colère de la population qui n’en peut plus, toutes classes sociales confondues, mais certainement à des degrés plus insupportables pour les plus démunies. C’est le moment de faire appel à la sagesse de la population pour qu’elle ne suive pas des mots d’ordre qui incitent au désordre, au pillage indiscriminé de magasins de citoyens honnêtes et peut-être même sympathiques à leur cause.

3. Pourquoi la vie chère ? Des indicateurs réguliers alertent depuis longtemps au sujet de l’élévation du coût de la vie. Le RDNP se fait le devoir de tenir des dossiers régulièrement alimentés à partir des informations recueillies dans la capitale et aussi en province (supermarchés, boutiques, marchés publics, chauffeurs de tap-tap, marchandes de “chin jambé” d’arlequins et de “maléré pa brital”). Les causes sont d’abord nationales car le pays ne fournit pas assez de biens pour nourrir la population et, faute de politique adéquate, il se trouve en situation de cessation de production. Elles sont aussi internationales car il doit importer les produits essentiels, le pétrole aussi bien que le riz, et il ne maîtrise ni les espaces et les facteurs de production, ni les circuits, ni les prix. Soit. Mais le rôle d’un gouvernement responsable est de le SAVOIR, de s’informer, ce qui n’est pas difficile, et surtout de PREVOIR, afin de ne pas se laisser surprendre par l’augmentation des prix internationaux et d’adopter certaines mesures afin que la population n’en subisse pas directement et brutalement les effets. D’autres pays le font et réussissent à limiter les chocs d’importation et le stress collectif consécutif à une brusque montée des prix sur le marché international. Haïti peut aussi le faire, à condition que ceux qui la dirigent en aient le souci, la compétence et la détermination.

4. Ces mesures, quelles sont-elles ? Certainement pas celles qui sont annoncées et qui ne sont que des palliatifs, au demeurant irréalistes non dans leur nature mais dans les mécanismes de leur mise en œuvre par un Etat dont les structures sont si vermoulues par l’inefficacité et la corruption qu’il donne l’impression d’être inexistant, mais en ce qui concerne leur opportunité pour répondre à la conjoncture de l’heure, car elles sont inappropriées et en plus tardives car la population a épuisé ses réserves de patience et elle n’a pas confiance en ceux qui gouvernent le pays. Ces mesures annoncées font songer à un pansement au mercurochrome sur une jambe cassée !

5. Le RDNP l’a déjà dit et publié, elles doivent être d’abord comprises en termes d’urgence, afin de stopper la montée des prix et, pour cela, il convient d’avoir une exacte mesure des besoins ce qui permet d’évaluer l’opportunité des décisions adéquates en consultation avec les secteurs de production (il y en a encore qui poursuivent une action courageuse pleine de foi dans l’avenir du pays) et les entreprises importatrices. La consommation de riz qui est de 450.000 tonnes par année est une donnée à retenir pour fonder une véritable approche agricole et économique de ce produit. Du côté de l’Etat, l’intervention fiscale est indispensable pour faire baisser les prix. Parallèlement et à moyen terme, il y a lieu de monter des stocks stratégiques des produits les plus demandés afin d’agir sur les prix. Mais la solution la plus radicale se situe à deux niveaux :
* la relance sérieusement planifiée de la production nationale de façon à diminuer le volume des importations de riz, d’œufs ou de pois;
* de l’autre une vaste politique d’information et d’éducation afin d’orienter les Haïtiens vers la consommation locale au lieu de l’étrangère (revaloriser le traditionnel akasan par rapport aux corn flakes, le riz national par rapport à l’importé, deux exemples parmi d’autres).

Oui, cela est possible ! Et il est urgent d’y penser ! Mais une telle stratégie demande du courage, de l’expertise fonctionnelle, du respect pour la population qui ne mange pas selon ses besoins, encore moins à sa faim, un peu de décence dans l’utilisation des ressources de l’Etat à des fins personnelles, et suffisamment de crédibilité pour faire accepter des mesures, sans doute difficiles, mais qui correctement expliquées paraîtront moins dures à entériner. Et en donnant l’exemple de la sobriété et du partage. Il ne s’agit pas de faire des miracles mais de prendre le pays au sérieux et par des gens sérieux!

Mirlande Manigat
Secrétaire Générale

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