Le Sénat (8) de la République d'Haïti a, le samedi 12 avril 2008, renvoyé le Premier ministre Jacques Edouard Alexis ((2), (3), (4)) à la suite des émeutes de la faim. Ce vote a entraîné la chute du gouvernement Alexis et il constitue un précédent dans l'histoire politique haïtienne.
Desormais, quelque compétent qu'il soit (le PM Alexis démissionnaire l'est), un Premier ministre haïtien (6) gouvernera en ayant toujours à l'esprit qu'il peut être renvoyé par l'une ou l'autre des deux Chambres, s'il n'est pas capable d'exécuter convenablement le programme de gouvernement sur lequel il avait reçu l'aval du Parlement.
Dans les pays démocratiques à régime parlementaire comme le Canada, par exemple, nous sommes habitués à voir un Premier ministre (1) et le gouvernement minoritaire qu'il dirige renversés par Chambre des Communes. Le problème ne se pose pas si le gouvernement est majoritaire.
Actuellement, au Canada, le Premier ministre Steven Harper (9) dirige un gouvernement minoritaire à Ottawa; dans la Province de Québec, le Premier ministre Jean Charest (10) dirige aussi un gouverenement minoritaire à Québec. Ces deux gouvenements, fédéral et provincial, sont susceptibles d'être renversés à tout moment avant la fin de leurs mandats respectifs si les parlementaires des partis d'opposition représentés en chambre ne sont plus satisfaits de l'action du gouvernement minoritaire en question.
En Haïti, le parti LESPWA du Président René Préval (11) n'est pas majoritaire au Parlement ((14), (13), (8)). C'est ce qui explique que son Premier ministre Jacques-Edouard Alexis a été facilement renvoyé le 12 avril 2008.
Paraphrasant Robert Rotberg, professeur de Politique publique à l'Université Harvard, je pense que le renvoi du Premier Ministre Alexis et son gouvernement par le Sénat est énormément une bonne chose pour la démocratie naissante en Haïti.
La Constitution de 1987 (7) définit de manière très succincte les attributions du Premier ministre. À mon sens, la Constitution laisse floue la frontière entre les attributions du Président et celles du Premier ministre: dans la pratique, dans l'exercice du pouvoir, le Président donnera au Premier ministre des pouvoirs limités ou étendus, tout en respectant en apparence la lettre de la Constitution.
Le seul cas, à notre sens, où le Président de la République avait laissé beaucoup de place au Premier ministre est celui du gouvernement de transition Boniface Alexandre - Gérard Latortue ((5), (12)), entre 2004 et 2006. Le Président Boniface avait un comportement presque effacé, tandis que le premier ministre Latortue faisait sentir sa présence partout, en Haïti comme à l'extérieur. Le modèle de fonctionnement (apparent) entre le Président B. Alexandre et Premier ministre G. Latortue constitue un modèle à suivre tout en l'améliorant.
Malheureusement, en Haïti, le Président de la République est élu, tandis que le Premier ministre est nommé par le Président. La dynamique au sein de l'Exécutif aurait été complètement différente si la Constitution stipulait l'inverse, comme dans une démocratie franchement parlementaire: « le PM est un député (ou bien un sénateur), généralement le chef du parti ayant obtenu la majorité de sièges au Parlement;... le Président n'est pas élu, mais il est recommandé à la suite d'un consensus entre le Pouvoir judiciaire et le Pouvoir législatif, par exemple, puis il est nommé par le Premier ministre pour une période x ». Ainsi le vrai Pouvoir exécutif serait entre les mains du Premier ministre, le Parlement gardant toujours le pouvoir de le renverser (le PM et le gouvernement qu'il dirige) comme cela sait se faire dans les démocraties parlementaires modernes. Dans un tel système, il y a le Pouvoir judiciaire et le Pouvoir législatif; quant au Pouvoir exécutif, il est issu du Pouvoir législatif périodiquement (à chaque élection). Si Haïti adoptait une telle forme de gouvernement, sortirait-elle définitivement de ses crises politiques séculaires ? Je me le demande sérieusement.
On parle beaucoup en Haïti et sur le Web du profil et de la compétence d'un Premier ministre. À cela il faudrait ajouter que le Premier ministre devrait être brillant, compétent, suffisamment fort de caractère pour ne pas laisser le Président empiéter sur son terrain. Il faudrait aussi et surtout qu'une loi (ou un décret ayant force de loi) vienne compléter la Constitution en spécifiant clairement les attributions et pouvoirs du Premier ministre et en définissant clairement les rapports entre la Présidence et la Primature (plus spécifiquement entre le Président et le Premier Ministre). Un tel document est essentiel si le parti du Président n'est pas majoritaire au Parlement et que le Président se voit obligé de choisir un Premier ministre qui n'est pas issu de son propre parti.
