Par Claude Moise
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La question à l’ordre du jour est, à n’en pas douter, la formation d’un nouveau gouvernement. Elle préoccupe tous ceux qui, à un titre ou à un autre, dans les institutions nationales et internationales, sont partie prenante de la gestion du pays. Fortement dépendante de l’aide extérieure, dont la présence de la Minustah n’est pas qu’un symbole, Haïti est l’objet de la sollicitude des principales puissances. Si, situation de crise oblige, la conférence internationale des bailleurs de fonds prévue auparavant le 25 avril a été reportée sine die, deux de ses principaux membres, la France et le Canada, ont annoncé une initiative de proposer une conférence internationale centrée sur le développement économique d’Haïti. La réunion aurait lieu l’été prochain ou à l’automne. D’ici là, on le croit, on le souhaite, le prochain gouvernement aurait déjà été formé. Le peuple haïtien, de son côté, appelle de ses vœux la formation de la nouvelle équipe gouvernementale pour que celle-ci se coltine sans délai les questions qui tenaillent son quotidien.
En attendant au pays et en diaspora, c’est à un nouveau jeu que l’on s’adonne. Toutes les spéculations sur les personnalités qui seraient pressenties pour le poste de Premier ministre sont permises. Au-delà, la répartition des portefeuilles ministériels entre les forces en jeu (partis, personnalités, blocs majoritaires, société civile) autorise de savants calculs. Quelques rappels de l’histoire de la formation des gouvernements issus de la Constitution de 1987 – en excluant la période du coup d’État (1991-1994) – pourront faire ressortir que, plus que le parcours à obstacles établi par la Constitution, ce sont les conjonctures politiques et le jeu des forces qui déterminent la désignation et la confirmation plus ou moins aisées d’un Premier ministre et de son cabinet.
Accédant à la présidence en janvier 1988 sous la surveillance ombrageuse des militaires à la suite de l’avortement sanglant des élections de novembre 1987, Leslie Manigat n’a pas eu de difficulté à confier le poste de Premier ministre à un fidèle. Il a d’ailleurs composé un cabinet ministériel à sa convenance, quitte à y accueillir un militaire en activité de service, le général W. Régala en qualité de ministre de la Défense. Certains ont mis en doute la validité constitutionnelle de cette décision selon une interprétation stricte de l’article 267. L’expérience n’a pas été concluante en raison de sa brièveté.
Jean Bertrand Aristide, dans un premier temps, à la faveur de son triomphe électoral en décembre 1990, n’eut pas à négocier son choix de René Préval comme chef de gouvernement en dépit de la configuration du Parlement d’où ne se dégagèrent ni un parti majoritaire ni une majorité présidentielle. Mais, très vite, les rapports se sont détériorés entre les Pouvoirs exécutif et législatif. Une première fracture apparut dans le mouvement lavalas. L’animosité se développa entre le secteur présidentiel et le FNCD qui avait parrainé la candidature d’Aristide. Le coup d’État de septembre 1991 a mis un frein à cette autre tentative de normalisation.
Dans un deuxième temps, de retour d’exil en octobre 1994, porté par la communauté internationale, accueilli en vainqueur, Jean Bertrand Aristide put reconstituer sans entrave un nouveau gouvernement sous la direction de Smark Michel, puis un autre avec Claudette Werley comme Premier ministre. La 45e Législature se délitait et le mandat présidentiel devait se terminer le 7 février 1996.
Élu en décembre 1995, entré en fonction le 7 février 1996, René Préval a eu, semble-t-il en raison de l’opposition de l’ex-président Aristide, du mal à choisir un Premier ministre parmi les membres de la force dominante au Parlement, en l’occurrence l’Organisation politique lavalas (OPL) dont le dirigeant principal, Gérard PierreCharles, était le favori. Finalement, Rosny Smarth fut désigné après plus d’un mois de tractations. Une deuxième fracture ne tarda pas à se produire dans le mouvement lavalas. Interpellé le 26 mars 1997 à la Chambre des députés, le Premier ministre en sortit victorieux. Mais il démissionna quelques mois plus tard. Une nouvelle épreuve se dessina pour le régime. Le président Préval ne réussit pas à faire accepter les candidatures successives d’Ericq Pierre et de Hervé Denis (deux fois). Enfin, le choix de Jacques-Édouard Alexis fut ratifié en décembre 1998, mais ce dernier ne put présenter sa déclaration de politique générale pour cause de caducité de la 46e législature le 11 janvier 1999. La crise gouvernementale aura duré de juin 1997 à janvier 1999, laissant un vide institutionnel majeur qui se sera transformé en crise politique suite aux élections de l’année 2000 fortement contestées.
De retour à la présidence en 2006, René Préval a opté pour un gouvernement pluriel dont la formation exprime plus ou moins la configuration du Parlement. C’est ce gouvernement qui vient d’être renversé alors que la répartition des forces au Sénat et à la Chambre des députés n’a subi apparemment aucune modification. Mais les conditions du départ d’Alexis, la crise alimentaire, le bouillonnement politique grandissant posent de nouveaux problèmes politiques à résoudre. Quels sont-ils ? Comment conditionnent-ils le choix d’un nouveau Premier ministre et la constitution d’une nouvelle équipe gouvernementale ?
jeudi 17 avril 2008
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http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=12260
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