Dans la crise actuelle, le Président du Sénat Kelly C. Bastien ne cesse de souhaiter que le PM à choisir par le Président Préval ne devrait être issu d'aucun parti politique car les trois prochaines années vont être des années d'élections en continu et il ne faudrait pas que le PM favorise un parti au détriment des autres. Si le choix du Président de la République répondait aux voeux du Président du Sénat, la définition des rapports entre le PM et le Président dans un texte légal serait on ne peut plus nécessaire.
Une fois le PM désigné par le Président et ratifié par le Parlement, il devra s'attaquer, avec son cabinet et avec tous les secteurs de la vie nationale, d'abord aux problèmes urgents, il devra satisfaire aux demandes de la population lors des émeutes de la faim, et ensuite il devra s'attaquer aux problèmes dont la solution ne se manifestera qu'à moyen et long termes. À ce sujet voir l'article de Madame Odette Roy Fombrun, publié dans Le Matin du 18 avril et posté sur ce blog.
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(1) Les Premiers ministres dans quelques pays:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Premier_ministre
//
(2) Biographie succincte de J.E. Alexis selon Wikipédia
http://en.wikipedia.org/wiki/Jacques-%C3%89douard_Alexis
//
(3) CV de Jacques-Edouard Alexis:
http://primature.gouv.ht/bio.php
//
(4) Déclaration de politique générale de J.E. Alexis:
http://primature.gouv.ht/politique.php
//
(5) Biographie succincte de Gérard Latortue selon Wikipédia
http://en.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9rard_Latortue
//
(6) Liste des Premiers ministres haïtiens de février 1988 à avril 2008
http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_Prime_Ministers_of_Haiti
//
(7) Constitution de 1987
http://pdba.georgetown.edu/Constitutions/Haiti/haiti1987fr.html
//
(8) Le Sénat de la République d'Haïti
http://en.wikipedia.org/wiki/Senate_of_Haiti
//
(9) Premier ministre Steven Harper
http://en.wikipedia.org/wiki/Stephen_Harper
//
(10) Premier ministre Jean Charest
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Charest
//
(11) Président René Préval
http://en.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Pr%C3%A9val
//
(12) Président Boniface Alexandre
http://fr.wikipedia.org/wiki/Boniface_Alexandre
//
(13) Chambre des députés d'Haïti
http://en.wikipedia.org/wiki/Chamber_of_Deputies_of_Haiti
//
(14) L'Assemblée nationale d'Haïti
http://en.wikipedia.org/wiki/National_Assembly_of_Haiti
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Desormais, quelque compétent qu'il soit (le PM Alexis démissionnaire l'est), un Premier ministre haïtien (6) gouvernera en ayant toujours à l'esprit qu'il peut être renvoyé par l'une ou l'autre des deux Chambres, s'il n'est pas capable d'exécuter convenablement le programme de gouvernement sur lequel il avait reçu l'aval du Parlement.
Dans les pays démocratiques à régime parlementaire comme le Canada, par exemple, nous sommes habitués à voir un Premier ministre (1) et le gouvernement minoritaire qu'il dirige renversés par Chambre des Communes. Le problème ne se pose pas si le gouvernement est majoritaire.
Actuellement, au Canada, le Premier ministre Steven Harper (9) dirige un gouvernement minoritaire à Ottawa; dans la Province de Québec, le Premier ministre Jean Charest (10) dirige aussi un gouverenement minoritaire à Québec. Ces deux gouvenements, fédéral et provincial, sont susceptibles d'être renversés à tout moment avant la fin de leurs mandats respectifs si les parlementaires des partis d'opposition représentés en chambre ne sont plus satisfaits de l'action du gouvernement minoritaire en question.
En Haïti, le parti LESPWA du Président René Préval (11) n'est pas majoritaire au Parlement ((14), (13), (8)). C'est ce qui explique que son Premier ministre Jacques-Edouard Alexis a été facilement renvoyé le 12 avril 2008.
Paraphrasant Robert Rotberg, professeur de Politique publique à l'Université Harvard, je pense que le renvoi du Premier Ministre Alexis et son gouvernement par le Sénat est énormément une bonne chose pour la démocratie naissante en Haïti.
La Constitution de 1987 (7) définit de manière très succincte les attributions du Premier ministre. À mon sens, la Constitution laisse floue la frontière entre les attributions du Président et celles du Premier ministre: dans la pratique, dans l'exercice du pouvoir, le Président donnera au Premier ministre des pouvoirs limités ou étendus, tout en respectant en apparence la lettre de la Constitution.
Le seul cas, à notre sens, où le Président de la République avait laissé beaucoup de place au Premier ministre est celui du gouvernement de transition Boniface Alexandre - Gérard Latortue ((5), (12)), entre 2004 et 2006. Le Président Boniface avait un comportement presque effacé, tandis que le premier ministre Latortue faisait sentir sa présence partout, en Haïti comme à l'extérieur. Le modèle de fonctionnement (apparent) entre le Président B. Alexandre et Premier ministre G. Latortue constitue un modèle à suivre tout en l'améliorant.
Malheureusement, en Haïti, le Président de la République est élu, tandis que le Premier ministre est nommé par le Président. La dynamique au sein de l'Exécutif aurait été complètement différente si la Constitution stipulait l'inverse, comme dans une démocratie franchement parlementaire: « le PM est un député (ou bien un sénateur), généralement le chef du parti ayant obtenu la majorité de sièges au Parlement;... le Président n'est pas élu, mais il est recommandé à la suite d'un consensus entre le Pouvoir judiciaire et le Pouvoir législatif, par exemple, puis il est nommé par le Premier ministre pour une période x ». Ainsi le vrai Pouvoir exécutif serait entre les mains du Premier ministre, le Parlement gardant toujours le pouvoir de le renverser (le PM et le gouvernement qu'il dirige) comme cela sait se faire dans les démocraties parlementaires modernes. Dans un tel système, il y a le Pouvoir judiciaire et le Pouvoir législatif; quant au Pouvoir exécutif, il est issu du Pouvoir législatif périodiquement (à chaque élection). Si Haïti adoptait une telle forme de gouvernement, sortirait-elle définitivement de ses crises politiques séculaires ? Je me le demande sérieusement.
On parle beaucoup en Haïti et sur le Web du profil et de la compétence d'un Premier ministre. À cela il faudrait ajouter que le Premier ministre devrait être brillant, compétent, suffisamment fort de caractère pour ne pas laisser le Président empiéter sur son terrain. Il faudrait aussi et surtout qu'une loi (ou un décret ayant force de loi) vienne compléter la Constitution en spécifiant clairement les attributions et pouvoirs du Premier ministre et en définissant clairement les rapports entre la Présidence et la Primature (plus spécifiquement entre le Président et le Premier Ministre). Un tel document est essentiel si le parti du Président n'est pas majoritaire au Parlement et que le Président se voit obligé de choisir un Premier ministre qui n'est pas issu de son propre parti.
Dans la crise actuelle, le Président du Sénat Kelly C. Bastien ne cesse de souhaiter que le PM à choisir par le Président Préval ne devrait être issu d'aucun parti politique car les trois prochaines années vont être des années d'élections en continu et il ne faudrait pas que le PM favorise un parti au détriment des autres. Si le choix du Président de la République répondait aux voeux du Président du Sénat, la définition des rapports entre le PM et le Président dans un texte légal serait on ne peut plus nécessaire.
Une fois le PM désigné par le Président et ratifié par le Parlement, il devra s'attaquer, avec son cabinet et avec tous les secteurs de la vie nationale, d'abord aux problèmes urgents, il devra satisfaire aux demandes de la population lors des émeutes de la faim, et ensuite il devra s'attaquer aux problèmes dont la solution ne se manifestera qu'à moyen et long termes. À ce sujet voir l'article de Madame Odette Roy Fombrun, publié dans Le Matin du 18 avril et posté sur ce blog.
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(1) Les Premiers ministres dans quelques pays:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Premier_ministre
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(2) Biographie succincte de J.E. Alexis selon Wikipédia
http://en.wikipedia.org/wiki/Jacques-%C3%89douard_Alexis
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(3) CV de Jacques-Edouard Alexis:
http://primature.gouv.ht/bio.php
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(4) Déclaration de politique générale de J.E. Alexis:
http://primature.gouv.ht/politique.php
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(5) Biographie succincte de Gérard Latortue selon Wikipédia
http://en.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9rard_Latortue
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(6) Liste des Premiers ministres haïtiens de février 1988 à avril 2008
http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_Prime_Ministers_of_Haiti
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(7) Constitution de 1987
http://pdba.georgetown.edu/Constitutions/Haiti/haiti1987fr.html
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(8) Le Sénat de la République d'Haïti
http://en.wikipedia.org/wiki/Senate_of_Haiti
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(9) Premier ministre Steven Harper
http://en.wikipedia.org/wiki/Stephen_Harper
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(10) Premier ministre Jean Charest
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Charest
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(11) Président René Préval
http://en.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Pr%C3%A9val
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(12) Président Boniface Alexandre
http://fr.wikipedia.org/wiki/Boniface_Alexandre
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(13) Chambre des députés d'Haïti
http://en.wikipedia.org/wiki/Chamber_of_Deputies_of_Haiti
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(14) L'Assemblée nationale d'Haïti
http://en.wikipedia.org/wiki/National_Assembly_of_Haiti
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